Les Monts d’Arrée sont appelés ici « la Montagne ». Il est vrai que son sommet, le Roc’h Ruz (roc rouge en breton), 385 m, est aussi le point culminant de la Bretagne. Des vallons et de longues crêtes dans un décor rustique. Une petite chapelle a été bâtie sur le mamelon du Mont Saint-Michel de Brasparts. Un vaste marais appelé le Yeun Elez s’étend à ses pieds. C’est le Youdig, une des portes de l’Enfer. Peu d’endroits ont été aussi fréquentés par le Diable. Ces tourbières largement recouvertes par un lac sont considérées depuis des siècles comme le domaine réservé aux âmes errantes des défunts. On raconte même qu’un homme et son attelage y furent entièrement engloutis. Toujours sur cette lande sauvage, un alignement d’une cinquantaine de petits menhirs porte le nom d’An Eured Ven, la noce de pierres. On dit aussi que le tombeau du roi Marc’h se trouve plus au sud sur le flanc du Menez Hom, protégé par un amoncellement de pierres.
La forêt de Huelgoat (littéralement « forêt du haut ») est située au bord d’un lac de 15 hectares et d’une forêt domaniale de 600 ha. C’est la petite sœur de la forêt de Brocéliande. Un immense caprice naturel. Un chaos de rochers gigantesques, de grottes et de ruisseaux excentriques qui serait l’œuvre de Gargantua et dont les noms évoquent des histoires mystérieuses : la Roche tremblante (137 tonnes), la Grotte du diable, le Camp d’Artus ou la Rivière d’argent. Victor Segalen, médecin de marine, écrivain et poète, grand voyageur, est mort accidentellement à 41 ans, le 21 mai 1919, dans la solitude de cette forêt, tenant son Shakespeare à la main, sur un promontoire surplombant un gouffre. D’après une ancienne légende, la princesse Dahut, fille du roi Gradlon, qui menait une vie dissolue dans la ville d’Ys, qu’on situe près de Douarnenez, aimait séjourner sur ce promontoire.
L’île de Tristan, face au port de Douarnenez – on y va à pied à marée basse – cacherait la tombe de Tristan et Iseult sous deux arbres entrelacés. Une autre rumeur affirme que l’île serait la partie émergée de la légendaire ville d’Ys, cité celtique engloutie par l’océan. Prieuré au Moyen Âge, repaire du chef de guerre Guy Eder de la Fontenelle, fortifiée par des dynasties de brigands, d’Anglais et de militaires, l’île, qui abrite un phare et une ancienne usine de sardines, était depuis 1911 la propriété de la famille du poète Jean Richepin, qui en avait fait un jardin exotique. Elle a été rachetée en 1995 par le Conservatoire du littoral.
Kerlouan est sur la côte des Abers, qui offre l’un des plus saisissants paysages maritimes du Finistère : des kilomètres de côtes torturées, une guirlande de criques de sable blanc cernées de pics et de rocs. Kerlouan est la capitale du pays Pagan (en latin, paganus signifie paysan). Les Pagans vivaient de tout ce que leur offraient la terre et la mer. Ils n’hésitaient à user du droit de bris. Comme il y avait un mariage, lors du naufrage sur les rochers d’Ouessant en 1903 du « Vesper », un bateau chargé de vin, on mit deux fûts en perce, et le soir toute la noce était ivre. Près de la côte, inséré dans un éboulis de roches granitiques, Meneham est un hameau de Kerlouan où vécurent des militaires, des douaniers, des paysans-pêcheurs et des goémoniers. Les chaumières abandonnées dans les années 1950 ont été restaurées. La nuit venue, des conteurs viennent faire revivre dans ce décor inquiétant la belle histoire des korrigans et des farfadets pour qui c’est l’heure de se lever, de courir les rivages et d’effrayer les passants.
La Pointe du Raz est le symbole d’une force minérale battu par les gerbes blanches de l’océan. Dans les années 1880, Sarah Bernhardt qui aimait les tempêtes avait cherché une villégiature estivale sur cette pointe. En mémoire de ce séjour, une anfractuosité naturelle dans la roche a été baptisée le « fauteuil de Sarah Bernhardt ». Finalement, l’actrice s’est installée à Belle-Île. Même émotion chez Anatole France, qui écrit : « Devant nous, l’océan où le soleil se couche dans un lit de flammes, étend au loin la nappe magnifique de ses eaux, que déchirent çà et là les rochers noirs. » À l’entrée de cette immense saillie qui avance dans la mer d’Iroise, le granit remplace la lande verdoyante. Un chemin de chèvre mène au bout du monde. En face, le phare carré de la Vieille et, plus loin, l’île de Sein et ses mystères.
Ici, des légendes qui remontent à la nuit des temps. Depuis la baie des Trépassés – les courants y ramenaient souvent les noyés –, les tribus celtes embarquaient les corps des druides pour les conduire à leur sépulture sur l’île de Sein, lieu sacré de la mythologie celte. Chaque année, le jour des Morts, tous les noyés reviennent sur terre et appellent ceux qu’ils ont aimés. Il y a aussi les Krierien, êtres fantomatiques parcourant la solitude de la mer : des crieurs, allant par file de sept à la surface des vagues, leurs cirés ruisselants d’embruns. Sur cette pointe, saint Guénolé, qui envisageait de construire un pont entre le Bec du Raz et l’île de Sein, afin de permettre des voyages moins dangereux par mauvais temps, rencontra le Diable et le précipita en bas de la falaise. À cet endroit, les sceptiques peuvent encore voir la Cheminée du Diable.
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