LE GOUVERNEMENT a adopté la semaine dernière les grandes lignes du plan présenté par Manuel Valls lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale (« le Quotidien » du 14 avril). Pour connaître le détail des mesures, il faudra encore patienter. Certainement jusqu’au prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui sera débattu à l’automne. Quoi qu’il en soit, le gouvernement a d’ores et déjà donné un signe : le tour de vis sur les dépenses de santé sera conséquent. En effet, le programme de stabilité adopté en conseil des ministres fixe à 2 % par an (pour 2015, 2016 et 2017) la progression de l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM), ce qui représente « environ 3 milliards d’euros d’économies supplémentaires ». À titre de comparaison, cette année la hausse de l’ONDAM est arrêtée à 2,4 %. Mais les années précédentes, elle avoisinait plutôt les 3 % en moyenne. En fait, il faut remonter à 1997, année de création de l’ONDAM, pour retrouver un taux aussi bas. Autrement dit, l’effort demandé à l’assurance-maladie est important, pour ne pas dire « historique ».
Inquiétudes syndicales.
Une perspective qui inquiète les syndicats d’officinaux. Surtout à l’heure de conclure la réforme de la rémunération. Ce plan « apporte un élément nouveau par rapport aux projections économiques réalisées par l’assurance-maladie lors des négociations conventionnelles », explique Philippe Besset, vice-président de la FSPF. En effet, le poste Médicament sera une nouvelle fois mis à contribution. Le gouvernement a déjà indiqué qu’il misait essentiellement sur le développement de la chirurgie ambulatoire, l’augmentation de la part des génériques, une consommation plus raisonnée des médicaments et des prix davantage en adéquation avec l’innovation thérapeutique.
De nouvelles baisses de prix sont également programmées, a indiqué la ministre de la Santé, Marisol Touraine, dans un entretien avec le journal « Les Échos » (voir encadré). C’est bien ce qui inquiète Philippe Besset. Si les économies vont au-delà du milliard d’euros déjà prévu pour cette année, « on ne tient pas », prévient-il. De nouvelles négociations avec l’assurance-maladie seront même nécessaires afin de prendre en compte les conséquences de ce nouveau plan sur l’économie du réseau avant d’envisager de modifier le mode de rémunération. Mais Philippe Besset l’assure, « il faut accélérer le processus de transformation de la rémunération », afin qu’elle dépende moins du prix des spécialités.
La profession dans l’impasse.
Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), ne partage pas cet avis. Pour lui, « la piste d’évolution de la rémunération proposée par le gouvernement, et soutenue par un seul syndicat, conduit à une impasse pour la profession, d’autant qu’elle est projetée pour 2015, 2016 et 2017, alors que nous avons besoin d’un ballon d’oxygène maintenant ». Et Gilles Bonnefond en est persuadé, cette réforme, qui est loin d’emporter l’adhésion de la profession (voir ci-dessous), ne permettra pas d’amortir le plan d’économies annoncé. « La progression de l’ONDAM limitée à 2 % est une catastrophe », estime le président de l’USPO, qui dénonce le fait de demander des efforts supplémentaires à un poste aujourd’hui maîtrisé et qui évolue négativement, d’environ -2 % par an.
Michel Caillaud, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), craint également que le plan d’économies envisagé ait de fortes répercussions sur le réseau officinal. Car, fait-il remarquer, comme dans tous les plans précédents, le médicament est la variable d’ajustement. « Nous sommes d’autant plus inquiets que nous constatons depuis plusieurs mois une dégradation de l’économie de l’officine », souligne-t-il. Phénomène aggravant à ses yeux, la suppression prochaine de la vignette pharmaceutique avec une limitation du délai d’écoulement des stocks à 30 jours. « Nous sommes actuellement dans un marasme économique, déplore Michel Caillaud. Si les pouvoirs publics souhaitent casser le maillage, qu’ils continuent comme ça ! Mais ils doivent savoir que si 3 000 officines ferment dans les mois qui viennent, c’est 12 000 personnes qui se retrouveront au chômage. »
Des données obsolètes.
« Le médicament ne peut continuer à supporter l’essentiel de l’effort de redressement des comptes sociaux », met également en garde le LEEM (les Entreprises du médicament). « Alors qu’il ne représente que 15 % des dépenses d’assurance-maladie, le médicament assure depuis trois ans plus de la moitié des efforts d’économies imposés par le législateur dans le cadre de la loi annuelle de financement de la Sécurité sociale (LFSS) », s’indigne son président, Patrick Errard. Philippe Tcheng, président de la commission des Affaires économiques du LEEM, affirme pour sa part que « les contraintes budgétaires inscrites dans la loi de financement de la Sécurité sociale se fondent sur des données totalement obsolètes en termes de niveaux de consommation et de prix ». Selon un rapport de l’OCDE de 2013, argumente-t-il, la France est le huitième pays en termes de consommation de médicaments, que ce soit en pourcentage de PIB ou par habitant, derrière l’Allemagne et la Belgique notamment. Quant au niveau des prix, ils se situent dans la moyenne basse européenne, y compris pour les produits innovants. « Alors que la France cherche à déployer un plan d’économies d’un niveau jamais atteint, et à l’heure où le gouvernement réfléchit à la mise en place d’une stratégie nationale de santé ambitieuse, le LEEM considère que seules des réformes de fond permettront de concilier les enjeux de santé avec la pérennité du système de protection sociale », conclut l’organisation professionnelle.
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