L’ÉTUDE pharmacoépidémiologique de 1 000 ordonnances, lancée par le Laboratoire Teva, affiche ses résultats à mi-parcours. Après la crise du furosémide de juin 2013, le groupe pharmaceutique a pris à bras-le-corps le problème de la personne âgée polymédiquée face à ses traitements. C’est ainsi qu’est né le programme de prévention Marguerite, fin 2013, auquel s’intègre l’investigation des prescriptions délivrées en officine par les personnes âgées (IPOP)**.
Cette étude analyse les ordonnances pour vérifier les potentiels iatrogéniques, évalue la compréhension des patients de leurs prescriptions et rapporte les actions des pharmaciens. Elle devra à terme proposer des solutions. Le but ? Abaisser deux chiffres alarmants : l’iatrogénie est à l’origine de 30 000 décès et plus de 100 000 hospitalisations chaque année. Près de 500 ordonnances, et autant de questionnaires, ont été analysées par le service ICAR (Information conseil adaptation rénale) : on compte 7 médicaments par ordonnance en moyenne (3 à 18) dont 35 % concernent le système cardio-vasculaire, 21 % les voies digestives et le métabolisme, 20 % le système nerveux. Le paracétamol reste le médicament le plus prescrit devant l’aspirine et le furosémide. Les interactions médicamenteuses sont en cours d’analyse mais le service ICAR constate l’association d’un AINS et d’un antihypertenseur chez 27 % de la population. Or « certains AINS réduisent l’effet hypertenseur et nécessitent une surveillance de la fonction rénale de par leur toxicité », précise le Pr Gilbert Deray, fondateur du service ICAR et néphrologue à la Pitié-Salpêtrière. L’étude s’intéresse à la fois aux interactions entre médicaments, entre médicament et pathologie et entre médicament et aliment. Les plus faciles à identifier concernent l’insuffisance rénale, dont l’incidence est élevée chez le patient âgé. Au final, 96 % des patients prennent au moins un médicament nécessitant une adaptation de dose.
Outil de liaison.
Les questionnaires aux patients révèlent que 70 % savent à quoi servent leurs médicaments et que 48,5 % cherchent des informations sur les notices. Près de 90 % d’entre eux préparent eux-mêmes leurs piluliers et s’administrent leurs traitements. Plus de 40 % des patients admettent avoir oublié de prendre leur médicament au bon moment et n’ont pas su quelle attitude adopter : 31 % ont attendu la prise suivante, 27 % ont pris le médicament dès qu’ils ont constaté l’oubli, aucun ne s’est informé auprès de son médecin ou de son pharmacien.
Du côté des officinaux, 91 % délivrent des conseils récurrents aux patients, dont 55 % portent sur des médicaments nouvellement prescrits. Ils sont 68 % à signaler verbalement les interactions possibles entre les médicaments, ils alertent en cas d’interaction entre médicaments (23 %) et entre médicament et aliment (29 %) et 42 % conseillent des horaires de prise dont 82 % via une inscription sur la boîte. Les officinaux vérifient l’adaptation de la posologie pour la fonction cardio-vasculaire (36 %), hépatique (50 %) et rénale (57 %). Seul problème, dans 60 % des cas, les pharmaciens ne connaissent pas précisément les pathologies du patient. « Cette étude révèle le manque de connaissance des pathologies précises du patient par le pharmacien, souligne le Pr Deray. Il n’est transmis à ce dernier aucune fiche de liaison indiquant les paramètres biologiques qui signalent les grandes comorbidités dont les patients sont atteints (…) Le rôle du pharmacien est essentiel, il doit accéder aux bonnes informations. Nous allons proposer aux autorités de santé (…) de faire évoluer l’ordonnance afin que médecins et pharmaciens, mais aussi patients, connaissent les données médicales essentielles qui influent sur les prescriptions. » Ou comment faire de l’ordonnance un outil de liaison entre deux professions à connecter d’urgence.
** Les critères d’inclusion : patients se présentant avec une ordonnance dans l’une des cinquante officines participantes, de 65 ans ou plus, prenant trois médicaments quotidiens ou plus, en capacité de répondre à un questionnaire.
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