MAUVAIS COUP porté au monde vertueux de l’humanitaire pharmaceutique français, la mort de Pharmaciens sans frontières - Comité international (PSF-CI), 1ère ONG du genre dans l’Hexagone, aura marquée l’année 2009. Après 24 ans de bons et loyaux services, l’association s’était en effet retrouvé en redressement judiciaire au début de l’été, avant d’être placée en liquidation judiciaire en octobre. Mais la dissolution de l’association à l’automne 2009 ne signait pas la fin totale de ses activités. En effet, ACTED (Agence d’aide à la coopération technique et au développement), 3e ONG française présente dans une trentaine de pays, a été autorisée à reprendre une partie de ses missions, de ses collaborateurs et son nom.
« Nous avons commencé par une mission au Cambodge, financée par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui s’adresse à la population à risque, explique Frédéric Roussel, fondateur et directeur du développement d’ACTED. Nous finalisons la reprise d’une mission au Tadjikistan, qui dépend du financement de l’Union européenne. Le but est de soutenir le ministère de la Santé sur des problèmes de qualité des médicaments et des centrales d’achat. Nous tentons aussi de relancer des missions de distribution de médicaments arrêtées courant 2009 au Tchad et en République Démocratique du Congo. Tout cela est très compliqué dans le cadre d’une liquidation judiciaire mais nous sommes optimistes. »
« Pansons le monde ».
Comme prévu lors de la décision de justice, ACTED a repris une soixantaine des collaborateurs de PSF-CI sur les 80 salariés en place, et commence un recrutement donnant la priorité aux anciens de l’association. ACTED devrait en effet reprendre davantage de missions de PSF-CI que prévu et va donc avoir besoin de bras supplémentaires. « Les six premiers mois sont consacrés à la relance d’un maximum de missions, car nous ne voulons pas que le savoir-faire de PSF-CI disparaisse. Nous avons été surpris par le professionnalisme et le sérieux des missions mises en place par de petites structures locales. »
Une fois que la reprise des missions sera sur les rails, l’ONG se penchera sur l’articulation entre PSF-CI et ACTED, l’objectif étant de rassembler un maximum de bonnes volontés et de proposer un modèle de gouvernance solide. Une grande campagne est prévue d’ici à la fin 2010, intitulée « Pansons le monde », un slogan de PSF-CI. « Il s’agit d’une campagne grand public que nous souhaitons récurrente sur 10 ans, ouverte à tous : professionnels de santé, entreprises, individuels. Nous lançons un appel à toutes les bonnes volontés que nous espérons réunir au printemps pour parler d’avenir. Nous voulons nous appuyer sur un réseau de bénévoles le plus large possible », ajoute Frédéric Roussel.
Fournisseur officiel.
De son côté, PHI (Pharmacie Humanitaire Internationale) sort tête haute d’un petit passage à vide, un an après l’interdiction de l’utilisation des MNU (médicaments non utilisés) à des fins humanitaires. Reconnue association pharmaceutique humanitaire et dotée d’un établissement pharmaceutique installé dans le Gard, elle devient le seul fournisseur officiel de médicaments neufs aux centres de soins agréés tels que Médecins du Monde ou le SAMU social. « Les associations agréées peuvent passer commande, elles n’ont rien à débourser tant que les médicaments demandés font partie de la liste établie avec l’aide d’autres associations humanitaires », rappelle Jean-Marc Merle, son président.
PHI fonctionne avec une subvention allouée par le fonds national d’action sanitaire et sociale (FNASS), qui devrait s’élever à 2 millions d’euros pour 2010. Les médicaments qu’elles distribue sont destinés au territoire national. Sur le plan international, PHI n’a pas eu de réponse concernant l’aide qu’elle fournissait dans différents pays. « Ce dossier est passé du ministère de la Santé à celui des Affaires étrangères, qui a confié sa coordination à l’Agence française de développement (AFD). Or, les projets que nous aimerions voir financer sont très petits comparés à ce que l’AFD traite habituellement. »
Les associations locales de PHI qui parviennent à décrocher partenariats et subventions peuvent continuer leurs missions. PHI incite et aide les autres à monter des dossiers pour trouver sponsors et financements. Par ailleurs, l’association compte ouvrir une division internationale au sein de son établissement pharmaceutique, financée sur ses fonds propres, pour acheter et revendre des médicaments neufs. Pour autant, Jean-Marc Merle note que, dans la mesure du possible, mieux vaut acheter sur place pour éviter le coût de l’envoi d’un conteneur et le risque de détournement, et pour participer à l’économie locale.
Une autre solution.
L’Ordre de Malte aussi a dû négocier le virage imposé par l’interdiction des MNU. Une manne qui lui permettait, jusqu’au 31 décembre 2008, d’aider un million de personnes. Pour compenser l’absence des MNU et assurer la continuité des soins, l’Ordre de Malte a demandé une aide financière de 2 millions d’euros au gouvernement, restée sans réponse. Pour l’heure, l’Ordre de Malte négocie avec des grossistes à l’étranger, ce qui lui permet d’acheter moins cher qu’en France. Une nouvelle dépense en partie compensée par les économies engrangées par la disparition des centres de tri et de traitement des MNU.
« Avec l’accord des pouvoirs publics, nous étudions une autre solution avec les laboratoires pharmaceutiques. L’idée serait de récupérer les médicaments qui ne seront jamais mis en vente, par exemple parce que le conditionnement a été abîmé. Le volume devrait être suffisant pour obtenir un résultat équivalent à ce que nous faisions avec les MNU. Nous avons le statut d’établissement pharmaceutique, ce qui nous permet de négocier avec les laboratoires. Reste à trouver un cadre juridique légal », précise Alain de Tonquedec, directeur de la communication de l’Ordre de Malte. Par ailleurs, l’Ordre de Malte développe des activités telles que la collecte de lunettes et de radiographies. « Nous continuons à soutenir les hôpitaux et centres de soins que nous suivons, nous avons toute une série de missions qui tournent autour de la santé, telles la reconstruction d’un hôpital à Dakar ou l’attribution depuis quatre ans de deux bourses de financement de recherche (applicative et fondamentale) contre la lèpre, appelées Malta Lep. »
Jeunesse et originalité.
Autre association à prendre de l’ampleur, PAH ou Pharmacie et aide humanitaire. Sa relative jeunesse - 9 ans - est oubliée au profit de son originalité. L’association a vu le jour après la création du seul diplôme universitaire (DU) consacrée à la pharmacie humanitaire, dispensée à l’université de pharmacie de Caen. « Ouvert avant tout aux pharmaciens, mais aussi aux préparateurs ou aux médecins, ce diplôme s’appuie sur 3 à 4 semaines de formation théorique suivie d’un stage de trois à six mois dans un pays en voie de développement », indique Dominique Rouffy, trésorière de PAH et coordinatrice des missions au Sénégal et au Togo. C’est là que l’association prend tout son sens, pour récolter des fonds et envoyer ces bénévoles stagiaires en mission, eux-mêmes encadrés par d’autres bénévoles.
Encore peu connue, PAH cherche à sortir de l’anonymat et a lancé, en décembre dernier, une opération qui se déroulle jusqu’au 31 janvier, « Prenez de bonnes résolutions en 2010 et aidez-nous à tenir les nôtres ». De bonnes résolutions, la pharmacie humanitaire française semble en avoir prises. Tenir compte de l’évolution des besoins, tout en développant les missions de solidarité, ainsi peut-on les résumer.
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