Les ruptures ou tensions sur les stocks de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM)* ont bondi de 30 % en 2017, alors que le nombre de signalements s’établissait autour de 400 les quatre années précédentes. Ces ruptures de stock sont définies comme l’impossibilité de fabriquer ou d’exploiter au niveau national un MITM. À différencier des ruptures d’approvisionnement qui ne se situent pas au niveau de la production mais du circuit de distribution. Dans les deux cas, elles entraînent un non-approvisionnement des pharmacies hospitalières et d’officine, et, au final, l’incapacité de fournir le médicament à un patient dans un délai de 72 heures.
Les raisons de cette hausse restent obscures. Mais pour le directeur de la surveillance à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Patrick Maison, il faut tenir compte de l’augmentation du nombre de MITM, ainsi que de la possibilité des ruptures répétées sur plusieurs produits. Toutes les classes thérapeutiques sont impactées et le trio de tête reste inchangé depuis plusieurs années. Il s’agit des anti-infectieux (antibiotiques, vaccins, antiviraux), des médicaments du système nerveux (dans les maladies neurologiques ou psychiatriques) et les traitements du cancer. Les causes déclarées par les industriels ne changent pas : problèmes sur les chaînes de fabrication, déséquilibre entre production et volume de ventes, difficultés d’approvisionnement en matière première et défauts de qualité des produits finis.
Face à ce problème de santé publique, l’ANSM déploie des stratégies pour garantir l’accès aux soins, en concertation avec les laboratoires : analyse du risque, suivi des stocks, actions de contingentement, recherche d’alternatives et procédures de communication et d'information. « Si nous sommes rarement dans une situation critique, grâce aux différentes alternatives mises en place, la situation n’est pas satisfaisante », regrette Patrick Maison. L’agence compte notamment sur l’obligation pour les industriels, depuis 2017, de « mettre en place des plans de gestion de pénurie pour les produits qui le nécessitent et d’analyser le risque en amont en se basant à la fois sur les difficultés en termes de fabrication, sur les parts de marché et sur les besoins (gravité de la pathologie, alternatives, population concernée, etc.) ».
Un exemple édifiant
Pour mesurer le travail réalisé, l’ANSM présente le cas emblématique de la benzathine benzylpénicilline, un antibiotique retard indiqué dans la syphilis et la prophylaxie des rechutes du rhumatisme articulaire aigu. En septembre 2013, l’arrêt de commercialisation par Sanofi de la seule spécialité présente en France, sous le nom d’Extencilline, signe les premières ruptures de stock en février 2014. À cette date, l’ANSM a pu importer d’Italie une autre benzathine benzylpénicilline, Sigmacillina. En novembre 2014, l’agence octroie de nouvelles AMM à Sandoz pour deux dosages (1,2 et 2,4 MUI). Temps de production oblige, les spécialités seront commercialisées à partir d’avril 2016. Sauvé ? Non. Sandoz annonce une rupture de stock sur le dosage le plus élevé pour décembre 2017 pour une durée estimée à 6 mois, et des tensions sur l’autre dosage. Informations des professionnels de santé et des associations de patients, mise en place d’un contingentement et d’un stock de sécurité, circuit de distribution restreint, consultation des experts sur les alternatives, recherche de pistes à l’étranger… Autant de démarches qui portent leurs fruits. Retarpen 2,4 MUI arrive de la République tchèque sur le territoire français mi-janvier 2018. « Parallèlement, nous avons travaillé sur l’AMM d’Extencilline qui existait toujours depuis l’arrêt de commercialisation de 2013. Sanofi a transféré cette AMM au Laboratoire Delbert en mai 2016, qui a cherché de nouveaux sites de production. L’ANSM arrive à la fin de l’instruction du dossier d’AMM, la relance de la production devrait se faire rapidement et nous espérons le retour d’Extencilline sur le marché à la fin du 1e trimestre 2018 », détaille Alban Dhanani, directeur adjoint à l'ANSM. « Toutes ces mesures ont permis de gagner un peu plus de deux mois sur la rupture de stock qui était prévue en décembre. De plus, une alternative est déjà en place et Extencilline devrait être rapidement disponible avec un 3e dosage supplémentaire à 0,6 MUI. »
L’ANSM est rodée à la gestion du risque de rupture et se prépare à faire face à d’autres cas problématiques. Car selon Dominique Martin, directeur général de l’ANSM, les ruptures de stock vont s’accentuer en raison de « la mondialisation des procédures de production », qu’il qualifie de « complexes, fragiles et difficiles à maîtriser ». Pour lui, la solution devrait venir de l’Europe qui a « une puissance démultipliée » pour répondre à ce « problème mondial ».
* Médicaments pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital ou d’entraîner une perte de chance quant à la gravité ou l’évolution de la maladie.
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