Le 4 décembre, 130 membres des académies de sciences, de médecine et de pharmacie, signent dans l’hebdomadaire « L’Express », une tribune appelant au déremboursement de l’homéopathie. Cette prise de position, aussi prestigieuse soit-elle, n’est qu’un nouveau rebondissement dans une polémique qui couve depuis quelques mois déjà, nourrie par diverses prises de position défavorables à l’homéopathie, y compris à l’étranger.
En France, c’est une tribune signée dans « Le Figaro », le 18 mars dernier, par 124 professionnels de santé, qui a véritablement ouvert les hostilités. Ce texte demande aux soignants de ne plus cautionner de leur titre universitaire « des pratiques dont la science n’a jamais prouvé l’utilité, voire qui présentent une certaine dangerosité ».
Au début de l’été, le débat enfle à nouveau puisque la Commission de la transparence, entité de la Haute Autorité de santé, s’étonne, dans le cadre d’un avis concernant le renouvellement à l’inscription au remboursement par la Sécurité sociale de plusieurs spécialités Boiron, « du maintien du taux de remboursement à 30 % des médicaments homéopathique ». La brèche ouverte au printemps continue donc de s’élargir jusqu’au milieu universitaire, qui, à la rentrée, entre dans la danse. Plusieurs facultés de médecine, dont Lille et Angers, décident tour à tour de suspendre leur DU homéopathie au motif que l’enseignement de la faculté doit être fondé sur les preuves.
Mais l’animosité nouvelle se dirige avant tout contre le remboursement de l’homéopathie par l’Assurance-maladie. Comment justifier une prise en charge par la collectivité de produits qui n’ont pas fait leurs preuves ? Pourquoi accorder à l’homéopathie un tel traitement de faveur alors que d’autres médicaments se voient déremboursés en raison d’un SMR trop faible ? François Chast, pharmacien des hôpitaux et président honoraire de l’Académie nationale de pharmacie*, ne dit pas autre chose quand il affirme qu’il « n’y a aucune raison de rembourser les médicaments homéopathiques. On n’a pas d’explication scientifique (…) et il n’est pas légitime que la communauté nationale dépense de l’argent pour une pratique qui n’a pas fait démonstration de son efficacité ».
Une affaire de médecins
Piqués au vif, les médecins homéopathes n’hésitent pas à qualifier le débat, par la voix de leur syndicat, le SNMHF, « de chasse aux sorcières » et à poursuivre certains signataires devant le Conseil de l'Ordre des médecins. Ils reçoivent dans la foulée un soutien « confraternel » de la Confédération des syndicats de médecins libéraux (CSMF). Il est vrai que le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) avait tenu à se distancier de la pratique homéopathique revendiquée par certains médecins, tout au moins sur leur plaque.
Les granules de la discorde n’en finissent pas de rebondir. C’est finalement la ministre de la Santé qui mettra un terme au débat. Tout au moins provisoirement. Acculée par les médias à prendre position, Agnès Buzyn, prise de cours, réagit tout d’abord maladroitement avant d’annoncer une évaluation par la Haute Autorité de santé (HAS) « sur l’efficacité et le remboursement de l’homéopathie ».
À noter que la France reste désormais le seul pays européen dont l’assurance-maladie obligatoire prend en charge l’homéopathie, alors que l’Espagne a récemment demandé à l’Union européenne de ne plus qualifier de médicaments les produits qui s’en réclament.
Par décret en Conseil d'État
Mais qu’en pensent réellement les pharmaciens, quelque peu mis à l’écart de la polémique ? Lors de son congrès annuel en septembre dernier, la Fédération internationale de pharmacie (FIP) s’est vue dans l’obligation d’organiser le « grand débat de l’homéopathie ». Car le sujet s’est invité jusque dans les instances internationales. Dans une motion prise à l’issue d'un débat houleux, 62 % des pharmaciens estimaient que « les pharmacies devraient cesser de vendre des médicaments homéopathiques ». A contrario, dans un sondage sur le site du « Quotidien » mis en ligne fin août, 67 % des internautes se déclarent opposés au déremboursement.
Si ces chiffres n’ont pas valeur statistique, ils n’en donnent pas moins la température d’une profession en butte à des considérations à la fois économiques et éthiques. Le terme de placebo n’est du reste jamais très éloigné des discussions. Ni même celui de balance bénéfice-risque favorable. Les pharmaciens, partisans de l’homéopathie, n’hésitent pas à s'en remettre à l’expérience de leurs patients. C'est également la défense des laboratoires Boiron, Weleda et Lehning qui s'appuient sur un sondage Ipsos, commandé par leurs soins en octobre dernier et selon lequel 74 % des utilisateurs jugent les médicaments homéopathiques efficaces, la même proportion se déclarant opposée à leur déremboursement.
Le bras de fer continue donc, les deux camps ne manquant ni d'arguments, ni de souffle. En tout cas, jusqu'au printemps, échéance à laquelle la HAS devrait rendre son évaluation. Parallèlement, le budget 2019 de la Sécurité sociale, adopté définitivement par les députés le 3 décembre, stipule dans son article 42 du PLFSS 2019, adopté le 3 décembre par les députés, que les règles de prise en charge par l’assurance-maladie des médicaments homéopathiques seront définies par décret en Conseil d’État. Il en sera de même pour les modalités d’évaluation ou de réévaluation de ces médicaments.
*Signataire de la tribune parue le 4 décembre dans « L'Express ».
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