Ça sonne comme un G 20, ou un G 7. Désormais, les groupements ont eux aussi leur sommet, baptisé C6. Cette association vient d’être créée par six d’entre eux (1) totalisant plus de 6 000 pharmacies, soit près d’un tiers du maillage officinal.
Structure transverse, le C6 est destiné à conduire les négociations d’achats pour leurs sociétés de regroupement à l'achat (SRA) et leurs centrales d'achats pharmaceutiques (CAP) respectives. Une nouvelle tentative des groupements pour peser de tout leur poids sur les laboratoires. La démarche n’est pas passée inaperçue auprès des industriels. D’après Alain Grollaud, président du C6, également président d’Optipharm, les groupements devraient être ainsi reçus d’ici à la fin du mois par plusieurs fabricants. D’ailleurs, hormis la fonction « achats », le C6 pourrait également assurer, selon Alain Grollaud, la mutualisation des moyens dans les offres de services. « Et ce en unissant des groupements indépendants qui se réclament de méthodes plus modernes », note Pascal Geffray, président d’Évolupharm. L’indépendance est également le critère qui a incité Giropharm à se joindre au C6. « Nous composions déjà de manière informelle un think tank. Cette officialisation est un moyen de réaffirmer notre attachement à l’autonomie des pharmaciens et à la légitimité de nos structures, les SRA et les CAP », rappelle Franck Vanneste, président de Giropharm.
Le respect de la loi
Ce n’est pas la première fois que les groupements se lancent dans une démonstration de force. Il y a un peu plus d’un an, la chambre syndicale des groupements (Federgy) accusait déjà les laboratoires de court-circuiter les CAP et SRA.
En dépit des menaces de rétorsion proférées alors par Federgy, la situation n'a pas évolué. La création du C6 ne serait-elle pas comme un aveu d’échec, celui de n'avoir pu faire appliquer aux laboratoires la loi de 2009 instituant les structures d'achats pharmaceutiques (2) ?
Comment l’auraient-ils pu, s’interroge Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmacies d’officine (UDGPO), en rappelant que les groupements doivent se plier à une discipline très stricte face aux fournisseurs : « Il ne faut pas oublier que les fabricants retiennent un critère majeur dans leur négociation avec un groupement. Il s’agit de sa faculté à apporter la cohésion de ses adhérents dans le respect d’une politique d’achats commune et une cohérence dans le référencement. »
Un point d’équilibre
Mais un super groupement parviendra-t-il aujourd’hui à convaincre les industriels, là où, isolés, les groupements ont échoué ? À l’UDGPO, on reste septique. La fracture dans la profession entre farouches défenseurs des SRA et partisans d’une rétrocession réglementée n’est pas nouvelle. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le C6 est un barrage à peine déguisé à la rétrocession que défendent une partie des groupements et certains syndicats.
Pour l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), la rétrocession, bien qu' « illégale », représente aujourd'hui un pis-aller. « Une récente décision de la Cour de cassation la condamnant, a toutefois rappelé que les pharmaciens ne disposaient pas d’outils fonctionnels pour négocier leurs achats (3) », relève Gilles Bonnefond, son président. Il reconnaît aux groupements ce rôle d'organisation des structures internes permettant aux pharmaciens de travailler tout en étant dégagés de certaines taches de back-office.
Pragmatique, Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), salue la création du C6, tant que ce rapprochement permettra de rendre accessible au pharmacien la plupart des références à un prix intéressant. « Il faut donc trouver un point d’équilibre, ceci d’autant que les petites pharmacies n’ont pas toujours les moyens d’adhérer à un groupement, ne serait-ce qu'à cause du montant des cotisations », souligne-t-il.
Le président de la FSPF n’abandonne pas pour autant sa vision d’une rétrocession réglementée. Non pas en raison d’une supposée position « anti-groupements », mais parce que la rétrocession s’avère aujourd’hui indispensable à l’économie de l'officine. Concernant le manque de traçabilité, il estime qu’« il devrait être possible de reporter les numéros de lots sur les factures ». Pour lui, la rétrocession est aujourd’hui un moyen de tempérer les effets des pratiques commerciales des laboratoires.
Face à la hausse des tarifs pratiqués ces trois dernières années par les laboratoires (jusqu'à 15 % pour certains fabricants, selon les observateurs), les titulaires n’ont d’autres choix que d’amortir les effets de ces évolutions. Ainsi, « les relevés de prix en officine montrent des écarts qui varient moins autour de la moyenne », souligne Philippe Gaertner.
Le président de la FSPF, qui n’avait pas obtenu de réponse sur la rétrocession de la part du gouvernement précédent, n’est pas près de lâcher le dossier. Il est bien décidé à aborder le sujet avec l’actuel gouvernement.
(1) Apsara, Évolupharm, Giropharm, Népenthès, Optipharm et Objectif Pharma.
(2) Décret du 19 juin 2009 instaurant les structures de regroupement à l'achat (SRA) et centrales d'achats pharmaceutiques (CAP).
(3) Décision du 29 mars 2017 dans une procédure opposant le Laboratoire Cooper à la SRA Pyxis (notre édition du 18 mai 2017).
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