En Europe, le Salvador garde l’image d’un pays instable, considéré comme « dangereux ». La faute à une guerre civile fratricide qui a mis le pays à feu et à sang pendant plus de dix ans. Mais c’était au XXe siècle, et la paix entre l’État et les guérilleros a été signée il y a déjà 25 ans, en 1992. Certes, le Salvador est encore une nation inégalitaire, soumise ici et là à la violence des maras, gangs qui mettent en coupe réglée certains quartiers urbains. Sauf que les touristes ne sont pas concernés par ces troubles.
Le pays à mieux à montrer que les images déstabilisantes d’une nation encore boiteuse. La preuve avec San Salvador, la capitale. Un chantier à ciel ouvert. Places et rues en travaux, monuments en restauration…, la ville se refait une beauté pour mieux séduire les visiteurs et capter sa part de tourisme. Un site résume à lui seul les tourments traversés et désormais valorisés : la cathédrale métropolitaine, à la façade blanche conquérante. Reconstruite en 1999, elle abrite, face au Palais National, la tombe de Mgr Romero, défenseur des droits de l’homme, artisan de la paix, assassiné en 1980. Le peuple salvadorien lui voue un culte indéfectible.
Oublions ces temps agités pour mettre le cap sur le pays profond, melting-pot de chaînes montagneuses, de volcans, de lacs et de côtes basses égrenées le long du Pacifique. Suchitoto, au centre-nord, plantée au-dessus du lac Suchitlán. Une révélation coloniale.
L’accueil de la population est désinvolte, souriant, désintéressé. Avec ses maisons basses colorées aux peintures éclatantes ou décaties, ses rues en damier aux pavés envahis d’herbe, son église immaculée et son atmosphère lourde avant l’orage, la ville exhale un charme puissant. Devant les restaurants, de jeunes femmes tournent et retournent sur des grils les pupusas, ces galettes de maïs frites que l’on mange à toute heure. Un atelier d’indigo, Pájaro Flor, triture cette plante tinctoriale malodorante connue depuis les Mayas, confectionnant des tissus d’un bleu profond. Des hommes rentrent des champs, machettes à l’épaule. Les femmes déambulent calmement dans les rues, parapluie en alerte. Et les tuks-tuks sont aux aguets, pistant le client avant la tourmente. Quand la pluie s’abat soudainement, comme presque chaque après-midi, elle transforme les rues en torrent.
L’ouest du pays, celui des montagnes, est à l’unisson. La route grimpe sur les pentes du volcan Santa Ana, révélant le vert intense des plantations de café. Arrêt dans une finca où pousse le célèbre pacamara, la variété haut de gamme de l’arabica salvadorien. Plus loin, voici El Carmen, une empresa artisanale de torréfaction.
Plus haut en montagne, le ciel vire au gris tropical. Après le déluge, le village paysan de Conceptión de Ataco, luit, lavé, essoré, comme neuf. Cela exalte les devantures colorées des échoppes, le bleu et blanc de l’église catholique, tandis que les vendeurs ambulants découvrent prudemment les bassines emplies de légumes. Village isolé, encore peu touristique. Un concentré d’Amérique centrale.
Au pied des volcans
Ici, la vie bat au pied des volcans, comme le démontre l’excursion au lac Coatepeque, sous le cratère de l’inquiétant Santa Ana, nommé aussi, en maya, Ilamatepec. Autour de ce vaste lagon d’altitude, cerclé de versants boisés, des restaurants et des hébergements récents promettent des vues inoubliables sur le bleu lacustre, dominé par l’arête régulière du volcan.
Le Salvador n’a pas oublié ses lointaines origines. Près de Santa Ana (deuxième ville du pays) et de sa cathédrale néogothique entourée d’un théâtre et d’un hôtel de ville néoclassiques de belle facture, la pyramide de Tazumal rappelle la présence de la civilisation précolombienne. Ici, l’architecture maya se mêle à celle, mexicaine, de Teotihuacán, livrant un ensemble imposant mais par trop remanié.
Plus intéressant est le site de Joya de Cerén, le Pompéi du Salvador. Protégé par plusieurs couches de cendres volcaniques, un village maya, avec ses maisons d’artisans et de commerces, ses lieux de sociabilité… Un témoignage singulier dans ce pays méconnu, désormais candidat à l’ouverture touristique.
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