Au bout d’un chemin, Gérard Beurdelay, président de l’association Monsieur Vincent, qui s’occupe de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine local, nous attend. Derrière lui, se découvre une jolie façade de bâtiment. Elle est surmontée d’un petit clocher élancé et ornée d’une niche dans laquelle on croit reconnaître une statue de saint Vincent de Paul. Tout en nous invitant à monter les quelques marches qui mènent à la chapelle, notre guide explique que l’ancien hospice, aujourd’hui transformé en maison de retraite, a été fondé en 1681 par l’abbé Claude Charles Rochechouart de Chandenier : « L’abbé était ami avec Vincent de Paul et était très tourné vers les pauvres. De cette amitié naquit l’hospice Saint-Sauveur de Moutiers », précise-t-il.
Un hôpital né sous le signe de l’amitié.
Une amitié qui marqua les lieux puisque, dans la chapelle, les deux hommes sont en quelque sorte comme réunis : s’y trouvent, sur le sol, la plaque funéraire de Claude Charles Rochechouart de Chandenier et, accroché au mur, un magnifique portrait peint dans un cadre doré de Vincent de Paul. Le visage serein, en habit de chœur blanc, il a le regard bienveillant. Peint par un certain François Simon, dit aussi François de Tour, il s’agit vraisemblablement du tableau original, réalisé du vivant de Vincent de Paul - peut-être même le seul réalisé de son vivant - juste avant sa mort. On en connaît aujourd’hui plusieurs copies, réalisées souvent après sa béatification, en 1729, ou sa canonisation, en 1737, (comme le portrait conservé à la Maison des Lazaristes de Paris, celui du château de Versailles ou celui du couvent Sainte-Marthe de Périgueux). Ce portrait aurait été donné à l’abbé Claude Charles Rochechouart de Chandenier en souvenir de son ami. Chaque jour, il l’encourageait probablement dans sa mission de charité.
L’abbé avait d’abord fait venir deux filles de Saint-Lazare pour s’occuper des malades. Elles étaient hébergées dans le village. Mais la mense abbatiale concernait alors seize villages autour de Moutiers et elles furent bientôt submergées de travail. L’abbaye de Moutiers-Saint-Jean, même légèrement en déclin au XVIIe siècle, fut en effet la toute première des abbayes bourguignonnes fondée au Ve siècle et avait eu ses heures de gloire à l’époque médiévale, ce qui en faisait un lieu reconnu et respecté dans la région (entièrement détruite à l’époque révolutionnaire, il n’en reste que peu de fragments dans les musées, dont deux chapiteaux au musée du Louvre et, le plus connu, un portail remonté au célèbre Cloister Museum de New York). C’est en faisant ce constat que l’abbé décida de construire un grand lieu d’accueil, un hospice dont les Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul s’occuperaient (elles vont y rester jusqu’en 1932). Il obtint l’autorisation des villageois, en 1679, puis celle du roi par lettres patentes, en 1681.
Un joyau du patrimoine pharmaceutique.
C’est dès la fondation de l’hospice qu’est construite l’apothicairerie, bien que légèrement à l’écart des salles des malades. On y accède par un petit escalier qui surplombe le jardin. Tout autour, se déploie la campagne, silencieuse, endormie. On entre dans une première salle, l’arrière-boutique, composée de grandes étagères où sont présentées une collection d’étains, les lettres patentes royales, contresignées de la main de Colbert, et une délicate Vierge à l’Enfant dans le style gothique bourguignon. Aurait-elle été donnée par l’abbé à l’apothicairerie ? En continuant la visite, on entre dans l’apothicairerie, toute boisée et garnie de plus de deux cents pots de faïence, véritable petit joyau du patrimoine pharmaceutique. Tous les pots sont différents, certains sont en faïence de Nevers, d’autres proviennent de manufactures de la région, dont la manufacture du Prieuré de Vausse. Bouteilles, pots-canons et chevrettes sont soigneusement rangés sur les étagères de bois derrière de petites colonnettes torsadées (ces dernières rappellent les étagères de l’apothicairerie de l’hôtel-Dieu de Tournus). Dans une des étagères, se trouve une belle collection de piluliers et une étrange chevrette, de taille anormalement petite. Sur les tiroirs de bois sont indiqués les noms des organes du corps pour y ranger les remèdes y afférant. Au sol, on aperçoit même des carreaux en faïence de Delft.
Saint Vincent de Paul est-il venu à Moutiers-Saint-Jean ? On peut imaginer beaucoup de choses dans ce lieu baigné de mystère. « Les archives de Moutiers ne nous ont pas encore tout dit. L’inventaire n’est pas encore terminé », explique Gérard Beurdeley.
Aujourd’hui, la figure du grand homme est encore très présente à Moutiers. Même si le vieil hôpital semble, au premier abord, hors du temps, même si les vieux corps de ferme et les habitations vétustes montrent une allure fatiguée, même si les rues semblent désertes et insignifiantes, il y a bien un petit trésor préservé à Moutiers-Saint-Jean. Insoupçonnable pour celui qui n’est pas curieux.
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