LE PAYSAGE pharmaceutique français est marqué par la mutation internationale de l’industrie du
médicament. « Les perspectives sombres constatées en termes d’emploi, d’investissement, de production, d’attraction des acteurs de biotechnologie et d’exportation, contrastent avec une situation passée qui a fait de la France le premier producteur et exportateur de médicaments en Europe », remarque Christian Lajoux, président du LEEM. Car c’est sur le médicament chimique traditionnel que la France avait su se démarquer. Et, aujourd’hui, le pays a pris un retard important dans le développement des biotechnologies et des sites de bioproduction. « L’un des enjeux est la compétition internationale en termes de biotechnologie. La France a de nombreux atouts, mais elle n’a pas réussi à insuffler la même dynamique que d’autres pays européens. Le passage de la production de médicaments chimiques à la bioproduction n’est pas simple, les collaborateurs de demain n’auront pas le même profil qu’aujourd’hui », souligne Christian Lajoux. Le LEEM appelle de ses vœux la multiplication des sites de bioproduction en France et souhaite une révision des modes de coopération entre les grands groupes internationaux (la « big pharma ») et les sociétés de biotechnologie. Il compte sur les pôles de compétitivité pour voir apparaître un nouveau modèle relationnel entre l’industrie pharmaceutique, les hôpitaux, les grands instituts, les « Biotech », etc., ainsi que sur une véritable « volonté politique en faveur des sciences du vivant ».
La course aux biotechnologies.
Pour faire face au retard de développement de nouveaux médicaments, les « big pharma » mettent en place des partenariats avec leurs pairs dont le portefeuille est complémentaire ou avec des sociétés de biotechnologie. Ces partenariats peuvent déboucher sur un rachat ou une fusion. Car les Biotech contribuent souvent à la première mise sur le marché de nouvelles molécules. Pfizer, numéro un mondial, a ainsi racheté Angiosyn, Vicurion, Bioren, Encysive… Et tout récemment Wyeth, spécialiste des vaccins et des produits de biotechnologie, peu menacé par les pertes de brevets de blockbusters (en dehors de celui d’Effexor XR en 2010). Par ailleurs, Pfizer et sanofi-aventis pourraient prendre une participation dans la division de biotechnologie de l’Indien Wockhardt.
Sanofi-aventis vient également d’étendre son partenariat avec Genfit, de passer une série d’accords avec Aeterna Zentaris et d’annoncer la construction d’une usine de vaccins contre la grippe au Mexique pour 100 millions d’euros. Après le rachat de Wyeth par Pfizer, l’OPA de Roche sur Genentech et la fusion de Merck & Co et Schering-Plough, annoncée le 9 mars, une rumeur de rachat plane à nouveau sur Bristol-Myers Squibb (BMS), partenaire de sanofi sur Plavix. Elle a été démentie par le DG de sanofi, Chris Viehbacher, plutôt intéressé par de petites ou moyennes acquisitions dans le domaine des vaccins, de la médication familiale, des génériques, ou de la santé animale.
Les laboratoires français indépendants et/ou de petite taille sont, pour le moment, relativement épargnés par les restructurations, en particulier ceux qui ont misé sur la biotechnologie. Le groupe Pierre Fabre investit ainsi 71 millions d'euros dans l’un de ses sites du Tarn (150 emplois créés pour accroître sa production en dermocosmétique), tandis que Vivalis veut ouvrir un laboratoire de recherche sur des vaccins contre le cancer et le sida à Nantes. De son côté, bioMérieux annonce un investissement de 20 millions d'euros sur le site de Minatec (pôle d'innovation de biotechnologie), à Grenoble. La société va embaucher une centaine de collaborateurs en 2009. Stéphane Bancel, directeur général de bioMérieux, estime que son groupe est plutôt en avance sur les objectifs du plan stratégique 2007-2012 : « la crise financière nous est favorable sur ce plan. Les valorisations des sociétés petites et moyennes que nous visons sont attrayantes », indique-t-il. Globalement, le secteur des biotechnologies devrait rester porteur. En effet, l’industrie va devoir renouveler 17 % de ses effectifs d’ici à huit ans pour compenser les départs à la retraite. Elle poursuit donc le recrutement de médecins et de pharmaciens et les perspectives d’évolution de l’emploi dans les sociétés de biotechnologie, impulsées par le plan « compétences biotech 2010 » du LEEM, sont palpables.
L’émergence des délégués pharmaceutiques.
Dans ce contexte de restructuration, la promotion des médicaments vers le pharmacien devient un enjeu essentiel. Le délégué pharmaceutique, VM de l’officine, a donc de beaux jours devant lui. Même si le nombre de postes ne compensera jamais le désarmement commercial des big pharma, « un reclassement peut être proposé à un ancien VM, l’officine est un endroit de plus en plus actif pour la promotion du médicament », note le président du LEEM. Car le pharmacien devient de plus en plus incontournable et les laboratoires commencent à l’informer sur les produits éthiques et les pathologies, notamment pour faire face aux sorties de réserve hospitalière et aux déremboursements.
Quelles conséquences pour l’officine ?
Ces changements de modèles influent sur l’ensemble de la chaîne du médicament. « Le monde de la distribution est déjà touché par la remise en question du modèle classique de la répartition avec la montée en puissance des ventes directes pour les génériques, la médication officinale et certains autres produits », souligne Jean-Jacques Zambrowski. Selon l’économiste de la santé, les déremboursements vont se poursuivre. Les pharmaciens délivreront de plus en plus des produits « hautement spécialisés, avec une marge à taux très bas mais de valeur élevée ». La pérennité de la profession ne fait donc aucun doute. Aux officinaux de s’organiser en amont quant à l’évolution de l’exploitation des pharmacies et la proposition de services aux patients. « Les médicaments deviennent plus complexes pour soigner des malades qui ont plus de besoins, fait remarquer Jean-Jacques Zambrowski. Les cotisants ne peuvent suffire au financement nécessaire au système de santé. Il faut davantage réguler, limiter les prix, les marges et les profits. Or, le coût de la recherche et de la mise sur le marché a été multiplié par 5 en quinze ans. Les laboratoires ne veulent pas dépenser un milliard de dollars pour un médicament qui risque de devoir quitter le marché sur la pointe des pieds, d’où les partenariats avec les Biotech. La logique du médicament de masse, qui convient à tous pour pas cher, c’est terminé ».
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %