APRÈS LE SIÈCLE « défricheur » (découverte des vaccins contre la variole et la rage, de la morphine et de la quinine), le siècle « thérapeutique » (série de « premiers médicaments » antihypertenseurs, antihistaminiques, antibiotiques, anticoagulants, antiparkinsoniens, neuroleptiques, antirétroviraux, antiépileptiques…), voici venu le siècle des thérapies ciblées. Ce changement intervient dans les années 1990, lorsque la R & D pharmaceutique se lance dans une nouvelle forme de recherche, « consistant à identifier des protéines susceptibles de produire un effet particulier sur une cible spécifique », notent Les Entreprises du médicament (LEEM). Cette façon de travailler s’est accompagnée d’un profond changement de business model pour l’industrie pharmaceutique, tourné davantage vers la collaboration entre partenaires publics et privés. Ainsi sont nés les pôles de compétitivité, la recherche par projets, les plate-formes collaboratives amont, etc.
La fin de la période de rodage entraîne aujourd’hui de nouveaux records en nombre d’autorisations de mise sur le marché. L’Agence européenne du médicament (EMA) a ainsi validé 41 dossiers en 2011 contre 20 seulement en 2010. Un niveau déjà atteint en 2009 (46 AMM), mais il s’agissait d’une année exceptionnelle, le nombre de nouveaux médicaments oscillant chaque année de 16 à 31 entre 2005 et 2008. Pour l’Agence américaine (FDA), les 48 AMM accordées font aussi figure d’exception. La plupart des autorisations concernent des thérapies ciblées. « Ce mouvement, qui semblait embryonnaire au début des années 2000, s’affirme comme une tendance lourde de l’innovation thérapeutique du XXIe siècle. »
Réduire les effets secondaires.
Sur 41 nouveaux médicaments validés par l’EMA, 6 sont destinés à la cancérologie, 5 agissent en prévention ou traitement des maladies cardio-vasculaires, 10 en prévention ou traitement de maladies infectieuses, 6 concernent des maladies rares, 6 autres des maladies neurologiques. Les derniers traitent de pathologies aussi diverses que le lupus érythémateux systémique, la kératose actinique ou la schizophrénie. Une molécule prévient le rejet de greffe, une autre agit en cas d’inflammation oculaire postopératoire. Enfin, une nouvelle pilule contraceptive est disponible. Les grandes avancées 2011 concernent avant tout le mélanome métastatique, l’hépatite C, le lupus (qui bénéficie de son premier nouveau médicament en 50 ans), la maladie de Hodgkin (premier nouveau médicament depuis 30 ans) ou le cancer de la prostate.
« Après les cancers du sein, du rein et du colon, deux thérapies ciblées s’attaquent au mélanome métastatique. Les thérapies ciblées permettent de réduire considérablement les effets secondaires de la chimiothérapie en intervenant à un niveau précis du développement de la cellule tumorale », explique le LEEM. La première thérapie est un inhibiteur enzymatique, conçu pour inhiber l’activité d’une protéine mutante intervenant dans la croissance et la survie des cellules. Cette nouvelle molécule réduit de 63 % le risque de décès chez les malades présentant cette mutation et de 74 % le risque de voir la maladie progresser. De plus, la proportion de patients ayant vu la taille de leur tumeur diminuer est près de dix fois plus élevée qu’avec une chimiothérapie classique. « Des résultats qui ouvrent la voie au premier traitement personnalisé du mélanome car, parallèlement à la mise au point de cette molécule, un test génétique moléculaire a été développé. Il permet de détecter la présence de la mutation et rend désormais possible l’identification des personnes susceptibles de bénéficier du traitement. » Une seconde molécule – un anticorps monoclonal – est disponible dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU). Il se lie à un récepteur spécifique pour inhiber son activité qui, en l’occurrence, a tendance à empêcher la réponse immunitaire naturelle de rejet du cancer. Ce nouvel anticorps monoclonal a un impact significatif sur la survie à un an et un effet prolongé dans le temps.
Une révolution.
L’hépatite C bénéficie aussi de deux nouvelles avancées thérapeutiques en 2011. Plus de 170 millions de personnes sont atteintes d’hépatite C chronique dans le monde, dont 237 000 en France. Dans les années 1990, les médecins ne disposaient que d’un seul médicament efficace, l’interféron, qui permettait seulement de guérir 6 % des patients. Dans les années 2000, une nouvelle forme d’interféron a pu être associée à un antiviral. Cette bithérapie a permis un taux de guérison de 60 %. Mais chez les malades porteurs du génotype 1, ce taux ne dépassait pas les 40 %. Ces patients sont les principaux bénéficiaires de l’arrivée de ces deux nouvelles antiprotéases. Utilisées en association avec la bithérapie existante, elles permettent de guérir 75 % des malades porteurs du génotype 1. Un taux qui pourrait atteindre les 100 % avec l’arrivée de nouvelles molécules, « avec des prises de médicaments simplifiées, des effets secondaires minimes ou inexistantes et des durées de traitement très raccourcies ».
Demain, c’est tout particulièrement dans le champ des cancers que les thérapies ciblées seront utilisées. Selon Jacques Raynaud, président de l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC), « 17 thérapies ciblées sont aujourd’hui utilisées en France dans plusieurs types de cancers, dont les plus fréquents, comme le cancer du sein, le cancer colorectal ou celui du poumon ». Avec une vingtaine de produits dans les tuyaux, les anticorps monoclonaux sont les médicaments avec le plus fort taux de développement pour de nouvelles applications thérapeutiques ciblées. De même, les immunothérapies représentent « 1/3 des médicaments en développement dans le monde » et concernent non seulement l’oncologie, mais aussi les maladies auto-immunes, les maladies infectieuses, les allergies, la transplantation, etc. Les antiprotéases, nouvelles molécules utilisées dans le traitement de l’hépatite C, sont une famille qui devrait rapidement s’agrandir avec des médicaments encore plus puissants. Dans cette pathologie, un vaccin est actuellement en fin de phase II d’essais cliniques.
« Grâce aux thérapies ciblées, une révolution est en marche, estime le LEEM. Dans un premier temps, ces molécules ne devraient pas directement supprimer les thérapeutiques classiques mais s’y associer pour en améliorer la réponse. Dans un avenir plus lointain, elles seront probablement l’unique traitement parfaitement adapté. »
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