IL SERA CHIMISTE, c’est décidé. Au milieu du XIXe siècle, Marcellin Berthelot choisit sa voie très tôt. Mais il faut comprendre que, à cette époque, la chimie moderne n’en est qu’à ses tous premiers pas, accomplis un siècle plus tôt par le grand Lavoisier. Dans l’esprit du jeune homme, être chimiste ne peut donc signifier simplement faire progresser la science, mais bien la révolutionner. La synthèse des composés organiques, alors vue comme difficile à réaliser sans l’aide de la force vitale – seuls Friedrich Wöhler avait réussi une synthèse de l’urée, en 1828, et Henry Perkin celle de la mauvéine, en 1856 -, Berthelot s’en chargera. Après avoir suivi les cours du lycée Henri IV à Paris, il entre comme assistant au laboratoire La Pelouse, rue Dauphine, puis il poursuivra dans celui de Balard au Collège de France. À partir de ce moment, sa carrière ne cessera jamais sa pente ascendante. Il n’a que 22 ans.
Chimiste et pharmacien.
À 23 ans, il publie une note à l’Académie des Sciences sur la liquéfaction des gaz, puis soutient sa thèse de doctorat intitulée Mémoire sur les combinaisons de la glycérine avec les acides et sur la synthèse des principes immédiats des graisses des animaux, qui traite de la fabrication des premières graisses artificielles. Parallèlement, il a été promu pharmacien à la faculté de pharmacie grâce à une thèse s’intitulant Nouvelles recherches sur les corps analogues au sucre de canne, et, les institutions évoluant avec lui, y a obtenu la première chaire de chimie organique, spécialement créée pour lui. Pour y faire honneur, il publie alors son ouvrage révolutionnaire traitant de La chimie organique fondée sur la synthèse. Exit la force vitale nécessaire au processus de synthèse. « Tout ce que j’ai détruit par l’analyse je puis le reconstruire par synthèse », affirme-t-il. Nous sommes en 1860 et Marcellin Berthelot marque de son nom le monde de la chimie et de la pharmacie.
En 1865, c’est au tour du Collège de France de créer une chaire de chimie organique qui sera également l’objet des convoitises de Pasteur. C’est finalement Berthelot qui s’y assoira pour ne plus jamais la quitter jusqu’à sa mort, en 1907. Dans le grand hall du Collège de France (situé au numéro 11, place Marcellin Berthelot, à Paris), on peut toujours voir l’œuf électrique de Berthelot, également objet d’une exposition à la faculté de pharmacie de Chatenay-Malabry. Boule de verre remplie d’hydrogène et dotée de deux électrodes de carbone, l’œuf du scientifique fit jaillir, en 1862, un arc électrique vertueux qui permit de réaliser la synthèse de l’acétylène à partir de ses deux composés chimiques, le carbone et l’hydrogène. La chimie moderne, qui servira tant l’industrie pharmaceutique à partir de la fin du XIXe siècle, était née.
Génie scientifique.
Mais Marcellin Berthelot ne s’arrête pas là. Découvreur insatiable, doté d’un génie scientifique irréfutable, il se consacre ensuite à la thermochimie, dont on peut dire qu’il est le précurseur. Au siècle de toutes les révolutions - populaires, scientifiques, artistiques, littéraires et industrielles – Berthelot trouve parfaitement sa place et prend part à la société en marche qui change. Homme de conviction et d’engagement, il est chargé, pendant l’insurrection de la Commune, en 1870, de présider le comité scientifique de défense nationale, ce qui le pousse à s’intéresser aux substances explosives, et finit par découvrir les propriétés explosives du nitrate d’ammonium.
Il enchaînera ensuite les hautes fonctions étatiques sans jamais abandonner son laboratoire. Il est nommé tour à tour ministre de l’Instruction publique et ministre des Affaires étrangères, sénateur inamovible à vie et grand-croix de la Légion d’honneur, puis il intègre l’Académie française, en 1901. À la fin de sa vie, il s’intéresse même à l’agriculture et au problème de fixation de l’azote atmosphérique sur les plantes, pour lequel il demande au Collège de France de lui procurer une station de chimie végétale à Meudon où l’on peut encore voir la tour de 28 mètres qu’il fit construire pour ses expériences.
Savant touche à tout.
Savant touche à tout, Marcellin Berthelot a travaillé la science sans oublier ses enjeux sociétaux et moraux, ce qui en fait un humaniste complet. Dans son atelier, mais aussi dans la vie publique, il fut un cerveau, à la fois rigoureux et sensible. Son goût pour la philosophie, qu’il avait acquis auprès de son grand ami Ernest Renan, ne se tarit jamais. Il voyait bien au-delà de la science, il voyait l’humanité prise dans son passé, son avenir et ses croyances, ce qui le poussa sans doute à s’intéresser à de multiples sujets, dont l’alchimie dans sa dimension ésotérique et pharmaceutique. Le seul reproche que lui fait la postérité est de ne pas avoir compris la théorie atomique.
Amoureux de sa femme jusqu’au dernier souffle, il ne lui survécut que quelques minutes. Par ce geste, Berthelot indiqua peut-être que, en fin de compte, seule la mort l’emporte sur toute autre logique. N’osant séparer les amants éternels, le Panthéon leur offrit une place à tous les deux lors de funérailles nationales.
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