Avec son masque et ses gants verts, le vengeur pharmasqué fut créé en 2018. L'idée originelle de son créateur, celle d'un pharmacien antihéros un peu borderline, servant d'exutoire au lecteur rêvant de se lâcher un peu sur les patients pénibles. « Au début, il était un peu le pharmacien qu'on voudrait être, mais qu'on n’a pas le droit d'être », explique Al Mi.
Un masque qui n'est pas là par hasard : « Scott McCloud* disait que moins l’apparence graphique du personnage est réaliste et détaillée, plus le lecteur s'identifie à lui », précise Al Mi, dont la culture BD n'a rien à envier à ses connaissances pharmaceutiques.
Unir travail et passion
Derrière le pseudonyme, se trouve Allan Mimouni, un pharmacien adjoint de 38 ans qui officie en région parisienne et a longtemps hésité entre une carrière dans la bande dessinée et la pharmacie. S'il a choisi la seconde, il n'a donc pas oublié la première. En effet, en 2010, c'est sous la forme d'une bande dessinée qu'il a présenté sa thèse d'exercice, qui portait sur la drépanocytose. « J'ai appris en pratiquant sur le tas pendant tout mon cursus, en dessinant en marge des cahiers et des cours. J'ai également suivi une formation illustration/narration avec la mairie de Paris, qui m'a beaucoup aidé », confie l'artiste pharmacien, qui a toujours cherché à associer pharmacie et illustration.
Plus que raconter, interagir
La chance d'inscrire cette démarche dans un projet pérenne lui tend les bras lorsqu'en 2018, un de ses amis, le fondateur du très connu groupe Facebook « tu sais que tu es pharmacien », lui propose de faire un dessin d'illustration humoristique en lien avec la pharmacie, sur le sujet qui l’intéresse. Les réactions, très nombreuses, font l’effet d’un déclic, et encouragent l’artiste à en produire un deuxième, puis un troisième… construisant petit à petit sa communauté, et aboutissant sur la création de sa propre page, « Al MI, la vie en pharmacie », qui compte aujourd'hui 22 000 fans sur Facebook, et environ 7 300 sur Instagram.
« Ce qui me motive, c'est de voir les collègues réagir à ce dessin, et surtout interagir avec eux. Le but, c'est aussi de créer un lien entre professionnels de l'officine, qui se reconnaissent dans les anecdotes relatées et partagent les mêmes préoccupations, espoirs et inquiétudes liées aux actualités, explique Al Mi. C'est l'humain qui m'intéresse. »
Garder le ton juste
Si ses dessins sont marqués par l'humour, Al Mi se refuse de tomber dans le cynisme, pourtant très facile. « J'aime me moquer, mais il faut rester bienveillant, car nous parlons de maladie et de nos patients. Il faut savoir ne pas franchir certaines lignes. Après, c'est aussi parce que nous traitons de sujets graves, et que nous traversons des périodes difficiles comme le Covid, que tourner les choses en dérision et rire de certaines situations nous permet de tenir le coup. »
L'autodérision en fait partie, puisqu'Al Mi est également associé avec le groupement iPharm depuis 2022, réalisant chaque mois une BD sur un thème différent. « Dans ces derniers, je taquine plus le pharmacien que le patient, ce qui est très amusant ! »
L'artiste pharmacien collabore aujourd'hui avec plusieurs entreprises et laboratoires pharmaceutiques, afin d'utiliser l'illustration comme vecteur de messages de santé « J’aimerais en faire un peu plus, pour passer moins de temps au comptoir et plus de temps à dessiner… Mais sans en faire trop non plus. C’est important de garder une certaine distance et indépendance pour rester critique et satyrique sur cet univers. » Et peut-être, dans le futur, passer à l'édition. Qu’il s’agisse d’un recueil de ses dessins existants ou une bande dessinée dans l’univers de la santé, rien n’est encore décidé. Peu importe le sujet, une chose est sûre : « Je veux proposer un ouvrage qui, comme mes dessins sur les réseaux sociaux, soit quelque chose que l'on a envie de partager, de commenter, qui fasse rire, sourire et réfléchir ! »
* Une référence de la bande dessinée américaine.
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