LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Comment expliquez-vous l’augmentation du phénomène des ruptures d’approvisionnement en médicament dans les pharmacies ?
CLAUDE CASTELLS. - Les ruptures sont évidemment très regrettables pour les patients. Pour autant, gardons-nous de les présenter comme un phénomène habituel. Les ruptures restent marginales aujourd’hui. À la base, il existe pour les nouveaux produits, plus sensibles, des difficultés inhérentes à la production proprement dite. Celles-ci voient leurs effets amplifiés par la conjonction de politiques de contingentements drastiques et par la multiplication des short liners. Nous subissons en effet le rationnement que nous imposent les laboratoires. Ce rationnement, qui obéit à des priorités économiques, se concrétise à travers des quotas calculés de manière totalement opaque et manifestement inadaptée. En outre, les short liners utilisent le statut de grossistes répartiteurs, ce qui leur permet de disposer de produits. Et chacun sait que ces produits sont, en grande partie, détournés du marché français.
Certains laboratoires accusent les grossistes répartiteurs d’être à l’origine du phénomène, en pratiquant le jeu des exportations parallèles. Que leur répondez-vous ?
Je conteste vigoureusement cette information que les laboratoires se plaisent à diffuser. C’est une présentation simpliste, voire une contre-vérité. Je voudrais d’abord m’arrêter sur la terminologie qui est utilisée. Les termes « exportations parallèles » laissent penser que les grossistes-répartiteurs se livrent à un trafic illégal alors qu’ils pratiquent parfois, dans l’esprit du traité de Rome, le commerce intracommunautaire. Cette présentation par les laboratoires n’est donc pas innocente. Il s’agit pour eux de stigmatiser les répartiteurs pour justifier une pratique tout à fait contraire aux règles de libre circulation, celle des contingentements. À toutes fins utiles, je rappelle que le code de la santé publique impose aux laboratoires comme aux répartiteurs l’obligation d’approvisionner le marché de manière « appropriée et continue ». Sur cette base, il me semble qu’il est temps de faire preuve du sens des responsabilités qui convient en matière de santé publique et de cesser les invectives.
Que pensez-vous du projet de mise en place d’un double prix pour les médicaments afin de limiter les exportations parallèles ?
C’est un système inefficace et dangereux, qui paraît en outre très difficile à mettre en place de manière opérationnelle dans le système français. Il a été instauré en Espagne et les résultats ne sont vraiment pas probants : les grossistes-répartiteurs n’exportent plus mais ce sont d’autres acteurs qui ont pris le relais à travers des circuits qui n’offrent aucune garantie en termes de sécurité et d’intégrité des produits. Le double prix est le parfait exemple d’une fausse bonne idée. Je répète qu’il est la démonstration éclatante que le commerce intracommunautaire est avant tout pour les laboratoires un problème économique plutôt qu’une question de santé publique !
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