EN TROIS MOIS, 880 ruptures d’approvisionnement en médicaments ont été signalées auprès de l’Observatoire mis en place par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Un chiffre qui serait en augmentation, selon le syndicat. Claude Castells, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), n’est pas de cet avis. « Aujourd’hui, il n’y a pas plus de ruptures de stocks chez le répartiteur qu’il y en avait auparavant », affirme-t-il, tout en ne niant pas qu’il y ait des incidents d’approvisionnement, notamment sur les produits chers, prescrits dans des pathologies rares et dont la dispensation ne concerne que quelques milliers de boîtes par an. Mais, selon le président de la CSRP, l’amplification du phénomène a été orchestrée par certains laboratoires pour des raisons purement économiques ou parce qu’ils souhaitaient acheminer eux-mêmes des produits très spécifiques (voir également l’entretien ci-dessous). « D’abord, début 2010, la pénurie a été organisée, accuse Claude Castells. Ensuite, on a pris l’alibi de la santé publique pour tenter de faire changer le système de distribution de médicaments. C’est à ce moment-là que l’on a vu apparaître un projet d’appels d’offres pour sélectionner un ou plusieurs grossistes pour distribuer des produits. Enfin, la polémique a été organisée pour essayer de modifier les règles de fonctionnement. » D’ailleurs, ajoute-t-il, le produit n’est jamais réellement indisponible, car il est généralement accessible en 24 heures auprès des laboratoires.
La fausse solution des quotas.
Les deux acteurs de la chaîne du médicament se rejettent la balle. D’un côté, les fabricants expliquent que les quotas servent à limiter les exportations parallèles et, donc, les ruptures d’approvisionnement en France (« le Quotidien » du 26 mai). De l’autre, les grossistes estiment que ces quotas servent surtout à cacher des problèmes de production. Pour preuve, avance Claude Castells, dans les endroits de la planète où ces quotas n’existent pas, par exemple aux États-Unis, les ruptures de stocks surviennent quand même. « On commence aussi à parler de pénurie de matières premières », ajoute le président de la CSRP (voir également notre article en page 3).
Face à cette situation, les pouvoirs publics semblent quelque peu passifs. « Tout se passe comme si il y avait une volonté de laisser se déconstruire le système », s’inquiète Claude Castells, qui dénonce également un certain laxisme à l’endroit des shorts liners qui ne remplissent pas, notamment, leurs obligations d’astreinte. Mais la CSRP est bien décidée à réagir. Elle demande ainsi une adaptation des statuts des répartiteurs pour progresser dans la distribution de certains produits. Elle souhaite aussi voir déconnecter l’obligation de service public de la nécessité d’être les propriétaires des produits acheminés. « Il s’agit de trouver de la flexibilité afin de permettre aux laboratoires de passer par les répartiteurs », même pour des produits très spécifiques, explique Claude Castells.
Prisonniers de la vignette.
Les grossistes se mobilisent également pour faire évoluer leur mode de rémunération qu’ils jugent, eux aussi, inadapté aux évolutions du marché. « Nous avons proposé aux pouvoirs publics, en septembre dernier, une refonte de notre système de marge, sans surcoût pour la collectivité », indique Claude Castells. Le ministère de la Santé et Bercy auraient été convaincus par le nouveau dispositif avancé. Mais aujourd’hui, aucune décision n’a encore été prise. La raison ? « Tout est suspendu à la modification de la marge des officinaux, répond Claude Castells. Nous sommes, en quelque sorte, prisonniers de la vignette. » En effet, une nouvelle marge entraînerait de nouveaux prix. Résultat, les pouvoirs publics préféreraient faire d’une pierre deux coups et ne procéder à un changement de vignettes qu’une seule fois. Mais les répartiteurs, qui ont également pris de plein fouet la réduction des délais de paiement prévue par la loi LME, s’impatientent. « Cette situation est inacceptable, s’insurge le président de la CSRP. Nous représentons le stock primaire de tous les médicaments de France, nous sommes sollicités en cas de crise sanitaire, nous prenons en charge les déchets, nous réalisons des astreintes. » En un mot, les répartiteurs sont « irremplaçables ». Alors, attention à ne pas casser ce bel outil, préviennent-ils.
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