LITHOS. Pierre pour les Grecs. Le lithium, un métal alcalin isolé de la pétalite en 1817 par le chimiste suédois Johan A. Arfvedson (1782-1841), fut baptisé par le baron Jöns Jakob Berzelius (1779-1848), l’un des pères de notre chimie. Il fallut attendre 1855 avant qu’il ne puisse être extrait en quantité significative par les chimistes Robert W. Bunsen (1811-1899) et Augustus Matthiessen (1831-1870). Quatre années plus tard, un médecin anglais, Alfred Barring Garrod (1819-1907), le proposa comme traitement de la goutte après avoir montré que son carbonate dissolvait les cristaux d’urate.
Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, nombre de médecins croyaient dans la diathèse urique, i.e. la capacité de l’organisme à accumuler l’urée : ils y voyaient la cause d’affections diverses, allant des gouttes ou gravelles aux démences en passant par l’angine de poitrine. La goutte apparaissant brutalement pour perdurer des semaines en l’absence de traitement, William A. Hammond (1828-1900), à l’hôpital Bellevue de New York, associa les troubles de l’humeur à une manière de « goutte » cérébrale et jugea logique de les traiter par le lithium. Partant de la même observation, un neurologue danois, Carl Lange (1834-1900), traita par lithium des dizaines de patients maniaques, ce qui lui permit d’affirmer leur action prophylactique sur cette affection dès 1896. Toutefois, à cette époque, le contrôle de la lithémie était impossible et les succès d’un jour furent suivis de nombreux décès…
Un demi-siècle plus tard, le lithium fut remis en scène loin du Danemark, en Australie, à Melbourne, par un psychiatre, John F. Cade (1912-1980), qui, en 1949, redécouvrit son intérêt par un biais des plus étonnants. Postulant une parenté entre la psychose maniaco-dépressive et la thyrotoxicose, il affirma que la maladie psychiatrique résultait de l’accumulation d’une substance dans l’organisme. Pour trouver laquelle, il injecta en intrapéritonéal à des cochons d’Inde de l’urine concentrée de patients maniaques et de sujets témoins, montrant que la première était plus toxique et imaginant que l’acide urique pouvait en être la cause. Il souhaita donc tester son hypothèse avec des solutions d’urate, et dut pour cela recourir au plus hydrosoluble des sels : l’urate de lithium. À sa surprise, cette solution préserva les rongeurs de la toxicité de l’urate. Il attribua l’action protectrice au lithium et observa que les solutions de carbonate de lithium rendaient les animaux léthargiques.
Certes, il y a loin du sommeil du cochon d’Inde à la manie. Qu’importe. Cade décida d’administrer du carbonate de lithium à des sujets maniaques, déprimés et psychotiques. Le sel se révéla efficace sur les signes productifs mais fut aussi à l’origine de décès mal expliqués, au point que l’usage thérapeutique des sels de lithium fut interdit aux États-Unis et le resta jusqu’en 1970.
Le lithium connut une troisième chance. La bonne. Le travail de Cade fut à l’origine des travaux de Mogens A. Schou (1918-2005) et de Poul C. Baastrup, au Danemark, et de la redécouverte de ses effets prophylactiques, aboutissant à une publication princeps en 1970.
Le développement de techniques efficaces de suivi de la lithémie permit alors de garantir la sécurité des patients. Vous connaissez la suite : le lithium constitue aujourd’hui la référence dans la prévention de la maladie bipolaire.
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