Un test sanguin pour le syndrome de fatigue chronique

Un biomarqueur diagnostique et une plateforme de criblage pharmacologique

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Publié le 13/05/2019
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Des chercheurs ont développé un test sanguin pouvant diagnostiquer le syndrome de fatigue chronique, demeuré jusqu’ici sans test fiable. Ce dispositif nanoélectronique, encore en phase pilote, repose sur la réponse des cellules immunitaires au stress hyperosmotique. Ce test pourrait aussi être utilisé pour développer  une plateforme de dépistage médicamenteux.
PRISE SANG

PRISE SANG
Crédit photo : R. Esfandyarpour

Le syndrome de fatigue chronique (SFC), ou encéphalomyélite myalgique (EM), affecterait jusqu’à 17 voire 24 millions de personnes dans le monde. Ce syndrome, caractérisé par un état de fatigue durable extrêmement intense, pourrait être déclenché par une combinaison de facteurs incluant un stress majeur dans la vie, des infections virales (EBV, HHV-6/7, cytomégalovirus, entérovirus) ou bactériennes (brucellose, mycoplasmes), des déficits nutritionnels, une exposition aux toxines, des troubles du système immunitaire et une susceptibilité génétique.

Il n’existe à ce jour aucun biomarqueur sanguin du syndrome qui reste un diagnostic d’exclusion. « Cette maladie est trop souvent qualifiée d’imaginaire », explique le Pr Ron Davis, professeur de biochimie et de génétique à l’université de Stanford (États-Unis). Davis, dont le fils souffre de la maladie depuis 10 ans. Il a codirigé, avec le Pr Rahim Esfandyarpour, chercheur en ingénierie électrique et informatique à l’université de Californie à Irvine, l’étude publiée dans la revue PNAS.

La molécule d'ATP déficiente dans ce syndrome

Les recherches récentes se concentrent sur le système immunitaire. Une étude incluant des patients a montré des anomalies dans plusieurs voies biochimiques (20/63 voies), suggérant la possibilité de biomarqueurs. D’autres études ont montré que lorsqu’un stress est appliqué à des cellules mononuclées du sang périphérique (PBMC), ces cellules immunitaires utilisent de l’ATP, une molécule d’énergie qui pourrait être déficiente chez les patients atteints de SFC.

Poursuivant cette voie de recherche, l’équipe de Davis a développé un test nanoélectronique afin d’étudier les réponses in vitro des PBMC soumis à un stress hyperosmotique induit par un excès de sel. Le test nanoélectronique développé est ultrasensible et il permet de mesurer directement des interactions biomoléculaires en temps réel et à faible coût.

« Dans cette étude, nous avons tiré parti des progrès réalisés dans la microfabrication, la détection électrique directe des propriétés cellulaires et moléculaires, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique afin de développer un test sanguin capable d’offrir un biomarqueur diagnostique et une plateforme de dépistage médicamenteux pour le syndrome de fatigue chronique (SFC) », explique au « Quotidien » le Pr Rahim Esfa ndyarpour.

« En comparant la réponse électrique des cellules immunitaires et du plasma soumis à un stress hyperosmotique chez 40 personnes – 20 patients atteints du SFC modéré à sévère versus 20 personnes non atteintes – nous avons découvert de fortes différences dans les réponses électriques mesurées, procurant ainsi la base d’une signature diagnostique potentielle pour le SFC. »

« Notre étude indique que la signature d’impédance pourrait représenter un marqueur distinguant les patients atteints de SFC des personnes non atteintes et pourrait établir une mesure diagnostique de la maladie », ajoute Ron Davis.

« Nous ne savons pas exactement pourquoi les cellules et le plasma agissent de la sorte, ni même ce qu’il se passe. Mais les preuves scientifiques attestent que cette maladie n’est pas une fabrication de l’esprit du patient. Nous voyons clairement une différence dans la façon dont les cellules immunitaires des témoins et des patients répondent au stress. »

Les chercheurs ont commencé à exploiter le test pour dépister des traitements déjà approuvés par la FDA ou en passe de l’être. L’équipe a déjà identifié un médicament candidat qui semble restaurer la fonction normale des cellules immunitaires et du plasma, et espère pouvoir l’évaluer dans un futur essai clinique chez des patients atteints de SFC.

Leur objectif ultérieur est d’élargir l’étude pour confirmer ces résultats sur un plus grand nombre de patients. De plus, « puisque les mécanismes sous-jacents restent inexplorés, nous voulons réaliser d’autres expériences pour comprendre les mécanismes contribuant spécifiquement aux résultats observés », précise au « Quotidien » le Pr Esfandyarpour. « Nous envisageons d’étudier aussi les performances du test sur d’autres affections similaires. Par ailleurs, nous adaptons cette technologie diagnostique pour créer une plateforme capable d’évaluer en préclinique des médicaments et des thérapies en utilisant des échantillons de patients atteints de SFC ; ceci pourrait nous permettre d’identifier des composés susceptibles d’inhiber les processus liés à la maladie, des suppléments pour combler des déficiences en métabolites, et des candidats médicamenteux pour les patients atteints de SFC. Nous travaillerons également au développement d’une plate-forme de criblage médicamenteux de haut niveau, qui soit portable et facile à utiliser par les chercheurs et les cliniciens ». Le test sanguin diagnostique devrait être disponible dans les quelques années à venir, estime le Pr Esfandyarpour.

Esfandyarpour et al., PNAS, 10.1073/pnas.1901274116, 2019.

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3519