« IL EXISTE deux types d’engagement sur le marché des biosimilaires. La version intégrée, telle que Sandoz ou ratiopharm, est l’entreprise qui a une filiale dédiée. Elle recherche, développe, produit et commercialise. L’autre modèle s’appuie sur des alliances entre des sociétés qui font la R & D et des grands acteurs pharmaceutiques, qui ont le savoir-faire et les moyens pour la production et la commercialisation. C’est le modèle choisi par Teva, ainsi que par Mylan, qui a signé en juin un partenariat avec la biotech indienne Biocon ; Biogaran n’aura aucun mal à développer de telles alliances », explique Pascal Brière, P-DG de Biogaran (filiale générique de Servier) et président du GEMME (Générique même médicament, association des laboratoires de génériques).
Pionnier du biosimilaire, Sandoz est l’acteur le plus impliqué sur le marché des produits « difficult-to-make ». « Développer un biosimilaire demande entre 5 et 7 ans, c’est un projet lourd en investissement et en R & D. C’est un type nouveau de médicaments, Sandoz a dû ouvrir la voie en termes de réglementation en Europe. Il est le seul laboratoire à avoir commercialisé trois biosimilaires, c’est le leader absolu de cette catégorie de produits », souligne Nathalie Zenou, responsable communication du laboratoire. En mai 2006, Sandoz commercialise le premier biosimilaire en Allemagne, disponible l’année suivante en France. Omnitrope est également lancé aux États-Unis et en Australie (où le statut de biosimilaire n’existe pas), puis, en 2009, au Canada et au Japon. Cette première hormone de croissance biosimilaire s’est rapidement développée sur le marché avec, aujourd’hui, 20 % des patients naïfs traités par cette spécialité. Non seulement Sandoz a obtenu une AMM pour une nouvelle forme galénique d’Omnitrope, en 2008, mais il a lancé un nouveau biosimilaire, dès 2007, en Allemagne, arrivé en France et en Italie en 2008 : l’EPO Binocrit. Enfin, Zarzio (filgrastime), est un G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor ou facteur de croissance granulocytaire), lancé en septembre dernier en France. Indiqué dans la neutropénie, tout comme le biomédicament de référence Neupogen, il est en cours de lancement en Espagne et devrait être prochainement commercialisé au Royaume-Uni et en Pologne.
Qualité de soins.
« C’est un axe stratégique majeur de différenciation pour Sandoz. Notre pipeline compte une vingtaine de produits en développement. Nous avons des projets importants en oncologie et concernant les anticorps monoclonaux », précise Nathalie Zenou.
Les connaissances ont fortement évolué en 20 ans, permettant aux laboratoires d’apporter des améliorations au médicament de référence, ne serait-ce qu’une meilleure stabilité. « Pour Zarzio, nous avons créé une forme prête à l’emploi associée à un dispositif d’injection sécurisé. » Des progrès conséquents qui lui ont permis de rattraper le biosimilaire de ratiopharm sur le marché allemand, malgré un lancement plus tardif. Pour autant, Sandoz rappelle qu’un biosimilaire est un produit de prescription non substituable par le pharmacien. « Nous avons créé une business unit dédiée pour assurer la promotion de nos spécialités auprès des médecins hospitaliers. »
Le marché intéresse plus d’un laboratoire car les biomédiaments sont de plus en plus nombreux et seront, un jour ou l’autre, confrontés à la perte de leur brevet. « En 2009, 40 % des médicaments sont issus des biotechnologies », remarque Maurice Chagnaud, P-DG de Teva France. Selon l’EGA ou l’Agence européenne des médicaments génériques, la baisse de 20 % du prix de cinq biomédicaments majeurs (soit le prix d’un biosimilaire par rapport au médicament de référence), entraînerait 1,6 milliard d’euros d’économies en Union européenne. « À comparer avec le milliard que l’ensemble des génériques parvient à faire économiser en France. »
Trois molécules approuvées.
« Nos ventes de biosimilaires ont bondi de plus de 100 % en valeur au 1e semestre 2009 comparé à la même période l’an dernier », s’enthousiasme Nathalie Zenou. Le rapport annuel 2008 de Novartis affiche son contentement concernant Binocrit (époétine alpha) « qui ne cesse de gagner des parts de marché en Allemagne (...) et est le principal moteur de la croissance de 35 % enregistrée pour l’unité Biopharmaceuticals ». Pour autant, le marché des biosimilaires est encore limité en nombre de molécules « biosimilarisables ». Étant donné la jeunesse du secteur, la satisfaction reste de mise pour l’EGA qui met en avant les « trois molécules déjà approuvées (somatropine, érythropoïétine et filgrastrime) », soit 13 AMM délivrée par l’Europe, « permettant six développements lancés par 9 sociétés entre avril 2006 et février 2009 : Sandoz, Biopartners, Medice, Stada, Hospira, Teva, ratiopharm, CT Arzneimittel et Hexal ».
Le marché est aussi limité en termes d’acteurs capables de relever le défi (connaissance des médicaments biologiques, capacité à de lourds investissements, R & D très longue) et les leviers sur lesquels s’appuyer diffèrent. « Pour les génériques, ce sont les pharmaciens, dès lors qu’ils ont obtenu le droit de substitution, qui ont fait décoller le marché. Ce n’est pas encore envisageable pour les biosimilaires et la substitution par le pharmacien n’interviendra pas avant au moins 2015 selon moi. Biogaran garde l’œil sur le marché mais ne s’engagera pas tant que son développement n’est pas réel », explique Pascal Brière.
D’autant qu’il s’agit d’un autre métier que celui de génériqueur. D’une part, le développement d’un tel médicament demande presque autant d’études cliniques qu’un médicament innovant et la phase III se fait versus médicament référent, les résultats obtenus devant être parfaitement superposables. Car, par définition, on ne peut copier parfaitement un médicament biologique, contrairement à une molécule chimique. D’autre part, le succès du biosimilaire repose sur la prescription hospitalière et celle des spécialistes.
Belle confiance.
« Le pharmacien d’officine est un partenaire incontournable pour Sandoz. Il est informé de nos lancements et il a accès à un service d’informations médicales via un numéro vert. Nos biosimilaires sont bien accueillis par les médecins, Sandoz est connu et reconnu pour son expertise et son sérieux, ils sont confiants sur la qualité et la sécurité de nos médicaments », souligne Nathalie Zenou.
Une confiance essentielle pour aborder le nerf de la guerre : les biosimilaires sont créés pour faire des économies. Leur prix est fixé à une décote d’environ 20 % du prix du médicament de référence. « Si nous voulons développer l’accès à des médicaments innovants, il faut économiser sur les molécules qui ont fait leurs preuves », ajoute Nathalie Zenou.
Le génériqueur allemand ratiopharm bénéficie également d’une belle confiance. Car son engagement sur le segment du médicament biologique date « d’une quinzaine d’années », explique Maurice Guillard, directeur des opérations hôpital. ratiopharm a créé une société dédiée aux études précliniques et cliniques, BioGeneriX, basée à Mannheim, et bâti une usine de biotechnologie à Ulm. « Le temps et l’argent nécessaires au lancement d’un biosimilaire rendent le ticket d’entrée sur le marché particulièrement onéreux, ce qui limite le nombre de prétendants. »
Appétits aiguisés.
Le groupe a lancé son premier biosimilaire, Ratiograstim (filgrastime) d’abord en Allemagne, puis au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne et en France. Or, le potentiel du marché du filgrastime dans l’hexagone atteint les 400 millions d’euros. De quoi aiguiser quelques appétits et expliquer un nombre de demandes d’AMM élevé pour commercialiser une copie de Neupogen : Tevagrastim, Biograstim et Filgrastim Hexal sont sur les rangs.
« Ratiograstim a reçu un bon accueil des pharmaciens et médecins hospitaliers. Les freins se lèvent car les biosimilaires apportent un progrès par rapport au référent », précise Maurice Guillard. Aucune donnée chiffrée n’est dévoilée, Maurice Guillard rappelle simplement que le segment des biosimilaires « ne représente presque rien » sur l’ensemble des médicaments vendus sur le territoire français. Mais ratiopharm sera présent sur la plupart des biomédicaments qui vont perdre leur brevet et travaille actuellement sur une demi-douzaine de molécules utilisées en oncologie et hématologie.
Teva, 1er génériqueur mondial, a annoncé ses intentions d’investir le segment des biosimilaires. « Ce marché a un potentiel important, avec la projection de 20 lancements en 2015. Nous avons acquis Co-Genesys pour sa technique innovante de production, Sicor pour ses capacités de bioproduction, Barr et sa filiale Pliva, enfin nous avons lancé une joint-venture Teva-Lonza », indique Maurice Chagnaud, P-DG de Teva Santé. En septembre 2008, il annonçait un cluster de 4 à 6 produits d’ici à 2015, puis « une 2e vague de 5 ou 6 produits entre 2016 et 2018 ». Prochaine échéance importante pour Teva : le lancement de Tevagrastim en mars 2010. « Nous sommes présents maintenant pour anticiper le marché qui va prendre de l’ampleur en 2014-2016 et pour accompagner les pharmaciens », ajoute Maurice Chagnaud. Pour autant, le P-DG de Teva ne croit pas qu’un jour le biosimilaire soit substituable par le pharmacien.
Accords et rachats.
Parallèlement, le groupe américain Hospira, également engagé dans le segment des biosimilaires avec l’érythropoïétine zêta Retacrit (vendue dans une douzaine de pays européens) vient d’annoncer le rachat des droits internationaux pour le filgrastime et de l’usine de fabrication Pliva au groupe Teva. « Le site offre à Hospira une capacité de production suffisante pour satisfaire les besoins de filgrastime et de pegfilgrastime dans le monde entier, et une possibilité d’expansion pour la fabrication d’autres produits biogénériques », déclare Hospira dans un communiqué. Une aubaine pour ce laboratoire qui précise que le pegfilgrastime est la molécule du Neulasta (Amgen), un G-CSF de seconde génération dans la neutropénie. Hospira ne s’arrête pas là, il élargit sa gamme de biosimilaires par le biais d’un accord avec le coréen Celltrion qui devrait être bientôt signé. « Ce projet porte sur huit produits en cours de développement chez Celltrion, dont cinq s’inscrivent en complément du portefeuille d’Hospira », précise la revue « BioPharmaceutiques » du 22 novembre dernier. Il faut également mettre à son compte un partenariat avec Thérabel Lucien, laboratoire de princeps qui cherche à mettre un pied dans le segment des biosimilaires. Il n’est pas le seul.
Du côté des « big pharma », Merck & Co se démarque par la création d’une nouvelle division en décembre 2008, Merck BioVentures, dans le but avoué de se diversifier dans les biosimilaires. Proactive, la nouvelle entité s’est démarquée par l’acquisition du portefeuille de biosimilaires en développement de son compatriote Insmed en février dernier. Par ailleurs, les laboratoires AstraZeneca et Eli Lilly souhaiteraient également investir le marché. Beaucoup de mouvements chez les génériqueurs, les biotechs et les laboratoires de princeps. Le paysage risque encore d’évoluer avec la mise en vente de ratiopharm par sa maison mère, le groupe Merckle. Le 11 novembre, le quotidien économique Les Échos annonçait une dizaine de prétendants : Teva, Mylan, sanofi-aventis, Sinopharm, Actavis, mais aussi « des fonds d’investissement comme TPG, Advent en collaboration avec Goldman Sachs, Permira et KKR ». La plupart des offres s’établissent « entre 2 et 2,5 milliards d’euros ».
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