LA « TEMPÊTE MÉDIATOR » de l’automne dernier n’est pas encore balayée qu’un cyclone tout neuf menace à nouveau la sphère du médicament. C’est la revue médicale « Prescrire », réputée pour son opiniâtreté à critiquer l’arsenal thérapeutique et ses charges répétées contre les firmes pharmaceutiques, qui remonte au créneau. Dans son édition de janvier, elle demande purement et simplement le retrait du marché de trois médicaments pourtant commercialisés depuis de longues années.
Premier visé, le buflomédil (Fonzylane et génériques), commercialisé en France depuis plus de vingt ans. Ce médicament indiqué pour traiter la claudication « intermittente » de l’artérite, présente, selon la revue, « des effets indésirables neurologiques et cardiaques, parfois mortels, en particulier en cas de doses élevées ou inadaptées à l’insuffisance rénale ». Et de citer le compte rendu d’un rapport émanant de la Commission nationale de pharmacovigilance de l’Agence française du médicament (AFSSAPS) qui avait justement relevé, entre 2007 et 2009, des dizaines de cas d’effets indésirables graves avec ce médicament, dont plusieurs effectivement fatals. Pour autant, regrette la revue, les autorités de santé ont décidé de retirer uniquement le dosage fort de ce médicament.
Des atteintes hépatiques graves.
Autre spécialité dans le collimateur de « Prescrire », l’AINS Nexen (nimésulide) accusé par la revue de provoquer, même à des doses habituelles, des atteintes hépatiques graves (un risque multiplié par 2 par rapport à d’autres AINS). Dès les premières années de sa commercialisation en France, en 1998, ces effets indésirables hépatiques ont été identifiés, mais il aura fallu attendre septembre 2007 pour que la durée maximale de prescription soit limitée à 15 jours, rappelle la revue médicale. En 2010, souligne-t-elle, « la Commission d’autorisation de mise sur le marché européen a fourni un rapport qui confirme les effets indésirables hépatiques graves du nimésulide, avec plus de 500 cas d’atteintes hépatiques dont des cas ayant nécessité le recours à des greffes ». Pourquoi ce médicament est-il toujours sur le marché français alors qu’il a été retiré des rayons des officines de nombreux autres pays, parfois dès 2002 (Finlande, Espagne, Belgique, Argentine…) ? s’interroge en substance « Prescrire ».
Enfin, une troisième spécialité, l’anticancéreux Javlor (vinflunine) subit le feu de la critique des journalistes-pharmacologues. Pour ce médicament, très coûteux, c’est plus la balance bénéfice/coût qui semble visée que le poids véritable des effets indésirables qui s’apparentent en fait aux homologues de la classe des cytotoxiques.
L’évaluation en question.
Au-delà des arguments développés par la revue médicale, dont on ne tranchera pas ici le bien-fondé, on aura noté l’impressionnant emballement médiatique qui a accompagné ces « révélations » au parfum de scandale. En moins de trois jours, presse écrite, télévisions et radios se sont emparées du sujet pour en faire leur « Une ». Il faut dire que la mise en cause médiatique, il y a à peine quelques semaines, d’un autre médicament, donne une caisse de résonance évidente à ces nouvelles accusations.
Quoi qu’il en soit, le débat sur l’évaluation du médicament est désormais ouvert. À son corps défendant, même le ministre de la Santé Xavier Bertrand y a été invité. « Ces médicaments (NDLR, ceux évoqués par « Prescrire ») à l’heure actuelle font l’objet d’un réexamen, parce que la procédure est engagée depuis maintenant plusieurs mois » a-t-il tenu à rappeler, tout en se disant favorable à un renforcement et à une accélération de la procédure de réexamen, dès lors que des indices de dangerosité sont identifiés. Bien décidé à prendre, au besoin, « les mesures les plus radicales », le ministre a promis « vous verrez les décisions que je serai amené à prendre, notamment après la publication du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le Mediator ».
Hors AMM et reports de prescription.
Ce cocktail de déclarations succédant aux dénonciations et amplifié par les médias, ne permet pas, pour autant, de s’attaquer aux questions de fond : que vaut notre système d’évaluation du médicament ? Notre pharmacovigilance est-elle efficace et indépendante ? Questions difficiles s’il en est. Pour le Dr Marc Girard, expert pharmacologue auprès des tribunaux, la chose est entendue « la pharmacovigilance (PV) ne fonctionne pas très bien », estime-t-il. « Les procédures de PV sont assez grossières et l’on doit déplorer une terrible sous-notification. Sans compter que la notification d’effets à long terme comme les cancers, par exemple, est très difficile… Voilà qui est regrettable car, depuis quelque temps, la PV tend à se substituer à l’exigence d’évaluation avant AMM. » Dénonçant par ailleurs la prescription hors AMM et les reports de prescription consécutifs aux retraits massifs de classes thérapeutiques entières - les anorexigènes, par exemple -, l’expert regrette que la médecine et la pharmacie curatives aient évolué vers une médecine et une pharmacie préventives. « Avec la médecine préventive, le bénéfice thérapeutique tend désormais vers zéro, or le risque, lui, ne peut parallèlement tendre vers zéro. Le rapport bénéfice/risque devient alors intolérable. »
Au total, il reste difficile aujourd’hui de se faire une idée sur la légitimité de l’alerte donnée par « Prescrire ». Quoi qu’il en soit, il revient aux professionnels de santé de veiller à ce que les patients effrayés n’interrompent pas d’eux-mêmes leur traitement. Car c’est la balance bénéfice/risque du débat engagé par la revue médicale qui deviendrait alors défavorable.
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