POINT de départ de ce livre, l’affaire du Mediator, vécue par un témoin engagé, qui nous dévoile quelques détails inédits des coulisses d’une crise qui a fait vaciller tout le secteur du médicament en France. Plaidoyer pro domo, diront certains. Certes, mais ce que dit Christian Lajoux mérite d’être écouté. Il livre avec franchise son témoignage sur la façon dont il a vécu, de janvier 2011 à juin 2012, l’affaire Mediator et la tempête médiatique qui l’a accompagnée. À défaut de prétendre à l’objectivité, il revendique la sincérité, ce dont on lui fera volontiers crédit. Dédiant son livre « à tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le tableau que l’on fait de leur secteur », il raconte comment le procès du Mediator est devenu celui du médicament, pris dans sa globalité.
L’affaire, il est vrai, recèle tous les ingrédients du scandale, « dans lequel se rueront politiques, journalistes pressés (et pas toujours bien documentés) et experts autoproclamés, anciens professeurs d’université ou toujours professeurs très engagés et occupés en politique ». Une allusion ironique aux auteurs d’un Guide à succès, qui ont su surfer sur la vague de l’inquiétude provoquée par le scandale. Très vite, l’émotion l’emporte sur la réflexion, l’outrance sur le bon sens, les idées reçues sur l’analyse, la passion sur la raison. Les politiques s’emparent de l’affaire et les industriels se retrouvent aux « assises » (du médicament), « terme qui, inconsciemment ou non, renvoyait davantage au procès qu’au débat plus équilibré qu’aurait suggéré l’usage d’" états généraux " », observe Christian Lajoux.
Frilosité ambiante.
Son livre apporte un éclairage inédit sur les difficultés de toute sorte auquel le patron du LEEM se retrouve confronté, y compris parmi ses pairs. Il décrit en particulier les réticences de l’organisation professionnelle européenne, l’EFPIA, qui redoutait que cette affaire déborde les frontières hexagonales et contamine les autorités de pays voisins. Face à la tempête politico-médiatique, le LEEM choisit de jouer la transparence, écrit Christian Lajoux. « C’était sans compter sur la frilosité ambiante. » Il égratigne également les directions internationales : « les esprits de nombre de dirigeants d’entreprises sont encore trop déconnectés de la vie réelle et de la société telle qu’elle s’exprime. » Leur position pouvant se résumer par « pour vivre heureux, vivons cachés ».
Pourtant, il y avait urgence à se faire entendre. « Osons le dire : l’industrie pharmaceutique était devenue tricarde et il n’y avait plus personne pour témoigner de la réalité de notre action. » Il participe lui-même à de nombreuses émissions de radio et de télévision. Peine perdue, « la démagogie et le raccourci intellectuel l’ont emporté sur la raison, et se sont attachés à vouloir corriger une situation du passé ». Car, selon lui, cette malheureuse affaire renvoi vingt ans en arrière, à une époque et à des pratiques qu’il estime aujourd’hui révolues. Durant toute la crise, Christian Lajoux n’a qu’une obsession : maintenir l’unité du LEEM et le dialogue avec les autorités de l’État. Mais, au-delà de la réflexion d’un industriel face à une crise sanitaire inédite, son témoignage est aussi celui d’un humaniste, qui n’hésite pas à se remettre en question et à consulter des intellectuels, des philosophes et des sociologues.
Appel au dialogue.
La confiance des malades envers le médicament a-t-elle été entamée par ce scandale ? Christian Lajoux se montre à cet égard optimiste. « Les battages médiatiques des années 2011 et 2012 n’ont entamé qu’à la marge ce rapport étroit de confiance, écrit-il, parce que les faits et l’efficacité tangible et mesurable de ces produits de santé s’imposaient au quotidien, parce que les médecins et les pharmaciens bénéficient d’un fort crédit de confiance au sein de la population. »
Mais cet ouvrage ne se résume pas à l’affaire du Mediator et à ses conséquences. Il aborde résolument l’avenir. Il décrit la fin d’un cycle et l’émergence d’un nouveau modèle économique. Il explique comment « contrairement à tous les clichés, l’immense majorité des économies réalisées sur les soins de ville est le fait du médicament, qui s’est substitué, dans le coût global des soins, à des techniques plus onéreuses et plus invasives ». Et de conclure sur un vibrant plaidoyer pour le dialogue et la concertation. « Nous ne sommes pas des acteurs de seconde zone », souligne-t-il, appelant de ses vœux une alliance avec l’État, la communauté scientifique et les acteurs du système de santé.
Il y a malheureusement peu de chance pour que ce livre rencontre le même succès que le fameux Guide des médicaments, cité plus haut, et publié, ironie de l’histoire, chez le même éditeur. Mais tous ceux qui préfèrent la réflexion à la démagogie apprécieront le message de ce grand patron qui, après avoir passé six ans à la tête du LEEM, s’apprête à passer le relais à son successeur.
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