Dans le Nord

Un espace pour dépister le diabète à la pharmacie d'Ostricourt

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Publié le 04/03/2019
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Alain Boyer, titulaire à Ostricourt dans le Nord, a investi dans un appareil qui permet au patient de connaître son risque potentiel d'être atteint de diabète. Une façon de s'intégrer dans le système de soins.
diabète

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Crédit photo : J. Gravend

En cinquante ans, Ostricourt (Nord) est passée du statut de ville minière (elle en a gardé un terril) à ville-dortoir, avec un fort taux de chômage. Sa population a diminué, passant de 7 400 habitants en 1968 à 5 400 habitants aujourd'hui, soit près d'un tiers en moins. Beaucoup de commerces sont fermés, et les habitants vont travailler à Lille, à vingt kilomètres par l'autoroute, et dans la métropole. La commune est bien dotée avec cinq médecins généralistes, des infirmières, des kinés, et une pharmacie, et tous ces professionnels s'apprêtent à créer une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA), deux projets de santé étant en cours d'étude à l'agence de santé (ARS), la gériatrie, et les maladies métaboliques.

« Nous avons un taux deux à trois fois supérieur à la moyenne nationale de malades du métabolisme, et c'est en travaillant avec des centres sociaux que nous avons choisi cet axe », précise Alain Boyer. Ce pharmacien vient donc d'acheter en leasing, pour 28 000 euros, un appareil de prédiagnostic du diabète, produit par Espace Diabète. « Le diabète concerne tous les âges. Il est lié à la paupérisation et à la malbouffe. Quatre millions de personnes en sont malades en France, et six cent mille s'ignoreraient malades. »

Paumes de main et plantes de pied

L'appareil, installé dans un espace de confidentialité, détecte en amont d'un éventuel examen biologique, jusqu'à huit à dix mois avant que la maladie se déclare, le « score de risque » du patient. Il mesure la conductance des glandes sudoripares des paumes de main et des plantes de pied. L'examen se fait sans piqûre, ne nécessite pas l'état à jeun. Le patient pose mains et pieds nus sur des surfaces par lesquelles passe un courant électrique de 4 volts, insensible.

« Nous le proposons à tous les patients qui viennent au comptoir, poursuit Alain Boyer, en leur expliquant ce qu'est le diabète, cette maladie invisible, en quoi consiste l'examen. Nous pourrons ensuite leur donner un rapport pour aller consulter leur médecin. » Depuis trois mois que fonctionne l'appareil, cent quarante et un patients ont subi l'examen, dont 10 % révélés « à risque ».

Les médecins favorables au dépistage

« Le pharmacien ne fait pas de diagnostic, c'est le rôle du médecin. Mais j'ai déjà vu au centre social une mesure de glycémie record à 12 grammes d'un patient qui s'ignorait diabétique. Il y a 13 000 amputations en France liées au diabète, alors qu'il y a des stades réversibles. Il est essentiel de pratiquer ces dépistages parce qu'il existe un déni face au diabète, et que beaucoup de diabétiques diagnostiqués sont non observants. »

Alain Boyer met en avant son rôle de conseil, avant que la maladie ne soit révélée, et même après, lors du suivi. Il est satisfait d'avoir constaté une perte de poids chez un malade à qui il avait conseillé de marcher. Tous les médecins d'Ostricourt sont venus voir l'appareil, et se sont déclarés favorables, et même des médecins au-delà de la commune, ou de l'hôpital de Seclin.

Les patients apprécient que leur pharmacien s'investisse pour leur santé, observe Alain Boyer, mais il ne les interroge pas sur la suite qu'ils donnent à l'examen. Il ne veut pas les « fliquer », mais respecter la confidentialité entre le médecin et le patient. Cet examen est gratuit pour le patient, mais « il le fait entrer à l'officine. Nous devons cesser de donner l'image du pharmacien qui vend du médoc ! » C'est d'ailleurs, à ses yeux, bien le sens de la constitution de la future SISA à Ostricourt : faire travailler ensemble tous les professionnels de santé.

Jacques Gravend

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3500