Le Quotidien du pharmacien - Pouvez-vous nous dire en quelques mots en quoi consiste le plan de transformation annoncé cet été aux collaborateurs du Groupe Pierre Fabre ?
Éric Ducournau - Il s'agit plus d'adaptation que de transformation du business model. Nous sommes partis d'un diagnostic visant à comprendre où en était l'entreprise, quelles étaient ses forces et ses faiblesses. Ce que nous souhaitons faire au travers de ce plan de transformation, c’est notamment concentrer nos activités médicales dans les domaines de l'oncologie et de la dermatologie et réaffirmer notre ancrage médical en dermocosmétique. Ce recentrage doit nous permettre de resserrer les liens entre nos activités commerciales et nos activités de recherche et développement. Et de faire jouer à plein l'une des forces du groupe Pierre Fabre : notre capacité inégalée à conjuguer médical et naturalité.
Concrètement, comment va s'opérer votre stratégie de recentrage sur l’oncologie ?
L'oncologie vit une heure assez heureuse dans le groupe. Mon prédécesseur avait conclu en 2015 un accord avec une biotech américaine pour développer l'association Braftovi/Mektovi indiquée dans le mélanome et le cancer colorectal. Son lancement dans le mélanome a débuté fin 2018 en Allemagne et cette année en France. Il confirme la continuité de nos actions entre dermatologie et médical, Nous avons également acquis auprès de Puma Biotechnology les droits d’un traitement adjuvant utilisé dans la prévention des récidives du cancer du sein. Notre engagement en cancérologie se traduit encore par la signature récente d’un partenariat scientifique sur le campus toulousain de l’Oncopole avec l'INSERM et l’Institut universitaire du cancer de Toulouse.
Les pharmaciens seront-ils partie prenante de cette stratégie ?
C'est un engagement historique chez Pierre Fabre de penser au pharmacien. En oncologie, nous l'avons accompagné lors de la mise à disposition de nos traitements de chimiothérapie par voie orale. Voilà pourquoi aujourd’hui nous avons choisi de livrer directement Braftovi/Mektovi aux officines. Et pour aider les pharmaciens à accompagner leurs patients atteints par le cancer, nous avons mis en place des formations et développé un document pédagogique, l'OncoGuide (voir encadré).
L’axe produits est également très important dans notre accompagnement des pharmaciens en oncologie. Nous sommes probablement les seuls à pouvoir démontrer que certains de nos produits dermo-cosmétiques apportent des bienfaits aux patients sous traitement. Sur nos quelque 3 000 références, nous en avons retenu une trentaine dont l’efficacité et la sécurité sont validées au plan scientifique. C'est vraiment l'une des forces de Pierre Fabre de pouvoir apporter cette assurance.
La prise en charge sociale de certains produits adaptés aux soins de support en cancérologie devrait-elle être, selon vous, envisagée ?
D'une certaine façon, c'est ce que défendait Monsieur Pierre Fabre qui aimait à rappeler que pour bien se soigner, il faut se sentir bien dans sa peau. C'est l'essence de ce qu'il a réalisé avec Avène dont les cures thermales et certains produits peuvent améliorer la qualité de vie des patients sous ou post-traitement anticancéreux. Vous m'interrogez sur la légitimité des produits, mais il y a tout un environnement à considérer. Les produits, certes, mais aussi le conseil et la question des aidants qui fait d'ailleurs actuellement l'objet d'un projet de loi. Alors il n'est pas dans la vocation de l'assurance-maladie de tout prendre en charge, mais je pense en tout cas que l'éducation à ce type de produits est nécessaire et qu'une certaine prise en charge l'est aussi. Ne serait-ce que par rapport aux effets indésirables de certaines thérapies anticancéreuses, telle la sécheresse cutanée qui peut rendre le traitement très difficile à suivre. Si Pierre Fabre ne portera pas, formellement, de demande de prise en charge sociale, il va en revanche s'attacher à avoir sur certains de ses produits des revendications scientifiquement prouvées permettant de soutenir une indication. Nous soutiendrons les actions de la profession en ce sens.
Les officinaux regrettent aujourd’hui de voir leur arsenal conseil se réduire comme peau de chagrin, notamment avec le « déshabillage » du libre accès. Peuvent-ils compter sur le Groupe PF pour redonner un peu de faste à leur rayon conseil ?
Bien sûr ! S'il y a bien une force qu'il convient de préserver à l'officine, c'est celle offerte par le conseil du pharmacien lors de la délivrance des produits de médication officinale. Si l'État a choisi, il y a quelques années, de faire sortir certains médicaments de derrière le comptoir, pour autant les pharmaciens n'ont pas abandonné leur rôle de conseil. C'est important de le rappeler. Voilà pourquoi je trouve dommage que cette démarche du libre accès ne soit pas poursuivie. Ceci étant dit, notre rôle, chez Pierre Fabre, reste d'apporter des produits qui permettent de valoriser le conseil professionnel et de réaffirmer notre choix prioritaire du circuit officinal comme territoire de commercialisation.
Ce que nous voulons faire, c'est revenir à l’essence de Pierre Fabre qui est d’allier le médical et la naturalité. Nous pensons que la pharmacie peut devenir le circuit de référence des soins naturels. Parce qu'il s'agit là d'un retour aux fondamentaux du métier de pharmacien. C'est la carte que nous allons jouer parce que nous pensons qu'il y a peu d'acteurs capables de soutenir à la fois des revendications de naturalité vis-à-vis des consommateurs et d’apporter des preuves scientifiques d'efficacité aux professionnels de santé. Cette alliance entre naturalité et médical, c’est vraiment notre partition.
Des lancements en cours en médication officinale ?
Nous venons d’élargir la gamme Elgydium Clinic, qui comprend notamment un produit très utile contre les mucites orales provoquées par certaines chimiothérapies, ce qui nous ramène à notre sujet. Nous allons également lancer à l'horizon 2021 une nouvelle génération de produits dans le domaine de l'atopie et des eczémas sévères formulée autour d'une molécule extraite de l'eau thermale d'Avène. Chez A-Derma, nous venons aussi de lancer Cutalgan contre les sensations cutanées douloureuses. Tous ces produits sont à la fois des réponses à des besoins exprimés par les patients et consommateurs, et des produits techniques qui nécessitent d’être conseillés.
Quel regard porte Pierre Fabre sur les dispositifs médicaux que l'on voit fleurir sur le rayon conseil des officines ?
Le dispositif médical (DM) permet, pour certaines catégories de produits, d'aller chercher une revendication qui sera supérieure à celle que l'on aurait avec un cosmétique ou certains produits hors AMM. Notez bien le sens de ma définition. Je ne dis pas que le DM a une revendication moindre que celle du médicament, mais plutôt supérieure à celle du cosmétique. Chez Pierre Fabre, c'est ainsi qu'on appréhende les avantages du DM. Ce qui justifie que nous fondions beaucoup d'espoir sur les DM, qu'on continue de les développer, parce qu'ils sont des compléments utiles de la prescription du médecin et du conseil du pharmacien.
Après s'y être longtemps opposé, le GPF semble désormais plus motivé à développer ses ventes en ligne. Comment expliquez-vous cette évolution ?
Effectivement, entre 2006, lorsque l'Autorité de la concurrence commence à s'intéresser au sujet, et 2013 où Pierre Fabre est condamné par la CEJ à ne pas s’opposer à la vente en ligne de ses produits, il s’écoule 7 années durant lesquelles nous luttons. Et puis deux parties prenantes d’importance ont ouvert les vannes de cette distribution en ligne : les consommateurs et les pharmaciens. Si Pierre Fabre vend en ligne aujourd'hui, c'est bien par l'intermédiaire des quelque 200 sites de pharmacies référencés. C'est une démarche qui nous paraît désormais naturelle. Pourquoi cela ne l'était pas en 2006 ? Parce qu'à l'époque, nous nous demandions comment nous allions réussir à maintenir le conseil officinal sur internet ? Cette question est maintenant résolue grâce à l'arrivée des chabots et des hotlines, et le travail que nous avons fait pour clarifier les revendications de nos produits. Par ailleurs, nos expériences aux USA, en Corée du Sud ou en Chine, où les ventes en ligne représentent environ 30 % de notre chiffre d'affaires, nous ont beaucoup appris. Notamment que la vente en ligne impose de limiter le nombre de références proposées à la vente. La conséquence de cette limitation est d’inciter le consommateur à se rendre au point de vente pour découvrir et acheter d’autres références. Ainsi, ce qu'on observe dans ces pays où ce circuit est mature, c'est qu'une vente en ligne génère en moyenne 3 ventes en magasin. L'autre effet vertueux de la vente en ligne est la production de données consommateurs qualitatives qui permettent à Pierre Fabre d'améliorer encore son offre, dans l’intérêt des patients, des consommateurs et des pharmaciens.
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