Quel avenir pour la chaîne du médicament ?

Vendre autrement pour mieux soigner

Publié le 28/03/2013
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L’association PEPS (Pharmaciens et partenaires pour la santé), présidée par Jean-Louis Méry, s’est penchée, lors de sa réunion annuelle, sur les mutations et les défis auxquels sont confrontés les différents acteurs de la chaîne du médicament, dans un contexte de crise économique.

LA CHAÎNE du médicament se situe dans un environnement qui change de façon importante. Cette accélération sociétale est essentiellement due à deux grands phénomènes. Tout d’abord, l’évolution des technologies, notamment les technologies de l’information, qui font que les patients, soucieux de leur bien-être, pressés, se renseignent désormais sur Internet pour tout ce qui touche à leur santé. Autre facteur, la révolution que connaît le domaine du médicament, avec la montée des génériques, les alliances et les restructurations des laboratoires et l’importance grandissante de la sécurité sanitaire et de la transparence.

Pharmacien, un métier central.

Face à ces bouleversements, tous les acteurs sont touchés et les frontières entre les différents métiers sont en train de bouger, ce qui peut parfois entraîner des tensions, mais tous se retrouvent autour du patient. Les missions des pharmaciens dans l’accompagnement, la coordination, la prévention et le dépistage vont se développer de plus en plus. « Le métier de pharmacien devient un métier central au carrefour de la chaîne du médicament et de la chaîne des soins », explique Joseph Maïla (universitaire et ancien directeur de la prospective au ministère des Affaires étrangères), grand témoin de ce débat. Des valeurs communes réunissent tous les acteurs : la disponibilité du médicament, son efficacité, sa sécurité, le respect du patient, la personnalisation des soins et la recherche d’un prix juste. Ainsi, les points de convergence restent nombreux, avec une culture du service public très présente face à la logique actuelle d’ultralibéralisme en Europe. « La priorité est aux soins, mais il faut vendre autrement pour mieux soigner », conclut-il.

L’industrie pharmaceutique est également confrontée à une mutation profonde, comme tous les autres secteurs. Cette mutation est d’autant plus difficile qu’elle s’intègre dans une mutation sociétale. « Soigner, vendre ? Il faut assumer ces deux dimensions et les réconcilier, déclare Hervé Gisserot (président du LEEM). Il faut aller vers une logique de performance et non pas de volume. » Le président du LEEM milite pour une promotion associée à une notion de bon usage du médicament. « S’il existe un droit à la promotion, il existe également une obligation d’information. » Il est fondamental que l’industrie se rapproche de tous les acteurs et que les relations ne se distendent pas avec les médecins. Il ne faut pas confondre « lien » et « conflit » d’intérêt. « Il faut tout faire pour que les liens ne se transforment jamais en conflits. »

Les difficultés de la répartition.

Quant à la répartition pharmaceutique, elle traverse de grosses difficultés. « Sa rentabilité n’est plus aujourd’hui que de 0,5 % et, en 2015, elle pourrait être nulle, prévient Hubert Olivier (président de la CSRP). En France les ventes directes à l’officine concernent 35 % des boîtes, alors que, dans le reste de l’Europe, la moyenne se situe autour de 10 %. » Les solutions sont à trouver en amont comme en aval, tant avec les laboratoires qu’avec les pharmaciens. « Il ne faut pas oublier que c’est parce qu’il existe un réseau de grossistes-répartiteurs qu’il existe un réseau d’officines de proximité qui crée la confiance avec les patients. De nombreuses petites structures officinales ne sont viables que parce qu’elles sont supportées par les grossistes-répartiteurs », souligne Philippe Besset (président de la Commission économie de l’officine de la FSPF).

Autre sujet de préoccupation, l’arrivée des courtiers en médicament qui va compliquer la chaîne du médicament. En effet, en voulant sécuriser le circuit du médicament, la commission européenne a non seulement encadré la vente sur Internet, mais aussi l’activité de courtage, et elle a créé de facto, le statut de courtier qui n’existait pas encore en France (voir à ce sujet notre enquête dans le « Quotidien » du 28 février).

En conclusion, Alain Coulomb (ancien président de la HAS) appelle tous les acteurs à se fédérer pour renouer le contact avec les patients et « faire de vos professions des convoyeurs d’une information éthique ».

CHRISTINE FALLET

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2994