Le coût des médicaments innovants, notamment dans le domaine du cancer, suscite depuis plusieurs mois un large débat en France mais aussi au niveau international. Ainsi, lors de réunion du G7 au Japon, fin mai, François Hollande a tenté de sensibiliser ses homologues à la nécessité de lutter avec lui contre « l'inflation du prix des médicaments ». Le président de la République a aussi plaidé pour « une régulation internationale visant à maîtriser l'accès aux soins, et faire en sorte que chacun puisse bénéficier des médicaments, y compris des thérapies les plus coûteuses ».
En France, certaines associations comme la Ligue contre le cancer ou Médecins du Monde dénoncent avec virulence le prix de remboursement de certaines molécules. Ces campagnes ont suscité mi-juin une réaction des Entreprises du médicament (LEEM). « Le prix de ces médicaments est fixé par le Comité économique des produits de santé à l’issue de négociations avec les industriels. En aucun cas, les industriels ne fixent donc leur prix de façon unilatérale », souligne l’organisation en affirmant que le prix doit prendre en compte non seulement les coûts de recherche des nouveaux médicaments, mais également leur durée de mise au point (11,5 ans en moyenne) ainsi que les risques qui s’attachent à leur développement. « Seuls 7 % des médicaments entrant dans un essai clinique de phase 1 accéderont au marché », souligne le LEEM.
Directrice de l’unité de recherche clinique en économie de la santé d’Ile-de-France, la Pr Isabelle Durand-Zaleski (Henri-Mondor, Hôtel Dieu) estime que certains arguments évoqués par les industriels sont recevables. « Les coûts de recherche et développement sont importants, tout comme ceux liés à la sécurité des essais cliniques. Cela étant, il ne faut pas ignorer que tous les grands groupes pharmaceutiques sont aujourd’hui côtés en bourse et qu’ils ont aussi des impératifs de rentabilité assez élevés », indique-t-elle.
Un autre argument recevable est celui des coûts évités grâce à l’arrivée de molécules innovantes.« Mais cet argument est surtout justifié pour les nouveaux médicaments de l’hépatite C qui, avec seulement 3 mois de traitement, permettent de guérir plus de 90 % des patients. Les choses sont un peu différentes pour les médicaments d’oncologie qui, le plus souvent, prolongent la vie de quelques mois », sans permettre de guérison, même si pour un certain nombre de patients on peut obtenir de longues rémissions, indique la Pr Durand-Zaleski, en évoquant une évolution importante dans le domaine des médicaments du cancer. « Les "block buster" ont été largement remplacés par des "niches buster". Aujourd’hui, on ne soigne plus un cancer mais de multiples cancers différents en fonction de leur profil moléculaire. Et les médicaments s’adressent à un nombre plus réduit de patients. Parfois, ce sont presque des médicaments de maladies rares, avec un coût qui est fixé en conséquence ».
Comment les pays riches peuvent-ils faire face au coût des médicaments innovants ? « Cela serait évidemment une bonne chose si les pays du G7 pouvaient adopter une stratégie commune pour obtenir une régulation des prix ou faire une sorte de cartel d’achats. Mais c’est certainement difficile à obtenir, car certains pays ont des conflits d’intérêts lorsqu’ils hébergent ces firmes sur leur territoire », indique la Pr Durand-Zaleski.
Sinon, il existe déjà des mécanismes de régulation en France pour faire face au coût des médicaments innovants. « Le principal outil est l’accord prix-volume. De plus en plus, on utilise aussi le principe de ne rembourser le médicament que s’il a atteint son objectif thérapeutique. Enfin, il existe des outils développés par la Haute autorité (HAS) pour calculer le ratio coût/efficacité d’un traitement innovant, pour savoir combien de mois ou d’années de vie on peut gagner avec un produit et à quel coût. C’est cette logique qui a été développée en Grande-Bretagne avec des décisions qui tombent de manière automatique. Or, je pense que ces décisions ne doivent pas être techniques mais politiques. Et c’est aux politiques de dire qu’elles sont leurs priorités en matière de prise en charge des grandes pathologies ou des grands problèmes de santé publique », estime la Pr Durand-Zaleski.
D’après un entretien avec la Pr Isabelle Durand-Zaleski, hôpital Henri-Mondor, Hôtel Dieu, directrice de l’unité de recherche clinique en économie de la santé d’Île-de-France
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