« IL Y AURA un avant et un après Mediator », avait promis Xavier Bertrand. Le ministre de la Santé n’a pas menti. Les mesures qu’il a présentées la semaine dernière pour remettre de l’ordre dans le système de sécurité du médicament en France, s’apparentent pour beaucoup à un traitement de choc (« le Quotidien » du 27 juin). « En France, nous consommons trop de médicaments et il y en a trop sur le marché », explique le ministre qui, tout en renforçant la surveillance des spécialités, entend aussi faire le ménage dans l’offre pharmaceutique. Comment ? D’abord, en lançant une réévaluation du rapport bénéfice/risque des médicaments les plus anciens et, à terme, de l’ensemble de la pharmacopée. Ensuite, en mettant fin au remboursement des médicaments dont le service médical rendu est jugé insuffisant (SMRI), sauf avis motivé du ministre. Xavier Bertrand plaide également en faveur du renforcement des conditions d’attribution des autorisations de mise sur le marché (AMM). Pour lui, la valeur ajoutée thérapeutique doit être prise en compte lors de l’octroi d’une AMM. Elle serait appréciée par la réalisation d’essais cliniques contre un médicament de référence, lorsqu’il existe. Le ministre préconise également un durcissement des règles de remboursement : pour être pris en charge, un médicament devra prouver qu’il est « au moins aussi bon » qu’une spécialité déjà remboursée. Xavier Bertrand prône encore l’encadrement plus strict des prescriptions hors AMM et l’application de sanctions pour les industriels ne menant pas les études qui leur sont demandées dans les délais. Enfin, le ministre de la Santé envisage une refonte complète de la visite médicale.
Une évolution du marché.
Toutes ces mesures seront présentées en Conseil des ministres d’ici à quelques jours pour un examen du projet de loi au Parlement à l’automne. Des mesures « radicales et rapides », comme l’avait annoncé Xavier Bertrand. Mais pas sans conséquence pour l’officine. La réforme du médicament proposée par le ministre de la Santé « va dans le bon sens, car il fallait revoir le système afin de mieux le sécuriser », estime Frédéric Laurent, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Elle présente même des « points positifs et de réelles perspectives pour l’officine sur le plan professionnel », affirme Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Notamment, en ce qui concerne un meilleur accompagnement des patients dans le cadre de la dispensation, avec en ligne de mire une amélioration de l’observance des traitements. En revanche, cette réforme est « à haut risque pour l’économie des pharmacies », s’inquiète le président de la FSPF. « Il y aura des effets collatéraux sur l’économie de l’officine déjà fragilisée », prédit également Frédéric Laurent. Avis partagé par Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Si les mesures proposées par Xavier Bertrand étaient adoptées en l’état, « il y aurait une bipolarisation du marché extrêmement marquée, associée à une baisse de prix des médicaments, prévoit-il. Les médicaments admis sur le marché le seront parce qu’ils sont très utiles, sinon leur prix sera faible ». Traduction : le nombre de spécialités de la première tranche de la marge (dont le prix oscille entre 0 et 22,90 euros) va, selon lui, exploser, et le nombre de références onéreuses, mais qui concernent très peu de patients, augmentera lui aussi. En clair, résume Gilles Bonnefond, la baisse des prix et des volumes devrait encore s’amplifier. Sans compter que la réforme pourrait également se solder par de nouvelles vagues de déremboursements et l’arrêt de commercialisation de spécialités, voire une diminution des prescriptions, en particulier en ce qui concerne le hors AMM. Certes, il s’agit d’avancées pour la sécurité des malades. Mais aussi d’un nouveau coup dur pour la marge des pharmaciens.
La rémunération plus adaptée.
Cette nouvelle donne rend donc encore plus indispensable l’ouverture de négociations pour une évolution du mode de rémunération des officinaux. « Xavier Bertrand doit en tirer les conséquences, car sa réforme du médicament peut être dramatique pour l’économie de la pharmacie », affirme Gilles Bonnefond. « Il y a urgence à revoir le modèle économique de l’officine », renchérit Philippe Gaertner. « La part professionnel de santé du pharmacien doit devenir plus importante, insiste de son côté Frédéric Laurent. Car si nous continuons à être rémunérés seulement à la marge, sans avoir d’autres leviers de croissance, je ne suis pas certain, compte tenu de la réforme annoncée, que le futur marché du médicament nous permette de tenir longtemps. » Une autre urgence se fait jour : celle de la réforme de la rémunération des pharmaciens.
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