Histoire de la pharmacie

Les « simples » de Milly-la-Forêt, d’hier à aujourd’hui

Publié le 18/10/2010
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À la place de l’actuel Hôtel de Ville, il y avait autrefois l’hôtel-Dieu Saint-Nicolas, probablement fondé par la reine Bathilde au VIIe siècle. Milly-la-Forêt, à l’instar de ses voisines, Dourdan et Étampes, possède une longue histoire hospitalière que se propose de raconter l’exposition actuelle, présentée dans les trois villes : « De l’hôtel-Dieu à l’hôpital : Dourdan, Étampes, Milly-la-Forêt ».
Fresques de Jean Cocteau, chapelle saint Blaise des Simples

Fresques de Jean Cocteau, chapelle saint Blaise des Simples
Crédit photo : dr

Presse, musée du Conservatoire national des plantes médicinales

Presse, musée du Conservatoire national des plantes médicinales
Crédit photo : dr

Fresques de Jean Cocteau " La résurrection »

Fresques de Jean Cocteau " La résurrection »
Crédit photo : dr

La chapelle saint Blaise des Simples

La chapelle saint Blaise des Simples
Crédit photo : dr

Fresques de Jean Cocteau, " La menthe de Milly »

Fresques de Jean Cocteau, " La menthe de Milly »
Crédit photo : dr

Vue du jardin botanique du Conservatoire national des plantes médicinales

Vue du jardin botanique du Conservatoire national des plantes médicinales
Crédit photo : dr

Fresques de Jean Cocteau

Fresques de Jean Cocteau
Crédit photo : dr

MILLY-LA-FORÊT est liée à l’histoire des plantes médicinales, aussi appelées « simples », préparées par l’apothicaire et administrées aux malades, sinon pour le soigner, au moins pour le soulager de ses maux. S’il ne reste aucune trace de l’apothicairerie qui devait exister dans l’ancien hôtel-Dieu, la tradition locale fait remonter la culture des plantes médicinales à Milly-la-Forêt au XIIe siècle, au moment de l’apparition d’une maladrerie auprès de la chapelle Saint-Blaise, qui accueillait les lépreux exclus de fait de tous les hôtels-Dieu pour cause de contagion. Située sur la route de Nemours, légèrement à l’extérieur de la ville, lieu de toutes les vertus, la petite chapelle recevait les prières des pauvres malades adressées à Saint-Blaise, Saint Guérisseur. Et, autour, un jardin des simples (que l’on peut toujours voir aujourd’hui) constituait le seul autre espoir d’une possible guérison grâce aux plantes cultivées sur la terre féconde de Milly.

Oui, la terre de Milly est particulière et les plantes qui y sont cultivées sont dotées d’un arôme pénétrant. Leur parfum, mais aussi leurs vertus thérapeutiques, étaient déjà reconnus il y a plusieurs siècles. C’est réellement sous la Révolution que débute la culture à une plus grande échelle des plantes de Milly, qui commencent à être recherchées sur les marchés. Durant tout le XIXe siècle, l’ensemble des familles d’agriculteurs du pays millacois prennent soin du sol sablonneux et humide, si aimé des simples, de la petite vallée de l’École, du nom de la rivière qui traverse Milly. Sont alors construits de grands séchoirs de plusieurs mètres de long (encore visibles pour certains) et de grosses presses : les plantes précieuses sont prêtes à être envoyées aux pharmaciens, distillateurs et herboristes. En 1892, lors du concours agricole, Monsieur Planchon, directeur de l’École de Pharmacie, de passage à Milly, a pu y admirer la menthe, la belladone, la sauge ou l’absinthe, vedettes des plantations. Un des cultivateurs de plantes médicinales qui s’installa à Milly en 1887, Amand Darbonne, est le fondateur de l’entreprise Daregal, première aujourd’hui sur le marché des herbes aromatiques surgelées et toujours implantée à Milly.

Âge d’or.

A la fin du XIXe siècle, les cultivateurs de Milly sont de plus en plus connus et la France occupe la première place mondiale dans le commerce des plantes médicinales. En 1889, à l’exposition universelle, le premier syndicat des cultivateurs herboristes expose, et en particulier les plantes médicinales et aromatiques de Milly. Puis, pendant les années 1920-1930, les plantes de Milly connaissent leur âge d’or, notamment grâce à la menthe poivrée, qui devient comme l’emblème de la ville lors de la grande foire des plantes médicinales de 1923 qui a lieu sous la magnifique halle, aujourd’hui classée monument historique.

La menthe poivrée de Milly, réputée pour ses vertus digestives, antispasmodiques et analgésiques fait toujours la notoriété de Milly, étant utilisée en tisanes, sirops ou bonbons, mais aussi dans des recettes plus insolites comme le flan de courgettes bio à la menthe ou le cookie chocolat menthe !

Aujourd’hui, le souvenir des cultivateurs-herboristes de Milly se perpétue à travers l’activité du conservatoire national des plantes à parfum médicinales, aromatiques et industrielles, qui conserve et sauvegarde plus de 1 500 espèces prioritaires ou menacées visibles dans son jardin botanique, vend des plants et des semences à des particuliers ou des industriels et sensibilise le grand public à l’univers des plantes à travers des visites guidées et un parcours muséographique.

Jean Cocteau.

Les plantes de Milly ont également été immortalisées par Jean Cocteau, en 1959, dans la chapelle Saint-Blaise où il a voulu être enterré et où la voix de Jean Marais nous parle encore des simples de Milly que l’artiste aimait tant : « Il choisit les simples pour thème de décoration à la manière d’un herbier qui monte vers le toit, comme une prière montant vers le ciel. » Jean Cocteau peignit ainsi le Christ ressuscité accompagné de la jusquiame, la belladone, la valériane, la guimauve, l’arnica, la renoncule, la colchique, l’aconit et bien sûr la menthe de Milly entourée de gentianes.

Enfant du pays, Jean Cocteau sut ainsi faire revivre la plus antique pharmacie, celle des simples et des prières.

Espace culturel du Moustier, Milly-la-Forêt

Exposition jusqu’au 28 novembre 2010 ; renseignements : 01 64 98 75 52

Conservatoire National des Plantes à Parfum Médicinales, Aromatiques et Industrielles ; renseignements : 01.64.98.83.77.

JULIE CHAIZEMARTIN

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2782