LUNDBECK, Astra-Zeneca, Cephalon, Sanofi aujourd’hui… et GSK deux ans plus tôt, les fermetures de sites pharmaceutiques, et avec eux leurs cortèges de plans sociaux, semblent se succéder. Comme si une industrie, jusqu’alors présentée comme riche et épargnée, était soudainement rattrapée par la réalité économique. Une réalité aujourd’hui synonyme de crise. Et pas seulement financière…
Car le mal semble plus ancien. Selon Yves Jarlaud, responsable du secteur santé et sciences de la vie chez Deloitte, « les entreprises des sciences de la vie sont entrées depuis plusieurs années dans une phase de transformation à la fois rapide et profonde ». Et Pascal Leguyader, directeur des affaires industrielles, sociales et de la formation au LEEM, de confirmer : « Les plans sociaux ont démarré dès 2006. »
Moins de 100 000 emplois à terme.
Par son observatoire des métiers, le LEEM a d’ailleurs précisément mesuré l’érosion. « Le secteur pharmaceutique a perdu moins de 5 000 emplois en cinq ans », explique ainsi Pascal Leguyader, se voulant rassurant (lire interview ci-dessous). Soit environ 8 % des effectifs, qui sont donc passés de 108 668 personnes en 2007 à 101 800 en 2010. Mais, au-delà de la réduction de la masse salariale d’environ 1,5 % par an, c’est plutôt la constance du phénomène, voire son accélération, qui pose question. Quand elle n’inquiète pas. D’autant que la baisse risque d’être supérieure à 2 % en 2011, rapprochant encore un peu plus les effectifs de l’industrie du médicament du seuil fatidique des 100 000 emplois.
Un mouvement dont les causes sont à la fois propres au secteur et exogènes, selon Yves Jarlaud. L’évolution de l’emploi dans le secteur pharmaceutique tiendrait ainsi, en premier lieu à « une pression sur les marges, qui résulte elle-même à la fois de la chute dans le domaine public d’un nombre important de brevets de blockbusters et d’exigences accrues des autorités de santé pour fixer les prix et déterminer les taux de remboursement ». D’où la tentation, pour les entreprises du médicament, de réduire leurs coûts fixes en améliorant l’efficacité opérationnelle, comme « cela a pu être le cas pour GSK lorsque le prix d’Arixtra a été réduit de 25 % », précise Isabelle Freret, déléguée syndicale CFE-CGC chez GlaxoSmithKline (GSK) et représentante de la branche industrie pharmaceutique pour la CFE-CGC.
Visiteurs médicaux sacrifiés.
« Une évolution dont les premières victimes ont été les visiteurs médicaux (VM) », ajoute Isabelle Freret. Et ce, bien avant le scandale du Médiator. « Les forces de ventes sont passées de 24 000 salariés en 2006 à quelque 17 000 en 2012 », précise encore Pascal Leguyader, avant d’ajouter, non sans embarras, « quelque 2 000 VM devraient encore disparaître d’ici à deux ans ». À condition que le périmètre reste le même… En clair, que les règles ne changent pas. Et Isabelle Freret de déplorer que « l’article 46 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévoie de généraliser la visite médicale collective à l’hôpital, au risque d’entraîner la disparition de 1 500 emplois supplémentaires, selon une étude d’impact réalisée par le gouvernement précédent ».
Un phénomène de réduction néanmoins logique, puisque, après avoir pensé que la solution viendrait de la démultiplication à l’infini des réseaux de visiteurs, les industriels ont fini par revenir à la raison. Non sans casse sociale, malheureusement. D’autant que certains rapprochements ont été accompagnés de décisions politiques, telles l’interdiction faite par le gouvernement de l’époque aux dirigeants de Sanofi-Aventis de licencier, le moindre de leurs 3 600 visiteurs médicaux. Du moins, au moment de leur rapprochement… Conséquence : un peu moins de huit ans plus tard, ils ne sont plus qu’environ 900.
Mais la fonte des effectifs dans l’industrie pharma trouverait également sa source dans une modification profonde du business model, « en raison de la chute de la productivité des équipes de R & D et de l’évolution des attentes des patients et des autorités de santé », selon Yves Jarlaud. Conséquence : la baisse de la productivité de la recherche impactera directement la production, puisque les laboratoires ont tendance à fabriquer leurs produits au plus près des centres de recherche.
Or sur les quelque 47 molécules qui ont été récemment mises sur le marché, « aucune ne sera produite en France », explique le président du LEEM, Christian Lajoux. D’où l’intérêt, pour la France, dans un environnement international extrêmement concurrentiel, de mettre en avant ses atouts scientifiques, industriels, médicaux et ses infrastructures qui, « sous réserve de s’adapter, doivent lui permettre de demeurer l’un des premiers pôles mondiaux d’innovation thérapeutique et d’attractivité pour les industries de santé ».
Tour de passe-passe.
À condition également que la France rattrape son retard dans le domaine des biotechnologies. Par rapport à ses voisins anglais et allemand, l’Hexagone a en effet raté ce virage stratégique. Mais rien n’est perdu. « À l’instar des sites de Lyon, pour Sanofi et de Saint-Amand-les-Eaux, pour GSK, la France possède de réels atouts dans le domaine des vaccins et donc de la biotechnologie », estime Isabelle Freret, qui se réjouit d’ailleurs des investissements importants réalisés par GSK dans son site nordiste.
Face à cette relative absence d’efficacité des équipes de recherche, les « Big Pharma » sont souvent tentés de fermer les centres de recherches jugés trop peu productifs ou en inadéquation avec la stratégie mondiale du groupe. C’est ainsi que les centres de recherche de Sanofi, à Toulouse et Montpellier, devraient quitter le giron du groupe ; les salariés n’échappant au licenciement que par un tour de passe-passe que seul pouvait réaliser le ministre du Redressement productif.
Quant au site d’AstraZeneca, à Reims, il fermera tout bonnement ses portes ; les 35 salariés étant envoyés soit à Alderley Park, près de Manchester (Grande-Bretagne), soit ailleurs dans le réseau mondial du groupe, ou bien encore à Pôle Emploi… « Tout comme cela est arrivé à 800 salariés de GSK à Evreux, lorsque le groupe a décidé de réduire la voilure de sa branche aérosol », déplore Isabelle Freret.
Et, bien évidemment, la disparition d’une partie des forces de ventes et des effectifs de recherche et développement ne peut qu’impacter les fonctions dites support, telles que les ressources humaines, la finance et la gestion… Des fonctions également victimes des rapprochements et autres fusions propices aux mutualisations. C’est ainsi qu’une centaine de postes devraient être supprimés aux sièges France et Europe de Cephalon, après le rachat par Teva. Preuve que la route risque d’être encore longue avant que l’horizon ne s’éclaircisse.
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