LE LABORATOIRE. C’est, sans aucun doute, le laboratoire le mieux conservé d’une apothicairerie hospitalière. À la fin du XVIIIe siècle, à l’époque de la construction de l’hôtel-Dieu, il s’agissait plutôt d’une tisanerie. L’imposant fourneau et les alambics n’ont été installés qu’en 1857. L’eau courante arrivait par les cols de cygne qui font le charme du lieu. Rémi Riche, historien passionné par l’histoire locale, attire notre attention sur les bassines et les mortiers, faits en différents matériaux (cuivre, laiton, étain, faïence et verre), indiquant que l’apothicairerie a vu les siècles se succéder. Elle existait donc probablement avant, dans l’ancien hôtel-Dieu, aujourd’hui disparu.
L’ARRIÈRE-BOUTIQUE. Notre guide poursuit la visite dans l’arrière-boutique, là où sont stockées les matières premières. Il nous fait revivre les époques où les religieuses s’activaient pour préparer les distillats et fabriquer les remèdes, avec d’autant plus d’enthousiasme que les archives hospitalières de la ville viennent d’être classées et qu’elles seront même bientôt numérisées. On apprend que tout commence au Xe siècle, lorsqu’est découverte à Bourg-en-Bresse une image miraculeuse de la Vierge Noire. De nombreux pèlerins affluent et, bientôt, une petite chapelle est élevée, puis une maladrerie est créée. Un peu plus tard, un lieu plus grand pour accueillir les pauvres, les vieillards et les enfants trouvés, ouvre ses portes. C’est l’hôpital Sainte-Marie, dont la première mention date de 1301. À cette époque, de nombreuses confréries religieuses apparaissent pour collecter les bienfaisances au profit de l’assistance et des soins aux plus démunis, le plus souvent lors du lundi de Pâques, de l’Annonciation, de la Circoncision, de la Pentecôte et de la Fête-Dieu. On s’en remet à dieu et on prie pour espérer guérir. Il semble en effet que les fabricants de remèdes ne soient pas encore bien acceptés car ils se voient même refuser l’entrée de l’hospice. On se méfie des « ribauds », comme ils furent appelés, pour désigner des personnes aux mauvaises intentions, venues vendre leurs étranges recettes de thériaque. Les médicaments n’étaient donc achetés que de manière très irrégulière.
Il faut attendre 1654 pour que soit créée une première apothicairerie. Alors même que l’hôpital vient d’être transféré, deux ans plus tôt, dans un autre endroit, près de la place d’Armes, les hospitaliers décident de faire venir trois religieuses, en provenance de Notre-Dame de Béziers, pour s’occuper des malades et pour tenir la boutique. Ces Augustines vont petit à petit prendre de l’importance au sein de l’établissement, jusqu’à supplanter les apothicaires : elles achètent régulièrement des médicaments, en général à Lyon et, surtout, sont de plus en plus nombreuses (en 1669, il y avait vingt-et-une religieuses de chœur et deux prétendantes).
C’est à ce moment que l’hôtel-Dieu vit une situation caractéristique de cette époque qui voit s’affronter les sœurs apothicaires et les responsables d’hôpitaux. Ces derniers leur reprochent leur trop grande implication dans l’activité de l’établissement. Ils vont jusqu’à les accuser de ne songer qu’à leur bien personnel. Leur objectif est de les expulser. La tension est telle qu’un règlement précis est établi entre les sœurs et les syndics concernant la gestion de l’hôpital. La grande expérience des religieuses leur permet de continuer leur mission. En 1681, elles achètent pour la première fois de la thériaque à Forcalquier et, en 1689, du quinquina. Puis, en 1708, elles demandent la création d’un laboratoire. Les archives ne mentionnent à cette date aucune salle dévolue à l’apothicairerie, cependant, vu l’activité des sœurs, il est probable que l’apothicairerie se développa dans les premières années du XVIIIe siècle, alors même que l’hôpital est agrandi. La boutique devait fournir les principaux revenus à l’hôtel-Dieu grâce à la vente de remèdes au public.
LA SALLE DE VENTE. C’est la dernière salle de l’ensemble (il y avait à l’origine une quatrième salle) construit lors de l’érection du nouvel hôtel-Dieu en 1783, d’après un premier projet de Pierre-Adrien Pâris, mais réalisé finalement, pour des raisons financières, par l’architecte local Gaspard Chauvereiche. Cette salle surprend par sa grande taille et les belles boiseries de chêne, de style Louis XV, conçues sur mesure pour accueillir les pots et les boîtes (dont on ne sait toujours pas s’ils ont été achetés ou offerts) contenant les produits miracles, telle la pilule perpétuelle (qu’on avale, qu’on récupère, qu’on lave et qu’on réutilise… !). On reconnaît les faïences dans le style de la manufacture de Nevers (mais probablement réalisées à Lyon) et les traditionnels corne de cerf, hellébore (censé soigner la folie) ou salsepareille (censée soigner la syphilis). On apprend que, au XVIIIe siècle, l’apothicairesse en chef était la dame de Pontdevaux, remplacée à sa mort, en 1747, par la plus connue, Dorothée Chambard, qui s’occupera de l’apothicairerie avec sa sœur, Félicité, jusqu’en 1826. Toutes deux recevaient les clients qui devaient rester derrière une barrière, toujours en place. De cet endroit, en attendant la livraison de leurs médicaments, ils pouvaient lire cette phrase en latin : « Venite ad nos et sanabimus vos » , c’est-à-dire « Venez à nous et nous vous guérirons ».
Aujourd’hui, l’hôtel-Dieu est transformé en maison pour personnes âgées et l’apothicairerie est classée au titre des Monuments historiques. Elle fonctionnait encore jusque dans les années 1960. La ville de Bourg-en-Bresse, grâce à une récente campagne de restauration (certains tableaux sont encore en restauration) a pu mettre en valeur la beauté de ce lieu. Devant la riche décoration qui semble intacte et les mille contenants, on image le laboratoire bruyant et enfumé, on espère que le secret de la thériaque sera un jour percé (il a été évoqué que des analyses pourraient être faites sur un échantillon) et on redevient un instant cet enfant émerveillé et rêveur qu’on était autrefois.
Visites : tous les samedis à 14 h 30 ; tous les mardis de juillet et août à 10 h 30 (rendez-vous dans la cour de l’hôtel-Dieu). Renseignements : Office de Tourisme de Bourg-en-Bresse : 04.74.22.49.40.
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