« JE NE SUIS PAS UN HÉROS, mais une personne révoltée », lance Irène Frachon lors d’une conférence-débat sur l’évaluation des progrès thérapeutiques organisée par la revue « Prescrire ». Cela fait plusieurs années que la pneumologue du CHU de Brest s’intéresse de près au Mediator. En 2007, elle rassemble les informations sur la molécule et les publie. « Il était compliqué d’avoir la formule exacte du Mediator, rapporte-t-elle. La firme affirmait que cette spécialité n’avait rien à voir avec l’Isoméride », interdit en 1997. Elle ajoute : « Dès le départ, le laboratoire a eu la volonté d’écarter le benfluorex des anorexigènes. » Pourtant, les formules chimiques des deux médicaments sont très proches. Mais surtout, explique Irène Frachon, ils possèdent un métabolite actif commun jugé responsable d’atteintes cardiopulmonaires : la norfenfluramine. Convaincue de la dangerosité du produit, le médecin brestois alerte l’AFSSAPS* début 2009 ; et la Commission nationale de pharmacovigilance la reçoit en juillet. Malgré l’épaisseur du dossier apporté par le Dr Frachon, la commission ne prendra aucune décision de retrait. « J’ai compris qu’il y avait des craintes de recours juridiques émanant de la firme », analyse-t-elle. La pneumologue ne désarme pas et réalise avec des collègues cardiologues et médecins du centre d’investigation clinique une nouvelle étude « démontrant un lien statistique fort entre la survenue d’une insuffisance mitrale inexpliquée et l’exposition à la substance benfluorex ». D’autres études viennent renforcer les doutes sur ce produit et le Mediator sera finalement retiré du marché en novembre 2009. Mais, pour Irène Frachon, ce retrait aurait pu intervenir bien plus tôt. « Les décisions ont été retardées sans mettre les patients à l’abri », regrette-t-elle. C’est sans doute aussi ce qui l’a motivé à écrire son livre enquête. « Je voulais informer les victimes », explique le médecin. Car, pour Irène Frachon, cette dramatique affaire révèle « le dysfonctionnement de tout un système », où se mêlent des autorités sanitaires à « l’écoute distante » et des experts aux « conflits d’intérêts choquants et qui étaient parties prenantes dans les décisions ».
La faillite du système.
La faillite du système, c’est également la conclusion du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le Mediator (« le Quotidien » du 20 janvier). Fort de ce constat, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a d’ailleurs annoncé son intention de réformer en profondeur le dispositif français de surveillance, d’évaluation et de mise sur le marché des médicaments. La députée socialiste Catherine Lemorton ne semble toujours pas en revenir et parle « d’incompréhensible tolérance ». Car, dans un rapport parlementaire qu’elle a rendu en 2008, la pharmacienne toulousaine pointait déjà cette situation et faisait toute une série de préconisations. Or, déplore t-elle, le gouvernement les avait jusqu’alors rejetées.
Quoi qu’il en soit, l’heure est à la reconstruction et, déjà, des idées fusent. « Les nouveaux médicaments ne devraient être utilisés que lorsque les anciens n’ont pas marché », estime le Pr André Grimaldi. Autrement dit, une nouvelle spécialité devrait, dans un premier temps, être réservée à des cas bien spécifiques et montrer qu’elle est plus utile que les produits déjà commercialisés. En ce qui concerne le Mediator, le diabétologue de la Pitié Salpêtrière estime qu’il y a eu tromperie depuis le début. « Il ne figure dans aucune recommandation dans le diabète », insiste-t-il. Mais pas question pour André Grimaldi de mettre tous les laboratoires dans le même panier. Dans l’affaire du Mediator, il s’agit d’un problème spécifique, explique-t-il en substance. Certains pointent les conditions de mise sur le marché des spécialités et avancent que tout nouveau médicament devrait non seulement être évalué contre le placebo, mais également comparé aux thérapeutiques existantes. Pour l’heure, la mission d’information parlementaire conduite par l’Assemblée nationale, et présidée par le député socialiste Gérard Bapt, a débuté ses auditions. Ses conclusions sont attendues en juin.
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