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Coup de chaud sur les marques ombrelles

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Publié le 01/03/2018
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Dans ses nouvelles recommandations, l’ANSM interdit de facto les marques ombrelles, mettant fin à plusieurs années de confusion, voire de risques potentiels pour le patient. Une décision qu’appelaient implicitement de leurs vœux les pharmaciens. Ils s’apprêtent désormais à reprendre la main sur ce rayon, bien décidés à jouer leur rôle de conseil.
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Crédit photo : GARO/PHANIE

La profession salue l’interdiction des marques ombrelles prononcée le 22 février par l'Agence nationale du médicament (ANSM). La mesure met un terme à l’opacité qui entourait la dénomination de ces produits.

« Une sage décision », « juste et raisonnée », « une bonne idée, enfin ! », s’exclament les pharmaciens sur notre site, à l’annonce de l’Agence du médicament qu’ils remercient « en toute sincérité », sans l’ombre d’une ironie. Certes il ne s'agit que de recommandations et non d’obligations réglementaires, mais l’évaluation des nouveaux noms de produits devra en tenir compte et les industriels seront tenus de s’y conformer.

Anticiper la recommandation

Certains laboratoires ont, du reste, déjà anticipé le mouvement et ont rebaptisé leurs produits. C’est le cas par exemple de Toplexil Phyto, renommé en Phytoxyl (Sanofi). Ou encore d'UPSA. « Pour mieux répondre aux attentes des pharmaciens et des patients, nous avions déjà décidé de faire évoluer notre offre en automédication sur le marché de l’ORL en 2017. En effet, nous avons recentré notre gamme Fervex sur le médicament : depuis septembre 2017, la gamme Fervex se compose uniquement de médicaments à base d’un antihistaminique et ne contient plus aucun vasoconstricteur. Parallèlement, nous avons lancé une nouvelle marque entièrement consacrée à notre offre de dispositifs médicaux : Les Élémentaires. Avec ce choix, nous répondions à une attente forte des pharmaciens : arrêter les marques ombrelles multistatuts pour mieux clarifier notre offre en automédication », explique Olivier Poirieux, vice-président médical et réglementaire UPSA Global et pharmacien responsable. Il affirme prendre acte des nouvelles recommandations de l’ANSM et soutenir toute décision visant à renforcer la sécurité des patients.

Par marque ombrelle, l’Agence nationale du médicament entend deux catégories. Il s’agit tout d’abord du nom fantaisie donné à plusieurs médicaments de prescription médicale facultative (PMF) dont l’AMM est détenue par un seul titulaire mais composés de substances actives différentes pour des indications différentes. Deuxième cas de figure, l’utilisation d’un nom ou d’une partie d’un nom de médicament donné à un autre produit « à finalité sanitaire, dispositif médical par exemple, cosmétique ou encore denrée alimentaire ».

On l’aura compris au travers de ce second exemple, les laboratoires avaient espéré que la notoriété d’un médicament rejaillisse sur ses autres produits. En effet, la pratique des marques ombrelles, qui s’est multipliée au cours de la dernière décennie, vise avant tout un objectif marketing. « Le lancement d’une nouvelle spécialité sous une marque ombrelle est une démarche entreprise pour de nombreux produits phares en OTC », expliquait, il y a deux ans, Isabelle Van Rycke, directrice des Opérations Santé Grand Public de Sanofi France, au « Quotidien du Pharmacien », ajoutant que le développement des marques ombrelles « va dans le sens de l’automédication responsable parce qu’elles permettent une identification rapide du produit et de l’aire thérapeutique par le patient ».

Un multistatuts inacceptable

L’ANSM ne l’entend pas de cette oreille. Elle estime au contraire que l’utilisation de marques ombrelle ne peut être acceptée « en raison des risques pour la santé publique, notamment d’une confusion entre médicaments qu’elle est susceptible d’entraîner ». Un argument qui avait été repris par les syndicats de pharmaciens, farouchement opposés aux marques ombrelles, eux aussi pour des raisons de sécurité. « Nous avions rappelé à l’ordre les industriels en leur signifiant qu’ils jouaient avec le feu avec ces noms multistatuts », se souvient Gilles Bonnefond, président de l’Union nationale des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).

Toutefois s’ils ont été – indirectement – associés à la décision de l’ANSM, les syndicats n’ont pu contenir leur surprise devant la fermeté de l’interdiction. « Nous saluons la décision de l’ANSM concernant l’interdiction de l’utilisation multistatuts, c’est-à-dire l'utilisation de la même marque pour un médicament, un dispositif médical, voire un complément alimentaire. Cependant, le balancier va aujourd'hui trop loin. L’ANSM prévoit désormais l’utilisation d’une marque par molécule, Or cela ne nous choquait pas qu’une marque puisse être utilisée pour plusieurs spécialités au sein d’une même aire thérapeutique. Par exemple, une marque recouvrant un spray et des gélules pour la sphère ORL », déclare Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

Une thèse également défendue Gilles Bonnefond qui ne voit aucune objection « à ce qu’un nom de gamme soit ainsi affecté à la sphère du rhume, même si les produits n’ont pas la même composition ». L’ANSM, cependant, a voulu aller plus loin. « Aujourd’hui, les laboratoires se retrouvent paradoxalement soumis à des restrictions bien plus contraignantes que celles qui leur étaient imposées autrefois », constate le président de l’USPO.

Toute ressemblance…

Les marques ombrelles sont donc vouées à disparaître des rayons. L’ANSM est claire. Une proposition de nom de médicament reprenant tout ou partie du nom d’un médicament existant ou ayant existé sera refusée. De même, elle promet d’être intraitable sur les noms fantaisie. Ceux-ci ne doivent pas être utilisés à la fois pour un médicament soumis à prescription médicale obligatoire (PMO) et pour un autre de prescription médicale facultative (PMF).

En conformité avec les dispositions prévues à l’article R. 5121-3 du Code de la santé publique (CSP), les noms de fantaisie proposés doivent être choisis de façon à éviter toute confusion avec d’autres médicaments « lors de la prescription, de la délivrance ou de l’administration ». Le choix doit par ailleurs éviter toute confusion - à l’écrit comme à l’oral - avec d’autres produits relevant d’un dispositif médical, d’un cosmétique ou d’un complément alimentaire.

De même, un nom fantaisie ne doit pas induire en erreur sur la qualité, les propriétés et la composition du médicament. Ni contenir de message promotionnel de l’ordre de « fort, faible, ultra, hyper, flash, stop… » A éviter également le X, le DUO, tout comme les noms et prénoms de personnes. Et aux industriels qui envisageraient de contourner l’interdiction par un anglicisme à connotation promotionnelle (strong, new…), l’ANSM promet de veiller !

Les pharmaciens ne peuvent que se réjouir de ce grand ménage de printemps. Il leur permet de réduire leurs stocks tout autant que de reprendre la main sur un marché qui leur avait quelque peu échappé. S’il est encore prématuré pour chiffrer les retombées de cette mesure sur l’économie de l’officine, une chose est sûre, le conseil au patient sera désormais moins parasité par la publicité télévisée.

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3415