En Iran, les montagnes culminent à plus de 5 000 m, encerclant un plateau central et un désert salé. Une terre dont le nord se trouve à la latitude de Madrid et le sud à la lisière du tropique du Cancer. En quittant Shiraz, on découvre la route du désert. Elle se déroule vers le Pakistan, à l’est. Un paysage jaunâtre et sablonneux avec des accents ocre. Les deux grands déserts du Kavir et de Lout – du sable, du sel et de la rocaille – s’étalent à l’infini, ponctués de rares oasis.
Dans cet univers désolé, les hommes ont bâti plusieurs centaines de forteresses dont le mimétisme est troublant. Nombre d’entre elles, vaincues par les éléments, s’effondrent doucement. D’autres résistent. Ainsi, au sommet d’une colline dans la province de Kerman, la forteresse de Rayen, la citadelle des anciens dignitaires de Bam, entièrement construite en pierres séchées. Ou le fort de Sar Yazd, récemment inscrit au patrimoine de l’UNESCO, un dédale de terre crue bien restauré.
Avant le séisme du 26 décembre 2003, qui a fait 35 000 morts, la citadelle d’Arg-é-Bam se dressait derrière un petit village aux maisons de torchis, entouré de dattiers, d’orangers, et de citronniers. Bâtie sur une colline par la dynastie Safavide, elle fut occupée jusqu’en 1920 par une petite garnison. Ses remparts servirent de décor pour le film « Le Désert des Tartares » de Valerio Zurlini (1976). Après le drame, la citadelle a été quasiment restaurée – ou plutôt reconstruite – à l’identique.
Les grands ennemis des monuments iraniens sont les tremblements de terre, qui n’épargnent aucune région du pays. Mais les hommes aussi ont largement mis en péril leur patrimoine. Pendant des siècles, les Persans, un peuple de nomades, ont détruit les maisons de leurs parents et de leurs ancêtres pour construire de nouvelles demeures ailleurs. Ils ont anéanti les cités de jadis. À cela, Arabes, Turcs, et Mongols, plus particulièrement, ont apporté leur contribution en rasant des villes entières.
La plus belle ville
Retour à Chiraz. Sur la route, le trafic est intense. On longe des villages simples, quelques bourgs dont les populations vivent d’agriculture malgré la terre aride. Dans cet univers desséché, le mausolée de Cyrus, fondateur de l’empire perse, a été érigé il y a plus de deux millénaires à Pasargades, l’ancienne capitale du souverain achéménide. Un édifice en calcaire dressé au sommet d’un podium à six degrés.
Plus loin, à Naqsh-e Rostam, à flanc de falaise, les tombes cruciformes des rois achéménides, dont Darius le Grand. Nous sommes à une lieue de Persépolis, la ville polychrome des Perses, le plus important et le mieux restauré des sites de la Perse antique. Ici, Artaxerxès II trônait dans la salle des Cent Colonnes parmi ses courtisans à robe pourpre, parés de bijoux d’or. Mais la torche d’Alexandre le Grand effaça ce qui fut le plus beau palais du temps.
Chiraz s’étire au soleil dans une cuvette bordée de montagnes. Ville universitaire et commerçante, elle est réputée pour ses poètes et ses jardins. Il est vrai que, dans la pensée persane, le jardin représente le paradis sur terre. Elle s’enorgueillit aussi d’abriter le tombeau du shah Cheragh, frère du huitième imam des Chiites. À la surface de la coupole, des milliers de petits miroirs rayonnent sur la sépulture du saint. Pourtant, de toutes les mosquées couvertes de porcelaine – et elles sont nombreuses –, André Malraux préférait celle de Vakil, où il s’adonnait à la contemplation des torsades représentant des oiseaux et des feuilles d’acanthe.
« Qui peut prétendre avoir vu la plus belle des villes du monde sans avoir visité Ispahan », disait encore Malraux. Constellée de minarets et de dômes, la ville attira ce que l’Iran comptait d’artistes les plus brillants, rayonnant jusqu’en Europe, en Inde et en Chine. Le cœur de la ville palpite autour de la place Naqshé Djahan (Portrait du Monde), bâtie au début du XVIIe siècle. Derrière les hautes murailles, un enchevêtrement de placettes et de ruelles surmontées par des dômes de briques, des boutiques, des échoppes et des ateliers.
Zayandeh Rud, la rivière vivante, était la nourrice d’Ispahan, l’oasis perdue dont Shah Abbas fit la « Moitié du monde ». Elle vaporisait le parfum très persan de la douceur de vivre. Dans les années 2000, les autorités ont détourné ses eaux pour arroser la région désertique de Yazd. Sur les ponts à double étage (11 au total) de la rivière morte, les orphelins des flots viennent toujours, le soir venu, déguster une glace et rêver.
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