XAVIER BERTRAND souhaite mettre fin aux ruptures d’approvisionnement en médicament dont se plaignent les officinaux et les patients. Début août, sur l’antenne d’Europe 1, le ministre de la Santé affirmait avoir « sifflé la fin de la partie ». Dénonçant un système d’exportation parallèle qui met en péril la fourniture en médicaments en France, il s’était dit prêt à contraindre les laboratoires et les grossistes-répartiteurs à respecter leurs obligations. « Je leur ai dit, affirme le ministre, soit vous respectez vos quotas, soit je vous y oblige avec un nouveau texte. » Bien décidé à faire avancer ce dossier, Xavier Bertrand a réuni la semaine dernière tous les acteurs de la chaîne du médicament : les industriels, les grossistes-répartiteurs, l’Ordre et les syndicats de pharmaciens d’officine et hospitaliers, ainsi que les autorités sanitaires. L’objectif de cette rencontre : « identifier les solutions et les mesures correctrices qui sont à apporter au système actuel de distribution des médicaments en France et éviter ainsi toute pénurie », indique le ministère dans un communiqué. Car, pour Xavier Bertrand, il s’agit d’une « question de santé publique. Il est intolérable qu’aujourd’hui certains patients aient des difficultés à suivre leur traitement normalement ». Dans ce contexte, le ministre de la Santé a donc présenté à ses interlocuteurs un plan d’actions qu’il souhaite voir mis en œuvre, sans délai, sous la houlette de la direction générale de la santé (DGS) et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) (voir encadré). Un premier bilan sera effectué dès le mois d’octobre, prévient d’ores et déjà Xavier Bertrand.
Dans le bon sens.
Les mesures annoncées par le ministre de la Santé satisfont les officinaux qui se disent régulièrement confrontés à des ruptures entraînant des interruptions dans les traitements de leurs patients. « Il est extrêmement positif que le ministère prenne les choses en mains », se félicite Jocelyne Wittevrongel, vice-présidente de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « On sent une réelle volonté d’associer tous les acteurs de la chaîne et d’analyser les causes du problème afin de trouver des solutions », ajoute-t-elle. « Les pistes préconisées par Xavier Bertrand me paraissent aller dans le bon sens, estime aussi Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Le ministre nous est apparu déterminé à régler le phénomène des ruptures. » Avis partagé par Frédéric Laurent, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), satisfait également que les pouvoirs publics aient admis que les ruptures d’approvisionnement concernaient tous les médicaments. « Nous avons mis en avant que le phénomène ne touchait pas seulement les antiviraux ou les anesthésiques, mais la totalité du catalogue en France », explique-t-il. Ainsi, dans sa pharmacie alsacienne, sur 80 lignes de commandes, 20 spécialités apparaissent manquantes, dont 3 sont la conséquence du contingentement des produits (un antiparkinsonien, un anticancéreux et un contraceptif oral), relève le président de l’UNPF. Pire encore, un interféron serait actuellement introuvable en Alsace. Dans la Drôme, la situation est la même. « J’ai en permanence entre 12 et 15 lignes de manquants par commande », se désole Gilles Bonnefond, titulaire à Montélimar.
Le bémol des grossistes.
Au niveau national, le phénomène prendrait de l’ampleur, à en croire l’observatoire mis en place par l’USPO en février. Au 31 août, plus de 1 100 incidents avaient ainsi été déclarés par les confrères. « 328 spécialités différentes sont concernées, précise Gilles Bonnefond. Toutes les classes thérapeutiques et toutes les formes pharmaceutiques sont touchées. » Parmi le millier de déclarations, près d’un quart (240 incidents) correspond à des ruptures dépassant les trois jours et 110 produits sont concernés. La démarche de l’USPO pour objectiver le phénomène a séduit le ministre qui a demandé à l’AFSSAPS de mettre à son tour en place un observatoire. « C’est parfait, souligne le président de l’USPO. Cela veut dire que l’État va prendre le relais et va se donner les moyens d’évaluer les médicaments en rupture d’approvisionnement. »
Sans nier l’existence de difficultés dans la fourniture de certains produits, les répartiteurs relativisent l’ampleur du phénomène. « Il y a des ruptures, c’est un fait, et personne ne peut s’en satisfaire », déclare ainsi Emmanuel Déchin, secrétaire général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Toutefois, poursuit-il, « lorsque nous regardons la totalité des lignes de commandes que nous recevons des 22 500 officines et que nous analysons celles que nous n’avons pas été en mesure d’honorer, nous n’observons pas d’augmentation particulière des ruptures d’approvisionnement au cours de ces six derniers mois. Pour nous, le phénomène n’est pas nouveau et ne s’accentue pas ». Dans ces conditions, comment expliquer la montée au créneau du ministre de la Santé ? « On a incontestablement affaire à des patients, à une opinion et à des pouvoirs publics beaucoup plus sensibles sur cette question qu’ils ne l’étaient auparavant, sans doute à cause de l’affaire du Mediator », répond Emmanuel Déchin. Pour lui, la nouveauté dans ce dossier, c’est que les répartiteurs ne sont désormais plus les seuls à être jugés fautifs des ruptures d’approvisionnement et qu’il y a une prise de conscience de la complexité du sujet.
Une cause multifactorielle.
Chacun semble en effet avoir sa part de responsabilité. Le ministre de la Santé a d’ailleurs profité de la réunion pour rappeler aux différents acteurs de la chaîne leurs obligations légales en matière de mise à disposition des médicaments. Et tout le monde paraît aujourd’hui d’accord : la cause des ruptures est multifactorielle. Les difficultés d’approvisionnement en matière première, les arrêts de commercialisation, la politique des quotas, les insuffisances de stock chez les grossistes et les officinaux, ainsi que les exportations parallèles sont ainsi particulièrement pointées du doigt.
Un autre facteur doit être pris en considération, selon les syndicats de pharmaciens : la réorganisation de l’industrie pharmaceutique au niveau mondial. « Les laboratoires travaillent de plus en plus en flux tendu, avec des stocks a minima, et procèdent à la concentration de leurs sites de production », observe Gilles Bonnefond. Du coup, si un problème survient sur un site, c’est l’approvisionnement en médicament de tout un continent qui peut être mis en péril. « Cela doit conduire les pouvoirs publics à prendre des précautions pour éviter des incidents majeurs », conclut le président de l’USPO. Xavier Bertrand semble l’avoir compris.
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