POUR Peter Gotzsche, « les essais cliniques ne devraient pas être menés par l’industrie mais par des centres de recherche académiques, sous le contrôle des autorités publiques ». En effet, selon le directeur du centre scandinave de la collaboration Cochrane, l’industrie pharmaceutique pratique une « publication sélective des essais cliniques, leur permettant de ne publier que les résultats qui leur sont le plus favorables et de dissimuler d’éventuels effets indésirables ». Il juge inadmissible de laisser l’industrie pharmaceutique être « juge et partie » pour évaluer l’efficacité et les effets indésirables des produits qu’elle commercialise. Pour illustrer son propos, le chercheur raconte que, lorsqu’il a demandé à l’Agence suédoise du médicament l’accès aux données cliniques de trois antidépresseurs, on lui a répondu que c’était possible mais « que les dossiers occupaient 70 mètres de linéaire et étaient archivés dans une cave de montagne ». Or « de nombreux procès ont montré que les firmes pharmaceutiques sont en mesure de dissimuler de graves effets indésirables dans leurs montagnes de documentation, à l’insu des agences du médicament », note le professeur.
Actes frauduleux.
Citant l’exemple du Vioxx, Peter Gotzsche dénonce les « mensonges sur les médicaments » diffusés par l’industrie pharmaceutique. « Merck a donné l’ordre à ses commerciaux de ne pas discuter avec les médecins d’un essai montrant que le Vioxx provoquait cinq fois plus d’infarctus du myocarde que le naproxène, un anti-inflammatoire concurrent », pointe-t-il. Son réquisitoire n’épargne par les autorités de santé, qu’il accuse de considérer « que leurs clients sont les firmes pharmaceutiques et non les citoyens américains ou européens ». Quant aux laboratoires eux-mêmes, il souligne avoir découvert des actes frauduleux à l’actif des dix plus importants : pratiques de marketing illégales, notamment la promotion de médicaments pour des indications non autorisées, falsification des résultats de recherche, dissimulation de données sur les effets indésirables et fraude aux assurances maladies Medicaid et Medicare aux États-Unis. Il dénonce également « la corruption des médecins pour changer le traitement de leurs patients et substituer à un vieux médicament peu cher un nouveau produit plus coûteux » ou pour « essayer de nouveaux médicaments sur leurs patients dans le cadre de pseudo-études dénuées de toute valeur scientifique ». Volontairement provocateur, Peter Gotzsche affirme que « le modèle économique des grandes firmes pharmaceutiques conduit à commettre des crimes industriels » (« corporate crimes » en anglais).
Pour y remédier, il plaide pour une recherche publique sur les médicaments et pour la publication de tous les résultats d’essais afin que d’autres chercheurs puissent les analyser à leur tour et vérifier s’ils sont d’accord avec les conclusions présentées. « Les données cliniques ne sont pas la propriété de l’industrie », rappelle-t-il. Il recommande aussi aux médecins, à leurs organisations professionnelles et aux associations de patients de ne pas « aliéner leur indépendance en acceptant les deniers des firmes ». Enfin, il souhaite « persuader nos gouvernements que, en créant des fonds permettant d’évaluer de manière indépendante les médicaments, des économies considérables peuvent être réalisées, notamment sur les dépenses liées aux prétendues "nouveautés" médicamenteuses ».
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %