Après avoir marché une vingtaine de minutes dans la forêt épineuse, on tombe sur elle : une famille de quatre personnes, le père, la mère et deux fillettes. Nus, ou quasiment. Assis à même le sol, deux bûches fumantes à leurs pieds. Une famille Mikea. L’âge des enfants ? Les parents ne le savent pas. Les huttes ? Ils n’en possèdent pas et dorment à même le sol. L’eau ? Ils la puisent dans des trous de baobabs. Ils se nourrissent de tubercules et de fruits, de pintades sauvages attrapées au collet et de rares sangliers capturés avec des pièges. Ils parlent un dialecte, le masikoro, font du feu avec du silex et se protègent sous les grands arbres quand il pleut.
Les Mikea, l’une des 18 ethnies de Madagascar, seraient environ 500 dans le sud-ouest malgache. Une partie s’est sédentarisée, une autre refuse ce mode de vie. Certains fuient même tout contact avec les autres hommes. Une rencontre du troisième type…
Bienvenue sur la côte sud-ouest de Madagascar, à 5 heures de minibus au nord de Tulear, dont pas loin de 4 heures sur une piste effroyable. Près de ce littoral vierge au sable blanc poussiéreux, ponctué de villages de pêcheurs aux huttes posées face au lagon du canal de Mozambique, vivent donc les Mikea. Au bout du monde. Deux fois par semaine, un bus ouvert à tous les vents emprunte l’itinéraire infernal avec passagers et marchandises.
Les Vezo des villages, eux, préfèrent la mer aux pistes. Ce peuple pêche (un peu), ramasse les algues (beaucoup) et navigue sous les voiles carrées d’esthétiques pirogues à balancier, une image récurrente tout au long de ce littoral. Sur la plage d’Ambatomilo ou au pied de la dune immaculée d’Andravona, l’échouage des bateaux sous les cris d’enfants joyeux forme des scènes d’une rare photogénie.
C’est là, dans ce décor isolé, qu’a élu domicile le Mikea Lodge, un hébergement responsable qui emploie du personnel local et a même bâti un dispensaire. C’est grâce à lui qu’on peut rencontrer les Mikea. Depuis le lodge, les activités sont limitées mais contribuent à la déconnexion avec le monde réel : baignade, sortie en quad dans les villages ou plongée sous-marine avec le club voisin, Libertalia. Le faible nombre de touristes a préservé jusque-là la faune aquatique.
Baobabs bouteilles…
Tulear est à la croisée de ce sud-ouest malgache. Les touristes profitent en général un jour ou deux de cette ville à l’atmosphère post-coloniale indolente, rythmée par une gigantesque armada de cyclo-pousses circulant avec fluidité dans des rues assoupies.
À Mangily, à une heure de route au nord de Tulear, se trouve la réserve privée Reniala. Sur 60 ha, plus de 800 baobabs y sont soigneusement protégés, au milieu d’une abondante végétation de plantes cactées. La réserve permet à une soixantaine espèces d’oiseaux, dont l’endémique rollier terrestre à longue queue, de vivre en paix. Les baobabs bouteilles, siamois, jumeaux, « amoureux » n’y sont pas aussi spectaculaires que sur la fameuse allée des baobabs de Morondava, mais au moins a-t-on une vision claire de la flore sèche du sud, illustrée par l’incroyable résistance d’un spécimen vieux de 1 200 ans ! La réserve abrite aussi un centre de réhabilitation à la vie sauvage de lémuriens captifs, soutenu par la Fondation Brigitte Bardot.
Décor de far west
À 4 h 30 de route de Tulear, l’historique N7 reliant le sud-ouest à Antananarivo atteint Ranohira, porte d’entrée du parc national de l’Isalo. Le paysage a changé. Une steppe d’herbes hautes a remplacé la savane arborée, sur fond de plateaux arides. La scénographie humaine, elle, est immuable : attelages de zébus, villages de huttes, femmes au masque d’argile, hommes à chapeaux… Des instantanés de vie à observer au village far west d’Ilakaka, où des miséreux s’escriment à creuser la terre pour trouver des saphirs.
L’Isalo est la terre des Bara, ces éleveurs que de mauvaises langues appellent « voleurs de zébus ». C’est surtout un formidable décor de montagnes gréseuses, entaillées de vallons fertiles et de canyons, comme celui de Namaza et ses piscines naturelles. Une terre puissante et vierge, vrai terrain de jeu pour les randonneurs.
Où l’on aperçoit enfin les Maki Kata, ces adorables lémuriens à queue annelée, agiles et facétieux. Un territoire à apprécier sans modération depuis le Satrana Lodge, superbe hébergement posé en pleine nature au pied de falaises rougeoyantes. Le sud-ouest est assurément la face insolite de Madagascar.
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