« Née dans une famille de tradition protestante, je suis très attachée à des valeurs comme le service, le civisme, la démocratie… explique Christine Salavert-Grizet, pharmacienne à Angoulins-sur-Mer (Charente-Maritime). Je crois aux petits pas, aux réformes plus qu’aux révolutions, aux petites choses qui deviennent de grandes choses. » Une ligne de conduite citoyenne qui a guidé sa carrière.
Girondine de Sainte-Foy-la-Grande, Christine Salavert-Grizet est une bonne élève, douée en maths et en allemand. Elle s’inscrit à maths sup, mais cela ne lui convient pas : « Je n’étais pas faite pour devenir l’élite de la nation », dit-elle. Elle se veut infirmière, mais ses parents, pharmaciens biologistes, l’en découragent : « Tu vas passer ta vie à te faire botter le derrière par les médecins ! » Alors, elle s’inscrit en fac de pharmacie à Bordeaux, « un milieu fermé, pas rigolo… », se souvient-elle.
En 1986, à la fin de ses études, elle se prépare à intégrer le laboratoire familial, mais bifurque et rejoint la pharmacie de la clinique Bagatelle à Talence. Elle épouse un pharmacien de La Rochelle, donne naissance à 3 enfants et « comme un Rochelais ne quitte jamais son pays, explique-t-elle, c’est moi qui suis venue ! » Elle exerce donc dans plusieurs cliniques rochelaises, avant de racheter, en 2 000, la pharmacie d’Angoulins-sur-Mer, petit bourg de 4 000 habitants en périphérie de La Rochelle. Elle la rebaptise Pharmacie des coquillages et, en 2005, son mari quitte son officine du centre-ville de Rochelle, pour la rejoindre. « Moi qui disais que je n’épouserais pas un pharmacien et ne travaillerais jamais avec mon mari ! », ironise-t-elle.
Mère et professionnelle de santé
Très vite, elle s’engage : « Le syndicat est venu me chercher, car j’étais déjà impliquée dans la formation et je connaissais tous mes confrères. » Elle gravit les échelons de la FSPF Poitou-Charentes. Féministe dans l’âme, elle râle contre sa fonction de secrétaire : « C’est toujours le poste qu’on confie à une femme ! » On lui donne le titre de coprésidente. Élue à l’URPS, elle travaille en bonne intelligence avec le président USPO. En 2015, elle devient secrétaire… générale de l’URPS Nouvelle-Aquitaine. « J’apprécie la confraternité du syndicat, sa capacité à faire avancer les choses, tant pour l’officine que pour les patients, précise-t-elle, car je suis à la fois professionnelle de santé et maman de deux fils atteints de maladies chroniques (1). »
En effet, pendant des années, Christine Salavert-Grizet doit organiser son temps pour accompagner ses fils, sans négliger son officine. Elle apprend à déléguer, organiser, se coordonner avec son équipe, son mari, oublier le temps libre, les vacances…
Cela ne l’empêche pas d’innover. Dès le début, elle installe un automate, s’investit dans les génériques, puis la PDA pour les deux EHPAD voisins… Plus tard, elle confie à l’un de ses fils immobilisé la création de son site Internet. « J’aime expérimenter, indique-t-elle. J’avais envie de savoir ce qu’était le Net. » Ses ventes s’y développent (20 colis/jour) en France et en Europe (25 %) jusqu’à atteindre 10 % du chiffre d’affaires de son officine qui emploie 13 personnes (2).
Récemment, elle se lance dans un projet de maison de santé pour réunir les professionnels de la commune, attirer de nouveaux médecins généralistes, faire de l’éducation thérapeutique pour patients chroniques, de la télémédecine…
Vidéo et féminisme
Des idées et des passions… Dernière en date : la vidéo. « Après avoir participé comme « actrice » à des vidéos e-learning pour l’UTIP, j’ai eu envie de passer de l’autre côté », explique-t-elle. Elle fait un stage pour apprendre à filmer avec son smartphone. C’est alors que, au hasard des réunions de l'URPS, elle rencontre une pharmacienne qui lui raconte son calvaire de femme battue. Christine Salavert-Grizet la filme dans un documentaire poignant de 7 minutes qu’elle présente à l’ARS et à l’URPS… pour sensibiliser au drame de la violence conjugale.
Et la voilà partie pour réaliser une série de portraits de femmes. C’est cette fibre féministe qui lui fait arpenter la région depuis des années, pour amener des pharmaciennes dans les instances syndicales : « Ces femmes cumulent les responsabilités de l’officine, de la maison, des enfants, et sont rarement libres pour les réunions. Mais je leur dis : « on est en train de changer la profession, donne ton avis, sinon il n’y aura que des hommes qui vont parler. » En vingt ans, je perçois quelques progrès : nous sommes passées de 10 à 30 % de femmes. Et les hommes nous parlent de façon plus correcte. »
Pleinement engagée dans les nouvelles missions de l’officine, Christine Salavert-Grizet croit à l’interprofessionnalité, à la participation du patient et aux technologies : « Demain, elles feront les corvées de l’officine et nous permettront de nous consacrer à l’accompagnement du patient. Comme l’automate nous permet aujourd’hui de parler ordonnance ou pathologie avec le patient, plutôt que le laisser seul pour aller chercher des boîtes. Quant au remplacement du pharmacien par des robots ou les grandes surfaces ? Je n’y crois pas, car quand je vends des boîtes sur Net, je fais mieux que Leclerc. »
Aujourd’hui, ses enfants vont mieux et Christine Salavert-Grizet entend donner le temps reconquis à la profession. Sans oublier de prendre enfin de vraies vacances et quelques moments de détente : balades avec ses chiens, lecture, expositions ou pêche à la crevette avec son mari. Ils viennent d’ailleurs d’acheter un carrelet (3) au bord de l’océan.
(1) Épilepsie et Spondylarthrite ankylosante. « La SPA provoque de grandes souffrances (céphalées) et a nécessité 10 ans pour être diagnostiquée, explique Christine Salavert-Grizet. Le pire, c’est qu’il faut un an pour avoir le premier rendez-vous hospitalier obligatoire pour la délivrance du traitement. C’est terrible d’être obligé de souffrir une année pour rien, alors que l’on sait vous soigner. »
(2) 3 pharmaciens, 5 préparateurs, 2 apprentis, 2 femmes de ménage, 1 comptable.
(3) Filet de pêche carré tendu sur une armature plane et descendu horizontalement au moyen d’un treuil depuis un ponton sur l’océan.
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