Humeur

Voyage vers l'enfer

Publié le 20/03/2020

Voter ou se promener ? Se protéger ou se goinfrer ? Essayer le civisme ou stocker un peu de tout, y compris de l'essence dont personne ne risque de manquer ? Nous n'avons pas vu nos concitoyens, cette semaine, donner l'exemple et se conduire avec l'héroïsme ordinaire qu'exige une crise exceptionnelle. Il y a, depuis quelques jours, une ambiance apocalyptique favorisée par la normalité des comportements. Tirer avantage d'un peu de beau temps pour flâner en groupe, bien que rien ne l'autorise, ou acheter des denrées dont nous ne manquons pas, ou défier un virus dont pourtant personne ne sait rien sinon qu'il provoque une pandémie, avec ses victimes, malades ou morts. Pendant ce temps, des soignants à bout de souffle ne savent plus comment gérer la foule des patients dans les hôpitaux, les commerçants ne savent plus comment reconstituer leurs stocks, la demande croît tandis que s'arrête la production et l'égoïsme finit par l'emporter sur l'altruisme. Peu importe si les autres sont privés de ce que j'ai accumulé, peu importe si en me comportant de la sorte, je dessers ce qui devrait être une cause commune, le calme plutôt que la panique, la sérénité plutôt que l'effervescence, le sort des autres plutôt que le mien. Quand des gens ne respectent plus les règles, ils ouvrent la porte à l'arbitraire et ne sont redevenus normaux que lorsqu'on le leur a ordonné.    

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3588