APRÈS plus de trois mois de travaux, les Assises du médicament remettront leurs conclusions d’ici au 30 mai. Mais d’ores et déjà, les acteurs de la chaîne du médicament ont rendu public le fruit de leurs réflexions (voir ci-dessous). Parmi eux, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP). « Le pharmacien doit être prescripteur de vigilance », estime ainsi sa présidente, Isabelle Adenot. « Les officinaux sont en pôle position pour la vigilance, ils doivent alerter les autorités et les industriels », ajoute-t-elle. Aujourd’hui, « 15 % des notifications d’effets indésirables sont réalisées par des pharmaciens », rappelle Isabelle Adenot, qui souhaite simplifier le dispositif pour améliorer ce taux. Pour y parvenir, elle propose donc de mettre à leur disposition un formulaire normalisé sur le site internet de l’instance. Celle-ci demande aussi qu’ils puissent mentionner les déclarations de pharmacovigilance dans le dossier pharmaceutique (DP) et le dossier médical personnel (DMP) lorsqu’ils existent, mais aussi dans le dossier médical des patients.
« Il faut également garder la proximité avec les centres régionaux de pharmacovigilance », estime la présidente de l’Ordre, s’opposant ainsi aux propositions du rapport Debré-Even qui suggérait de les supprimer pour éviter une dilution des alertes. Le CNOP plaide aussi pour la création d’un portail sanitaire national unique destiné aux professionnels de santé et aux patients, qui leur permettrait de déclarer facilement toutes les vigilances sanitaires : pharmacovigilance, matériovigilance, cosmétovigilance, etc. L’Ordre y travaille d’ores et déjà et le nouvel outil devrait voir le jour dans les mois à venir.
Encadrer les prescriptions hors AMM.
Le CNOP met également en avant l’importance d’un retour rapide d’information pour le déclarant, afin qu’il soit informé de la transformation ou non de son signalement en alerte et/ou en enquête. « S’il n’est pas satisfait du traitement de sa déclaration, il devrait pouvoir s’adresser à un comité de recours », indique Isabelle Adenot.
La troisième proposition du CNOP concerne l’accès aux bases de données de santé, dont celle, anonymisée, du DP. Il souhaite la constitution d’un répertoire des bases de données nationales et internationales, incluant les données précliniques, avec un accès simplifié et ouvert à tous.
Quatrième thème de réflexion : l’encadrement des prescriptions hors AMM. « Il ne s’agit pas de les interdire, précise Isabelle Adenot. Il faut en revanche informer les pharmaciens, les patients, les industriels et les autorités lorsque la prescription est hors AMM. Il faut aussi engager une réflexion sur la prise en charge par l’assurance-maladie de ces prescriptions. » De plus, l’Ordre est favorable à la mise en place d’autorisations d’utilisation hors AMM calquées sur les autorisations temporaires d’utilisation (ATU). Enfin, si un médicament est largement prescrit hors AMM, l’instance suggère qu’il soit réévalué.
L’Ordre prône également l’indépendance des pharmaciens responsables des industries de santé, « qui doivent pouvoir assurer leur devoir d’alerte en étant à l’abri des pressions ». Il propose pour cela de s’inspirer de certaines dispositions déjà en vigueur pour les correspondants "informatique et libertés", qui sont protégés des sanctions injustifiées de leurs employeurs.
Développer l’esprit critique des professionnels.
Les trois derniers axes de réflexion du CNOP tournent autour de la transparence dans la formation et l’information, et des liens d’intérêts. « Il ne faut pas jeter le public dans les bras du charlatanisme », met en garde Isabelle Adenot. « Pour cela, il faut gérer les problèmes de rapports d’influence, en particulier dans la formation des professionnels. »
L’Ordre plaide ainsi pour la publication des décrets d’application relatifs au développement professionnel continu (DPC) et propose d’autoriser le financement de formations par les laboratoires « uniquement sous réserve de non-exclusivité et de transparence ». Il souhaite également que la formation initiale et continue aborde les accidents et scandales sanitaires, afin de « développer l’esprit critique des professionnels de santé sur la santé publique ». Il réclame en outre une visite médicale « de qualité délivrant une juste information sur les produits de santé », et une distinction nette entre la publicité et l’information scientifique ou médicale.
Enfin, sur la question des liens d’intérêts, le CNOP veut que la transparence soit assurée par la publication de toutes les rémunérations, directes ou indirectes venant des laboratoires et par la création d’un formulaire normalisé de déclaration publique d’intérêt (DPI), avec une télédéclaration possible sur les sites des Ordres des professions de santé. Il plaide aussi pour une publication annuelle en ligne par les industriels des versements effectués auprès des associations et des experts.
Au total, la contribution de l’Ordre regroupe 26 propositions, réunies autour de sept thèmes principaux. « Les Assises du médicament entrent complètement dans les missions de l’Ordre, qui tournent autour de la protection du public », insiste Isabelle Adenot. Sa volonté : « restaurer la confiance des patients dans les médicaments et dans les professionnels de santé ».
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