Il existe encore des contes de fées. Pierre Pagès, pharmacien et rugbyman, vous le dira. À 28 ans, sa vie semblait pourtant toute tracée : adjoint dans une pharmacie de Balma, en banlieue toulousaine, il envisageait une thèse bibliographique sur les neurodégénérescences, et la poursuite de sa carrière de demi de mêlée dans le club amateur de Blagnac (Fédérale 1).
Mais d’un coup, tout a changé. À la baguette magique, Ugo Mola, entraîneur du Stade Toulousain. « Quand il m’a dit son nom, j’ai raccroché, croyant à une blague d’un copain », se souvient Pierre Pagès. Ce n’est pas une blague, mais son premier contrat pro que lui propose l’entraîneur toulousain ! Et le voilà embarqué dans une nouvelle vie où il doit, encore, arbitrer entre rugby et pharmacie.
Pour Pierre Pagès, tout a commencé à Cazères (Haute-Garonne) où il passe son enfance entre la pharmacie paternelle et les terrains de rugby. Comme papa, il est demi de mêlée. Doué, il est vite détecté par le Stade Toulousain et rejoint la ville rose où il habite chez sa grand-mère, pendant ses années lycée et rugby.
Après le bac, il s’inscrit en IUT de génie mécanique, mais cela ne lui plaît pas. Un ami lui conseille de le rejoindre en pharma, sa mère l’y encourage. Il abandonne la mécanique pour la pharmacie. Là, il choisit de privilégier les études : « C’est compliqué de mener de front études et rugby, explique-t-il. Je suivais les entraînements, mais ne pouvais faire toute la préparation physique. » Aussi, alors que certains de ses collègues rugbymen rejoignent les clubs du Top 14, lui ne joue qu’en Pro D2 à Albi.
La convivialité du PORC
Il joue ensuite à Blagnac en Fédérale 1, tout en faisant son stage dans une officine de la ville, puis il rejoint une pharmacie de Balma dont le titulaire adapte son planning à ses horaires d’entraînement. Pierre Pagès joue aussi en équipe de France universitaire et avec le PORC (Pharmaciens Occitans Rugby Club), une équipe de pharmaciens qui joue en maillots roses et pratique sans modération la convivialité des 3e mi-temps. « Vous voyez, même en privilégiant les études, le rugby a toujours eu une place importante dans ma vie. Ma copine vous le dira… » plaisante-t-il.
Il s’apprête à poursuivre cette double vie sans histoire quand survient le coup de fil d’Ugo Mola. Pour pallier la blessure d’Antoine Dupont, demi de mêlée international, l’entraîneur lui propose un contrat pro de joker médical, pour une saison.
À 28 ans Pierre Pagès débarque en Top 14 ! Un rêve, mais aussi une récompense pour cet homme dont ses entraîneurs ont toujours loué le travail, le courage et l’abnégation. « Je ne remercierai jamais assez mon entraîneur Christophe Deylaud qui m’a recommandé » indique-t-il, encore ému de ce tournant inattendu dans sa carrière.
Et le rêve continue : Toulouse décroche le titre de champion de France. Même s’il n’est pas de la finale, Pierre Pagès a joué 13 matchs de Top 14, dont 3 comme titulaire et marqué un essai. Et le club toulousain lui renouvelle sa confiance pour la saison 2019-2020. Si on lui demande son niveau de salaire de rugbyman pro, il n’élude pas la question : « Pour être honnête… un peu plus qu’un adjoint d’officine non thésé. »
Une thèse de pharmacie très… rugby
Comblé sur le terrain, voilà que sa rencontre avec le médecin du Stade Toulousain lui ouvre des perspectives vers un nouveau sujet de thèse très… rugby : « optimisation de la composition corporelle à travers la dépense d’énergie et la diététique adaptée ».
« Ce sont des notions importantes pour améliorer la performance, mais difficiles à mesurer car, malgré la diététique sportive, les rugbymen demeurent des bons vivants… », indique le jeune pharmacien qui a recruté quatre joueurs (dont lui-même) pour servir de cobayes à ses recherches. Soutenue par le MEDES* et le CNES, sa thèse devrait l’amener à élaborer des techniques pour quantifier les dépenses d’énergie en mouvement, en isométrie (statique) et le métabolisme de base.
Son avenir professionnel ? Pierre Pagès l’a un peu mis entre parenthèses : « J’ai envie de continuer le rugby tant que je peux. Côté pharmacie, la recherche me plairait, mais je n’ai pas fait le bon cursus (pas d’internat). Une officine ? Pourquoi pas, un jour… J’apprécie les nouvelles missions du pharmacien. Celles qui n’entrent pas en concurrence avec les médecins ou les infirmières, contribuent à changer la vision des patients sur notre métier, améliorer notre image. Même si ceux qui pensent que le pharmacien est un vendeur de boîtes sont ceux qui ne viennent en officine que pour de la bobologie. Ceux qui ont une pathologie sérieuse, comme le diabète par exemple, savent depuis longtemps que nous sommes des professionnels de santé à part entière. »
* MEDES (Institut de Médecine et de Physiologie Spatiale) et CNES (Centre National d’Études Spatiales) s’intéressent ici à l’étude des éléments qui peuvent influer sur les pertes de masses musculaires constatées chez les astronautes après de longs séjours dans l’espace.
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