Ordonnance du 19 janvier 2017

Les risques se durcissent dans les relations entre officines et génériqueurs

Publié le 18/04/2017
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Réformant et précisant la législation anti-cadeaux dont la substance datait de 1993, l’Ordonnance du 19 janvier 2017 comprend un volet « médicaments génériques » ayant pour l’heure suscité peu de commentaires. Me Boris Ruy, avocat associé Fidal, apporte pour les lecteurs du « Quotidien » un éclairage juridique sur ce texte passé relativement inaperçu.

Depuis plusieurs années, la DGCCRF a fréquemment contrôlé le respect du plafond légal applicable aux avantages commerciaux consentis par les laboratoires, au titre de la vente de médicaments génériques remboursés. Pour mémoire, ce plafond était fixé par l’article L.138-9 du code de la Sécurité sociale à 17 % du PFHT jusqu’en août 2014, avant d’être porté à 40 %. La DGCCRF n’avait pas hésité à donner à ses enquêtes des suites pénales. Toutes, ou presque, se sont soldées par des jugements de relaxe au profit des pharmaciens. L’une de ces décisions avait estimé que l’infraction de dépassement du plafond légal de 40 % ne permettait de poursuivre que les laboratoires et non les pharmaciens d’officine (tribunal de police de Senlis, 12 juillet 2016). Or, l’infraction étant une contravention de 5e classe, le pharmacien ne pouvait être poursuivi en qualité de complice du laboratoire, la notion de complicité étant réservée aux délits et crimes. Dans d’autres affaires, des pharmaciens d’officine avaient bénéficié d’une relaxe, mais du fait du relèvement du plafond de 17 % à 40 %, intervenu en cours d’enquête. Dans ces assez nombreux cas, les faits incriminés dataient certes de l’époque à laquelle le plafond était fixé à 17 % ; mais lorsque le taux « réel » d’avantages commerciaux constaté par les enquêteurs était supérieur à 17 % tout en restant inférieur à 40 %, les pharmaciens pouvaient compter sur le principe d’application immédiate de la loi pénale plus douce et bénéficier d’une relaxe (exemple : tribunal de police de Laon, 2 septembre 2014).

De contravention à délit

Toutefois, ce sentiment de risque somme toute très relatif pour les pharmaciens d’officine se trouve clairement contrarié par l’Ordonnance du 19 janvier 2017. Celle-ci a d’abord pour mérite d’énumérer, par une sorte d’inventaire, les avantages consentis aux pharmaciens que la loi juge admissibles et qui, jusque-là, étaient simplement tolérés en pratique, mais sans pour autant être validés de manière plus expresse par la législation anti-cadeaux. Toutefois, parmi ces avantages désormais clairement admis figurent « les avantages commerciaux offerts dans le cadre des conventions (…) qui ont pour objet l’achat de biens ou de services par [les pharmaciens] auprès des [laboratoires], et ceux conformes aux articles L.138-9 et L.138-9-1 du code de la Sécurité sociale ». Traduction : les avantages commerciaux (notamment remises ou ristournes) régulièrement prévus par les accords annuels liant les laboratoires aux pharmaciens sont parfaitement licites, en ce qu’ils se rattachent à ce que l’ancien texte de loi qualifiait de « relation normale de travail ». En revanche, l’expression « et ceux conformes aux articles L.138-9 et L.138-9-1 du code de la Sécurité sociale » signifie également : les avantages consentis dans le respect du plafond légal de 40 %. A contrario, le dépassement de ce plafond pourrait désormais être considéré comme une infraction directe à la législation anti-cadeaux, ce qui jusque-là n’était pas le cas.

Cela n’est pas sans conséquence. Nouvellement définie, l’infraction constituerait désormais non plus une contravention, mais un délit, punissable d’un an d’emprisonnement (personne physique) et de 375 000 euros d’amende (personne morale), le pharmacien pouvant à présent être directement poursuivi.

Me Boris Ruy, avocat associé Fidal – Département concurrence distribution.

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3343