La croissance du marché de l’automédication ces deux dernières années a toujours été qualifiée de fragile. Une fragilité qui n’a pas permis de protéger le secteur en 2017 face à des « pathologies hivernales moins marquées ». C’est bien ce que dénonce l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA) depuis des années : le marché est bien trop soumis aux maladies saisonnières. Ainsi, en 2017, le marché du selfcare* (médicaments, compléments alimentaires et dispositifs médicaux non prescrits et non remboursés) ne progresse que de 0,8 % à 3,91 milliards d’euros. Si les compléments alimentaires (+12,1 %) et les dispositifs médicaux (+3,5 %) affichent une progression honorable, ils ne peuvent qu’amortir la chute de la médication officinale (-3,7 %) qui occupe encore près de 60 % de ce marché.
Les chutes enregistrées sur deux segments, les voies respiratoires (-8,4 %) et l’antalgie (-4,1 %), traduisent la baisse des pathologies hivernales. Mais un autre élément a fortement impacté les résultats du marché : le relistage l'été dernier des médicaments contenant de la codéine et du dextrométhorphane. Les ventes de codéinés au dernier trimestre 2016 s’élevaient à plus de 44 millions d’euros. À la même période l’année suivante, elles n’atteignent pas les 32 millions (-28 %). Même dégringolade pour les médicaments contenant du dextrométhorphane avec un delta de -47 % entre les 4e trimestres 2017 et 2016. Soit une involution globale de 31 %.
Mesures d’interdiction
Pour l’AFIPA, c’est la goutte de trop. Elle souligne non seulement le manque de volonté politique française en la matière, mais aussi des décisions récentes qui « vont à l’encontre de l’intérêt du patient et qui sont à contre-courant de la volonté politique européenne ». Et de citer des « mesures d’interdiction » pour pointer le relistage de la codéine et du dextrométhorphane, mais aussi l’interdiction de publicité depuis le 18 décembre dernier pour toutes les spécialités contenant de la pseudo-éphédrine. De même, Pascal Brossard, vice-président de l'AFIPA, s’insurge contre le projet de suppression des marques ombrelles qui pourrait entraîner de la confusion chez les patients et les équipes officinales. Ce que la ministre de la Santé Agnès Buzyn et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) présentent comme des mesures de santé publique sont, pour l’AFIPA, la marque d’une « méconnaissance du secteur de l’automédication alors que les patients cherchent à être responsabilisés et autonomes, que les pharmaciens ont la capacité d’accompagner l’automédication et de conseiller le public, et que les médecins généralistes y sont favorables à 63 % pour des raisons de rationalisation du système de soins ».
L’association, qui compte 33 laboratoires pharmaceutiques adhérents, promeut au contraire le selfcare « comme première étape du parcours de soins pour les pathologies bénignes » et appelle à un délistage massif. Selon le 4e observatoire européen pour l’automédication, l’analyse des délistages européens montre que 92 molécules sont « potentiellement délistables » en France, « dans des indications comme l’allergie, le reflux gastro-œsophagien, les troubles gastro-intestinaux ou encore la migraine », note Daphné Lecomte-Somaggio, déléguée générale de l'AFIPA. De même, elle souligne des décalages allant de 6 à 14 ans entre un délistage français et les pays pionniers. Ainsi la loratadine a-t-elle été délistée en 1992 en Suède, versus 2006 en France. L’AFIPA propose également l’inscription systématique de l’automédication au dossier pharmaceutique et une « protocolisation du conseil pharmaceutique pour assurer une qualité homogène de dispensation ». S’opposant résolument à la fin des marques ombrelles, l’association souhaite que la marque soit reconnue « comme facteur de sécurisation de l’automédication par le patient ».
Campagnes d’éducation
Réclamant une fois de plus une grande campagne nationale menée par le gouvernement, l’AFIPA avait, de guerre lasse, lancé sa propre opération de sensibilisation il y a tout juste un an sous le slogan « Selfcare et automédication ne sont pas des gros maux ». Là encore, elle cite les initiatives menées en Europe l’an dernier, comme la campagne des pouvoirs publics britanniques incitant les patients à chercher conseil auprès de leur pharmacien dès le premier signe de pathologie hivernale. « Alors qu’ailleurs en Europe, les gouvernements s’appuient sur le développement de l’automédication et engagent des campagnes d’éducation, aucune mesure de ce type n’a jamais été mise en œuvre en France par les pouvoir publics », souligne Daphné Lecomte-Somaggio.
Résultat : la part d’automédication en France est deux fois moins importante que la moyenne européenne (12,9 % en 2016 versus 23,5 % pour la moyenne issue de 8 pays européens**) alors que l’Hexagone reste parmi les pays, avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas, où ces médicaments sont les moins chers. C’est pourquoi l’association demande à rencontrer la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, à qui elle a adressé un courrier le 2 octobre dernier resté à ce jour sans réponse. En ligne de mire, la stratégie nationale de santé qui mise sur la prévention et la promotion de la santé et annonce que « de nouvelles réflexions sur l’automédication (…) pourront être engagées ». Une volonté « dont l’AFIPA se réjouit mais qui ne se concrétise pas (encore) dans les faits ».
*Le 16e baromètre du selfcare 2017 s’appuie sur le panel OpenHealth Company qui exploite 100 % des données de ventes de 10 328 officines de métropole hors Corse.
**L’observatoire européen sur l’automédication prend pour périmètre d’étude les huit pays suivants : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède.
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