FATIGUE, céphalées, nausées, vertiges, dyspnée, anorexie : le mal des montagnes intrigua dès le XVIIIe siècle des esprits qui ne manquèrent guère d’imagination pour l’expliquer ! Ainsi, pour le médecin suisse Albrecht von Haller (1708-1777), c’était la raréfaction de l’air qui, en diminuant la pression sur le corps, induisait une vasodilatation accompagnée de troubles circulatoires. Des physiologistes invoquèrent une dilatation gazeuse du colon qui, en repoussant le diaphragme, entravait la respiration. Froid, humidité, insolation furent suspectés…
Au début du XIXe siècle, la respiration semblait résumée à un échange tissulaire entre gaz carbonique et oxygène. C’est au milieu du siècle que le physicien Emile-Jacques Fernet (1829-1905) comprit que l’oxygène était fixé dans le sang par ce qu’il qualifia d’« affinité chimique », dans une proportion qu’il tint pour indépendante de la pression d’oxygène atmosphérique. En 1863, un médecin français, Denis Jourdanet (1815-1892), alors qu’il stationnait sur les hauts plateaux du Mexique, établit un lien de causalité entre l’essoufflement, les maux de tête et les palpitations cardiaques décrits par les voyageurs en montagne et une défaillance dans l’oxygénation tissulaire, fondant la théorie de l’« hypoxie d’altitude » que confirma expérimentalement le physiologiste Paul Bert (1833-1886). Quatre ans plus tard, en 1867, le physiologiste allemand Ernst-Felix Hoppe-Seyler (1825-1895) montra que l’hémoglobine des globules rouges fixait puis relâchait l’oxygène.
L’un des premiers médicaments recombinants.
Autre médecin explorateur : en 1889, un universitaire de Bordeaux, le physiologiste Francois-Gilbert Viault (1849-1919) qui séjournait au Pérou montra que l’altitude induisait une production immédiate et accrue de globules rouges, en la mesurant sur son propre sang et sur celui de ses compagnons. En 1906, Clotilde Deflandre, une étudiante soutenant une thèse de médecine dirigée par Paul Carnot (1869-1957), mena une brillante expérimentation : elle induisit une réticulose chez un lapin en lui injectant du plasma d’un autre lapin anémié car soumis à hémorragie. Cette observation suggéra l’existence d’une substance circulante stimulant la production de globules rouges : elle l’appela « hémopoïétine » mais ne put l’isoler.
Ces travaux furent confirmés par de nombreuses équipes : en 1948, Eva Bonsdorff et Eeva Jalavisto (Helsinki) donnèrent à cette substance mystérieuse le nom que nous lui connaissons : érythropoïétine (EPO). L’Américain Kurt R. Reissman confirma définitivement la stimulation endogène de l’érythropoïèse par l’EPO. Ses collègues, les physiologistes Leon Orris Jacobson (1911-1992) et Eugen Goldwasser (1922-2010) en localisèrent la production au niveau du rein (1957) puis du foie mais il fallut attendre encore vingt ans avant que l’hormone soit purifiée. Le génie génétique permit sa production en masse dès les années 1980 : l’EPO devint ainsi l’un des premiers médicaments recombinants, il y a aujourd’hui presque un quart de siècle !
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