QUAND a lieu la découverte qui présidera à la formulation d’Ultra-Levure, la recherche en microbiologie liée à ce que l’on nommera par la suite le microbiote intestinal, a déjà fait quelques pas de géant. À la manœuvre, on trouve notamment Élie Metchnikoff, biologiste d’origine russe, qui jette les bases des théories futures sur l’effet probiotique en affirmant qu’il est possible de modifier la flore intestinale par l’introduction de « microbes utiles ». L’idée du rôle positif que pourraient jouer certaines bactéries dans la protection du système digestif a également effleuré Henry Tissier, qui identifie la présence des bifidobactéries dans les selles de bébés allaités et précise leur mode d’action. Pourtant, quand Henri Boulard entre en scène, quelques années plus tard, il n’est pas question de bactéries. Certes le champ de la recherche est identique - intérêt des germes dans la modulation de la flore intestinale - mais l’objet d’investigation diffère. Car c’est à une levure que le microbiologiste français s’intéresse. En cette année 1923, il se trouve en Indochine et observe les habitudes de soin et les traitements utilisés par les populations locales. Pour soigner la diarrhée, celles-ci ont recours à des décoctions d’écorces de litchis et de mangoustans. Henri Boulard ne tarde pas à étudier la mixture de plus près et isole, en son sein, une levure du genre Saccharomyces (utilisatrice de sucres), à laquelle il donne son nom, boulardii. La découverte est de taille car la souche va révéler des propriétés étonnantes. Et, tout d’abord, celle de rester vivante lors de son transit dans l’intestin. La levure supporte en effet des températures élevées - elle se développe idéalement à 37 °C comme dans l’organisme humain - et bien supérieures à celles que peuvent supporter les levures de brasserie ou de panification, d’où son nom de marque Ultra-Levure. Elle est aussi en mesure, sans en être affectée, de faire face aux changements de conditions des différents milieux qu’elle traverse. Des atouts majeurs quand on sait combien de stress locaux - enzymes, sels biliaires, acides organiques, variations de pH et de températures - peuvent affronter les micro-organismes qui voyagent dans le système digestif.
Unique principe actif.
Saccharomyces boulardii, pour autant, ne s’en tient pas là. Car la levure a de nombreux impacts sur l’écosystème intestinal, participant à l’effet barrière du microbiote intestinal en empêchant les bactéries pathogènes de s’y développer. En cela, elle est aidée par sa taille. Dix fois supérieure à celle d’une bactérie, elle exerce une défense plus efficace contre les agents pathogènes que celle assurée par cette dernière. En outre, elle stimule l’immunité locale (augmentation des IgA sécrétoires et du composant sécrétoire de l’intestin grêle) et la production d’un certain nombre d’enzymes digestives, notamment les disaccharidases dont la lactase et la saccharase (d’où le nom Saccharomyces).
En 1953, tout ou partie de ces propriétés interpellent deux hommes, Michel Hublot et François Vallet, respectivement pharmacien et juriste, qui font l’acquisition du brevet protégeant la découverte de Henri Boulard. Dans le même temps, ils fondent le Laboratoire Biocodex et font construire à Beauvais l’usine de pointe qui sera chargée de biosynthétiser la souche originelle de Saccharomyces boulardii. La levure va constituer l’unique principe actif d’Ultra-Levure, qui sera tout d’abord présenté sous des formes diverses, ampoules buvables, crème topique et même poire gynécologique ! Il faut attendre 1961 pour que la formule sous forme de gélule soit enregistrée en tant que médicament par le ministère de la Santé. Son indication est le traitement symptomatique d’appoint de la diarrhée en complément de la réhydratation. Un an plus tard, c’est le procédé exclusif de lyophilisation dont bénéficie Ultra-Levure, qui fait l’objet d’un dépôt de brevet. L’opération qui assure la bonne conservation de la levure à température ambiante et garantit un taux optimal de cellules vivantes après remise en solution, requiert en effet l’utilisation d’un matériel de pointe. Celui-ci permet aujourd’hui de produire plus de 150 tonnes de levure lyophilisée par an, à destination du monde entier.
Pour la France, Ultra-Levure est décliné sous la forme de gélules de 50 mg et 200 mg, ainsi qu’en sachets aromatisés de 100 mg, bien adaptés à une administration à l’enfant. Ultra-Levure n’a cependant pas attendu le troisième millénaire pour conquérir son public. Seul médicament dont le principe actif est la levure Saccharomyces boulardii, il est prescrit par les médecins et conseillé par les pharmaciens de longue date car il a montré son efficacité dans le traitement du déséquilibre du microbiote intestinal associé à toute diarrhée.
Promesses thérapeutiques.
Le médicament ne s’en tient cependant pas là. En 1987, ses propriétés dans la prévention de la diarrhée associée aux antibiotiques sont confirmées par des données cliniques venues des États-Unis (elles sont aussi démontrées dans le traitement des infections intestinales récidivantes à Clostridium difficile). Pleine de ressources, la souche Saccharomyces boulardii - l’un des micro-organismes probiotiques les plus étudiés avec plus de 400 publications internationales répertoriées dans la base Pubmed - montre en effet une résistance naturelle aux antibiotiques. C’est un atout majeur si l’on considère le problème de santé publique que pose l’adaptation croissante des agents pathogènes aux traitements antimicrobiens. Un effet délétère auquel certaines bactéries lactiques pourraient contribuer, jouant le rôle de réservoir de gênes résistant aux antibiotiques (tétracycline, érythromycine, vancomycine). Avec la menace de voir transférer ce potentiel protecteur à des agents pathogènes, renforçant leur résistance aux traitements. Ce risque est absent chez Saccharomyces boulardii car le transfert de matériel génétique n’existe pas entre bactérie et levure. Un argument de poids en faveur de l’utilisation d’Ultra-Levure chez les patients traités par antibiotiques. Il porte aussi auprès d’autres profils puisque le médicament est aujourd’hui à l’œuvre, chez 50 millions de personnes par an et dans plus de cent pays, en tant que traitement préventif et curatif de la diarrhée.
Un leadership que Biocodex entend bien développer, en renforçant sa présence au niveau mondial par le biais de partenariats commerciaux forts et productifs, d’une part. D’autre part, en conservant un haut niveau de qualité et de sécurité dans la production, comme en témoigne le lancement, l’an passé, du conditionnement blister alu-alu tri couches assurant à la levure une stabilité optimale ainsi qu’une protection maximale lors d’une utilisation nomade. Enfin, le laboratoire entend poursuivre l’exploration des ressources médicales que présente Saccharomyces boulardii au moyen d’une collaboration étroite avec la communauté scientifique et les professionnels de santé, ce qu’illustre bien la création, en 2010, de la bourse de recherche Biocodex sur le microbiote intestinal et les pathologies digestives. Un objectif de première importance si l’on considère les secrets que cache encore la fameuse levure.
En attendant que se produisent ces prometteuses découvertes, Ultra-Levure se contente de rester le premier médicament probiotique vendu dans le monde. En toute simplicité.
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