Outre que l’on s’ennuierait sans doute beaucoup si l’on se mettait à vivre 200 ans, sans compter les limites biologiques, matérielles et sociales d’une telle évolution, que serait une existence privée de perspective de mort ? Question posée aux experts réunis dans le cadre du Forum européen de bioéthique, qui ont décortiqué les arrière-pensées et les manques qui se cachent derrière les idéologies de « l’homme augmenté ».
Psychanalyste et psychiatre, le Dr Daniel Lemler rappelle que « ces augmentations se rapportent toujours à la performance, et jamais à l’humanité » : ne s’agit-il pas finalement de construire un surhomme sursexualisé, piloté par des algorithmes ? À défaut d’homme nouveau, l’histoire de l’humanité est faite d’appropriation d’outils pour travailler mieux et plus vite, et les robots, loin d’être des mutants, n’en sont que les derniers avatars. Les robots de soins, capables de « s’occuper » de certains patients arriveront bientôt dans les hôpitaux ou les maisons de retraite… et pourraient un jour, selon leurs concepteurs, remettre en question l’avenir de certaines spécialités médicales car, en radiologie par exemple, « un diagnostic informatisé est parfois plus fiable qu’un diagnostic humain ».
Attention toutefois aux conséquences intellectuelles de la robotisation à outrance, s’inquiète le Dr Marc Lévêque, neurochirugien : si l’on rend l’homme obsolète, on finira par atrophier son cerveau, comme le progrès technique a atrophié ses muscles : or le « temps darwinien » nécessaire à la réorientation de l’espèce est beaucoup plus long que le temps informatique…
Les prothèses, cas d'école
Plusieurs débats, dont l’un sur les prothèses, ont à merveille illustré le fossé qui sépare l’image de la réalité. Impressionnés par les performances de quelques grands champions amputés, en premier lieu celles du sprinter aux prothèses en carbone Oscar Pistorius, certains sportifs rêvent déjà d’améliorer leurs scores par de telles innovations… oubliant totalement les innombrables contraintes qu’elles représentent. Les prothèses de Pistorius, explique l’anthropologue Valentine Gourinat, ne sont supportables que pendant un temps très court, et pour un type de course bien précis : le champion en utilise d’autres dans la vie courante et reste totalement handicapé dès qu’il en est privé. De même, rappelle le Dr Serge Picaud (directeur de recherche INSERM, Institut de la Vision), la rétine artificielle permet de rendre une part de vision au patient, mais en aucun cas d’augmenter une vision normale. Enfin, le Dr Hervé Chneiweiss (neurobiologiste et neurologue, laboratoire Neurosciences Paris-Seine) taille en pièces le mythe « new age » du cerveau que l’on « téléchargerait » comme un banal disque dur, rappelant là aussi qu’une intervention cérébrale peut « redonner une capacité, mais en aucun cas une mémoire ».
Au-delà des perspectives futuristes, le développement des prothèses modernes pose aussi la question de l’accès à ces équipements… personne ne le conteste pour les malades, si tant est qu’il puisse être financé dans des conditions équitables, mais d’autres usages révéleront de nouveaux dilemmes. « Donner un exosquelette à un soldat pour qu’il bouge plus vite, plus longtemps et sans fatigue, c’est très bien, tant que c’est un soldat de notre armée, mais est-ce toujours aussi bien quand c’est un soldat du camp adverse ou un terroriste qui en est équipé ? », s’interroge un intervenant.
Santé connectée et confidentialité
Quid enfin, de la santé connectée ? Et, surtout de l’usage fait des données qu’elle permet de recueillir avant même de les exploiter ? le Pr André Grimaldi (diabétologue « engagé ») s’est interrogé sur la qualité de ces data, ainsi que sur les risques de manipulation qu’elles génèrent. Leur conservation pose de nombreux problèmes de confidentialité, et le Pr Israël Nisand, qui préside le Forum européen de bioéthique, redoute un « hacking » à grande échelle d’informations médicales qui se retrouveraient un jour sur un site consultable par tous. Mais il n’est pas nécessaire d’attendre un tel accident pour prendre conscience des failles de la confidentialité : comme le rappelle le Dr Grégoire Moutel, expert en éthique médicale, médecine légale et droit de la santé, « le secret médical et les lois bioéthiques protègent vos données, mais vous autres patients, vous livrez toutes vos informations de santé sur des tchats et des forums en ligne, où n’importe qui peut les collecter, y compris à des fins de marketing ciblé ! »
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