Le Quotidien du pharmacien.- L'homéopathie fait l'objet, cette année, d'une profonde remise en cause, en France, comme à l'étranger. Comment les Laboratoires Boiron vivent-ils cette nouvelle crise ?
Anabelle Flory-Boiron.- Ces débats sur les thérapeutiques alternatives, qu’il s’agisse de l’homéopathie, de l’ostéopathie ou de l’hypnose, reviennent par vague. Cela revient à nier le choix de nombreux professionnels de santé qui ont intégré cette pratique dans leur quotidien en toute objectivité et avec la volonté de soigner sans nuire, et à nier le choix de 3 Français sur 4 qui ont déjà pris de l’homéopathie au cours de leur vie et qui ont pu en mesurer les bénéfices. En tant que leader du secteur de l’homéopathie, notre laboratoire a la responsabilité de défendre et de faire connaître les nombreux atouts des médicaments homéopathiques et notamment toute leur utilité face aux enjeux de santé publique actuels.
Concernant la situation de l’homéopathie dans les autres pays, à l’international, comme en France, nous avons toujours pris appui sur un cadre réglementaire défini et sur un usage entre les mains des professionnels de santé, gages de qualité et de sécurité. En Europe, chaque pays a pu implémenter, ou est en cours de le faire, la directive européenne qui fixe le cadre des autorisations des médicaments homéopathiques. Quant aux États-Unis, après des périodes de remises en question il y a quelques années, les médicaments homéopathiques progressent de nouveau de manière très importante, signe de la confiance des patients dans cette thérapeutique, en complémentarité avec la médecine conventionnelle.
Au total, ce sont 300 millions de patients qui se soignent par homéopathie à travers le monde. La demande mondiale de nos médicaments est très forte, dans un contexte où les patients – partout dans le monde – souhaitent avoir la liberté de choisir leur thérapeutique et se soigner sans risque, dans la mesure où ce choix est encadré par un professionnel de santé. Or la France est précurseur dans ce domaine.
Quel regard portez-vous sur la tribune lancée en mars dernier par une centaine de médecins très critiques à l'égard des médecines alternatives, et notamment de l'homéopathie ?
C’est une tribune écrite par une très petite minorité de médecins. Qu’ils soient critiques car ils ne connaissent pas l’homéopathie, c’est une chose. Même si c’est faire preuve de bien peu d’humilité… En revanche, qu’ils fassent de la désinformation, nous ne pouvons pas l’accepter. Leurs motivations ne sont pas claires : est-ce la défense des finances publiques ? Bien sûr que non, le remboursement des médicaments homéopathiques ne pèse que 0,29 % des dépenses de remboursements de médicaments par l’assurance-maladie. Est-ce la santé des patients ? Non plus. Ce n’est pas en attaquant l’homéopathie, pratiquée par des professionnels de santé en mesure d’établir un diagnostic et d’avoir recours aux solutions les plus adaptées en fonction des besoins, qu’ils vont faire progresser la médecine.
Enfin, l’une des causes de la méfiance des patients envers ce qu’ils appellent « les médicaments chimiques » vient des scandales sanitaires à répétition qui ont marqué les Français ces dernières décennies.
Une disposition du PLFSS pour 2019 prévoit de donner un cadre à la réévaluation de l'homéopathie. Craignez-vous que cette réévaluation aboutisse au déremboursement de l'homéopathie ?
Nous sommes ouverts à l’évaluation. Nous n’avons pas attendu pour évaluer. Ceci est déjà fait. Le programme de recherches EPI3 démontre très clairement que les médecins formés en homéopathie traitent avec un même bénéfice clinique les problèmes ORL en ayant deux fois moins recours aux antibiotiques, les problèmes de troubles anxieux et troubles du sommeil en ayant trois fois moins recours aux benzodiazépines. Voici deux exemples qui illustrent à quel point l’homéopathie peut être une réponse efficace aux enjeux actuels de santé publique et que le recours à cette thérapeutique devrait même être recommandé.
Le cadre habituel d’évaluation HAS n’est pas adapté : il ne s’agit pas d’évaluer un médicament dans une indication donnée, mais une thérapeutique correspondant à plusieurs milliers de médicaments. Il est nécessaire que cette évaluation puisse tenir compte des spécificités des médicaments homéopathiques, et se faire avec sérieux en impliquant également les professionnels de santé. Nous mettrons à la disposition de la HAS les travaux de recherche les plus pertinents et je ne doute pas qu’ils seront surpris de leur nombre et de leur qualité.
Si le déremboursement devenait effectif, quelles en seraient, selon vous, les conséquences sur le secteur ?
Dérembourser les médicaments homéopathiques est une fausse bonne idée, avec des impacts importants pour les patients, pour notre laboratoire, pour les finances publiques et pour les pharmaciens. Pour les patients d'abord, avec le risque que l’homéopathie soit pratiquée par des non-médecins, mais aussi le risque de développer le recours aux médicaments conventionnels iatrogènes et plus coûteux alors qu’ils pourraient être évités dans certaines situations par le recours aux médicaments homéopathiques. Pour les pharmaciens aussi, car au-delà de représenter des solutions sûres à conseiller, notamment aux femmes enceintes, aux enfants et aux personnes âgées polymédicamentées, les médicaments homéopathiques représentent une source de rémunération importante pour les pharmacies : 11 000 euros de marge en moyenne/an. Pour les finances publiques, nous avons calculé que l’économie escomptée pour l’assurance-maladie serait annulée avec seulement 10 % de reports, hypothèse qui serait largement dépassée, compte tenu du nombre de professionnels de santé prescripteurs – 1/4 des médecins généralistes, 3/4 des sages-femmes. Enfin, pour notre laboratoire, les conséquences sur l’emploi au sein de notre entreprise pourraient être importantes, sachant que 2 500 de nos 3700 collaborateurs travaillent en France, sans parler des emplois indirects qui représentent plus de 3 000 personnes.
L'homéopathie a-t-elle, selon vous, un statut particulier qui l'autorise à s'affranchir des règles de validations thérapeutiques applicables à l'allopathie ?
Les médicaments homéopathiques sont évalués par l’ANSM et bénéficient d’autorisations de mise sur le marché sous forme d’EH (NDLR, enregistrement homéopathique) ou d’AMM, adaptées à des médicaments présentant une totale innocuité et un recul de plus de 200 ans de pratique.
Les détracteurs de l'homéopathie soutiennent qu'elle n'est pas plus efficace qu'un placebo. Que pouvez-vous leur répondre ?
Qu’il existe un grand nombre d’études fondamentales, cliniques, pharmaco-épidémiologiques qui prouvent l’efficacité de l’homéopathie, au-delà de l’effet placebo. Encore plus important, les bénéfices cliniques des médicaments homéopathiques sont constatés quotidiennement par les millions de patients et de professionnels de santé qui y ont recours, et les pharmaciens sont bien placés pour en témoigner.
Les défenseurs de l'homéopathie se réfèrent souvent à l'étude EPI 3, réalisée à la demande du ministère de la Santé. Cette étude montre surtout que les patients traités par homéopathie ne souffrent pas d'une perte de chance, et bénéficient d'une moindre exposition au risque iatrogène et à la surconsommation. Ces arguments suffisent-ils, selon vous, à justifier l'intérêt du recours à l'homéopathie ?
Vous oubliez un point essentiel, à savoir que cela est à bénéfices cliniques comparables, pour des pathologies de niveaux de sévérité comparables. Donc oui, face à ces nombreux atouts, l’intérêt du recours aux médicaments homéopathiques est pleinement justifié.
* Anabelle Flory-Boiron est directeur France des Laboratoires Boiron
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %