À 34 ans, le seul pharmacien de Bugeat (nord Corrèze, 800 habitants) sort volontiers des sentiers battus habituellement par sa profession. Établi depuis 2016 dans son officine de ce bourg très rural, il veille avec ses 4 employés au mieux-être de ses concitoyens, tout en observant d’un œil critique le fonctionnement d’un service de santé dont il souhaiterait la révision. Pour Antoine Prioux, tout serait à revoir, en tenant compte de l’éthique, du social et des outils numériques de notre temps, afin d’optimiser les services que peut apporter à la communauté un métier qui le passionne.
Ses solutions sont novatrices : rémunérer autrement les pharmaciens, qu’il transformerait en « gardien des poisons » en tenant compte non pas des boîtes de médicaments vendues mais plutôt de celles qui sont restées dans les rayons, par des actions de prévention par exemple. Repenser intégralement le système économique pharmaceutique, sur des bases nouvelles, et faire du territoire de l’officine une sorte d’oasis médicale, en s’appuyant sur une collaboration interprofessionnelle des acteurs des services de santé. Autres idées, dégager du temps sur le travail officinal pour des services à haute valeur ajoutée, promouvoir la recherche et l’intelligence collective au sein d’un réseau pluriprofessionnel, réunir les pharmaciens en coopérative de territoire, développer une plateforme numérique collaborative. Certaines de ces initiatives sont d’ailleurs déjà en cours de réalisation, entre Sornac et Royère-de-Vassivière, à la jonction de la Creuse et de la Corrèze, sur un plateau qui ne recense que 12 habitants au km2.
Des ambitions et des moyens
Il s’agit de transformer toute une profession, en faisant plus avec moins, mieux et plus vite, avec les outils déjà en place et ceux à inventer. « Est aujourd’hui utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant, martèle Antoine Prioux. Nous devons redéfinir l’intérêt collectif, au sein du bien commun, sortir du déni, accepter que l’indépendance individuelle est une chimère… repenser les modèles économiques sur des bases éthiques, sociales et solidaires. »
Des pensées (r)évolutionnaires qui auraient connu une écoute attentive (ARS, CPAM, ministère). Sur son terrain - le plateau de Millevaches - une organisation se dessine, entre médecins, infirmiers, kinés, et autres pros, réunis dans un « Pôle de Santé » éponyme, d’où est banni tout esprit concurrentiel. Un projet est lancé, la réunion des cinq pharmacies du secteur, en une sorte de coopérative dans laquelle elles apporteraient chacune leur spécialité (maintien à domicile, ortho, numérique, etc.).
Pour concrétiser l’idée, le pharmacien de Bugeat lance le projet « P4Pillon », plateforme associative de recherche en soins primaires, investiguant les champs de l’innovation organisationnelle, des pratiques professionnelles et de l’usage des outils numériques, qui d’ores et déjà permettent aux professionnels de santé locaux de rester connectés en permanence. L’idée est de faire gagner du temps à tout le monde sans perdre en qualité de prise en charge par une approche clinique et prédictive des parcours de soins pharmaceutiques.
« Les applications sont multiples, assure l’innovateur, cela permettrait d’élaborer une stratégie de gestion du risque en santé communautaire sur un territoire défini, mais aussi de créer un système d’entraide résilient pour les pros de santé… applicable aussi demain à l’échelon des CPTS. »
À la croisée de la Creuse et de la Corrèze, la révolution pharmaceutique est en marche.
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