Entamée en 2009, comme l'a rappelé Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), la « transformation du métier de pharmacien » va se concrétiser, encore un peu plus, avec la dispensation des tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) angine. Remboursables à partir du 1er janvier 2020, ils doivent permettre aux patients d'être mieux orientés, selon le type d'angine dont ils souffrent. Au-delà de la dimension économique de ce dossier, le président de la FSPF a voulu rappeler à ses confrères, lors d'une conférence de presse le 5 septembre, l'importance des TROD dans le cadre de l'amélioration du parcours de soins. À l’instar de la vaccination antigrippale, autorisée dans toutes les officines dès le mois d'octobre, cet acte doit en effet participer à un meilleur « usage du médicament et à la lutte contre l'antibiorésistance », en plus de favoriser une « meilleure coordination avec les autres acteurs de santé », volonté également exprimée par le ministère de la Santé, à travers la négociation conventionnelle. « Une preuve de confiance envers la profession », selon l'avis de Philippe Besset.
Réduire le gaspillage des antibiotiques
En arrivant au comptoir, le patient est parfois capable de décrire lui-même les symptômes caractéristiques de l'angine. D'autres fois, il évoque simplement un mal de gorge ou sollicite directement la délivrance de certains médicaments. Des autodiagnostics qui peuvent conduire à l'administration de traitements inadaptés. Un problème qui n'est pas sans conséquence sur la santé du malade, ni sur celle des finances de l'assurance-maladie… La réalisation, par le pharmacien, d'un questionnaire en 5 questions permettra de savoir plus rapidement si un test clinique (le test de Mac Isaac) est nécessaire. Le patient pourra ensuite être redirigé vers un généraliste si l'angine est bactérienne ou, dans le cas contraire, se voir délivrer des médicaments conseil pour mieux supporter la maladie. « Environ 10 % des prescriptions d'antibiotiques concernent le traitement de l'angine alors que 80 % de ces infections sont dues à des virus », avait récemment déclaré les services du Premier ministre, jugeant les TROD « insuffisamment utilisés ».
Un acte qui peut concerner (presque) tout le monde
Comme l'anticipe Philippe Besset, les TROD aideront les patients à « mieux percevoir l'évolution du métier de pharmacien ». Selon ses estimations, « 5 à 6 TROD pourraient être réalisés quotidiennement ». La durée moyenne que l'officinal doit consacrer pour mener le TROD est difficile à déterminer mais, dans 70 % des cas, elle n’excède pas 15 minutes, selon les données déjà recueillies par la FSPF. « Leur réalisation ira de plus en plus vite », veut rassurer Philippe Besset, confiant en la capacité de ses confrères à se montrer performant sur cette mission. Il s'appuie pour cela sur les chiffres très encourageants des expérimentations menées en Lorraine (lire encadré), en Occitanie et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Neuf millions de Français, essentiellement âgés de 12 à 45 ans, sont touchés chaque année par l'angine. Aucun facteur d'exclusion n'existe pour les TROD, qui peuvent donc être effectués sur n'importe quel patient, à condition qu'il soit âgé de plus de 12 ans.
Une rémunération encore incertaine
Côté rémunération, une réunion se tient aujourd'hui même à la Caisse nationale d'assurance-maladie, pour débattre autour de la proposition faite fin août par Nicolas Revel, directeur général de la CNAM, d'un acte rémunéré 4,82 euros (4 euros pour l'acte + 0,82 euro pour le matériel). Pour Philippe Besset, ce tarif ne devrait pas être très éloigné de celui établi pour la vaccination antigrippale (6,30 euros). « Si on se base sur ce tarif, pas besoin d'être devin pour estimer le montant qui sera décidé pour les TROD », a-t-il affirmé alors qu'il avait évoqué un montant de 10 euros au début des négociations. Aux prémices des discussions, l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) pariait même sur une rémunération de 12 euros. Le président de l'USPO souhaite aujourd'hui que l'on mette en place une indemnité forfaitaire de base et que deux montants soient prévus, en fonction du résultat du TROD : « un tarif 1 si le TROD est positif et un tarif 2 s'il est négatif. Le prix doit être lié à l'existence, ou non, d'une prescription d'antibiotiques », précise-t-il. Les deux présidents de syndicats se rejoignent en tout cas sur un point : « Le pharmacien a obtenu le droit de prescription, l'essentiel est là. L'Agence de sécurité du médicament (ANSM) doit encore valider certains points. Les négociations sont loin d'être terminées. » Depuis plusieurs mois, l'ANSM évalue et note en effet la fiabilité des TROD. Sur le site Internet de l'agence, une liste répertorie l'ensemble des tests disponibles sur le marché, mais elle n'est « pas encore à jour », note Philippe Besset. Durant les concertations à venir, le taux de remboursement pour le patient (qui devrait se situer entre 60 et 70 % selon la FSPF) devrait également être fixé définitivement. Il bénéficiera du tiers payant intégral et un code acte sera envoyé à l'assurance-maladie le jour même.
Pas de dispositif CE
Un autre point en discussion est la durée de la formation TROD proposée aux officinaux. Elle sera également au cœur des débats de la réunion d'aujourd'hui. « Contraindre les pharmaciens à suivre des formations onéreuses pour les TROD n'a aucun sens, regrette Gilles Bonnefond. L'obligation de se former n'a concerné que la vaccination et aucune autre mission jusque-là, rappelle-t-il. Si on le fait, on risque de décaler d'un an la mise en place des TROD et on va vider les caisses du développement professionnel continu (DPC) », conclut-il. À l’heure actuelle, 3 heures de présentiel et 3 heures d’e-learning sont prévues mais, sur ce point aussi, des ajustements sont probables. Il n'y aura, en revanche, pas de règles communes à l'ensemble du marché européen, ni de dispositif CE, comme l'espérait Philippe Besset dans un premier temps. Après sa mise en place au niveau national, en janvier, le suivi qui sera effectué sur le déploiement des TROD remboursables en officine pourrait, bien sûr, entraîner de nouvelles modifications. Une clause de revoyure pourrait, par exemple, être incluse par l'assurance-maladie, selon le degré de performance du dispositif. On le voit, bien au-delà des questions liées à la rémunération et à la formation des professionnels, l'arrivée des TROD en pharmacie sera comme un nouveau test pour l'officine.
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