Malgré les efforts des pharmaciens

Les Italiens boudent les génériques

Publié le 28/01/2010
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En Italie, la vente des médicaments génériques est autorisée depuis 2001. Toutefois, la progression des produits équivalents a été ralentie par une industrie pharmaceutique forte qui bénéficiait auparavant d’une extension de ses brevets à 18 ans. Depuis 1992, les choses ont changé. Le dispositif en vigueur a été corrigé et la durée des brevets raccourcie. Mais les génériques peinent à s’imposer.

L’AN DERNIER, de nombreux médicaments ont pu être commercialisés sous forme de générique, plusieurs brevets étant arrivés à échéance. Du coup, la palette de produits disponibles s’est élargie. Toutefois, le marché du générique a du mal à décoller malgré les efforts des pharmaciens qui, après avoir obtenu une augmentation de leur taux de marge sur chaque boîte de générique, poussent les consommateurs à remplacer un médicament de marque par son équivalent.

« Il y a un double problème en Italie. D’abord, la méfiance des médecins traitants quant à l’efficacité réelle du générique. Par ailleurs, certains médecins prescrivent systématiquement des produits de marque pour obtenir les faveurs des laboratoires pharmaceutiques », dénonce le Dr Felice Santagata. Selon cet endocrinologue nutritionniste, certains laboratoires piocheraient régulièrement dans leurs budgets « dépenses variées » pour remercier les médecins complaisants en leur offrant, par exemple, des vacances à l’étranger. « Du coup, la vente des génériques plafonne, malgré les pressions du ministère de la Santé qui affirme que la Sécurité sociale, dont les comptes sont largement dans le rouge, pourrait économiser jusqu’à un demi-milliard d’euros par an », déplore Felice Santagata.

Pour inciter les consommateurs à changer leur fusil d’épaule, certaines régions comme le Latium et la Sicile ont décidé d’augmenter le montant du ticket modérateur à charge des patients. En d’autres termes, d’introduire la gratuité des génériques qui ne sont pas totalement pris en charge par la Sécurité sociale italienne. Mais cette décision n’a eu aucun impact malgré la crise économique qui pousse les Italiens à jouer les fourmis. « La méfiance des patients, qui doutent des propriétés médicales des génériques est plus forte que leur envie de faire des économies. J’ai beaucoup de mal à convaincre notamment les personnes âgées », analyse Maria Casanova, pharmacienne dans le centre de Rome.

Un cri de détresse.

Selon le ministère de la Santé, seulement 5 % du volume global des prescriptions rédigées par les médecins traitants concerneraient les génériques. En fait, les ventes des génériques n’ont augmenté que de 3,7 % en moyenne par an entre 2002 et 2007. Une progression qui a tendance à diminuer d’année en année. « Le marché du générique est pénalisé d’abord parce que le public est mal informé. Par ailleurs, le prix des médicaments de marque a diminué entre août 2008 et août 2009. Du coup, la concurrence est sévère », note Michele Uda, responsable marketing de Assogenerici, l’association nationale des industriels du générique italienne.

L’an dernier, le marché des génériques représentait 10,39 % du montant global du marché du médicament.Autre donnée intéressante : ce sont les Italiennes qui apprécient le plus les génériques. Selon une enquête réalisée par l’Observatoire national sur la santé des femmes, 91 % des Italiennes savent ce que veut dire générique et 50 % estiment que le principe actif des équivalents est identique à celui des médicaments princeps et qu’ils coûtent par ailleurs 20 à 30 % moins chers.

En septembre dernier, Giorgio Foresti, président de Assogenerici a lancé un cri de détresse durant le festival de la Santé qui s’est tenu à Viareggio, sur la côte adriatique. « Voulons-nous véritablement développer le marché du générique en Italie ? Le vrai problème, c’est l’absence de volonté politique, du moins au niveau national », s’est écrié Giorgio Foresti devant un parterre comble. Pour le président d’Assogenerici, les interlocuteurs impliqués devraient signer un accord prévoyant notamment la réduction, ou, pour le moins, le maintien des coûts dans le secteur pharmaceutique. Et baisser, en parallèle, le prix de chaque boîte de générique, nettement plus élevé que la moyenne européenne.

ARIEL F. DUMONT

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2720