DANS LA PHARMACIE MÉSAIZE, en regardant les clystères, crachoirs et autres pots à onguents, on imagine la figure du pharmacien Homais de Madame Bovary mais c’est un autre pharmacien qui permit au musée de naître. François Mésaize commença sa carrière comme préparateur en laboratoire à Paris, puis obtint le poste envié de pharmacien gagnant maîtrise de l’Hôtel-Dieu de Rouen. Il ouvrit son officine en 1774. Luxueuse, elle avait pignon sur rue place de la Pucelle, puis fut détruite en 1903 en même temps que l’élargissement de la voie. Son mobilier fut vendu aux enchères, tandis que ses pots en faïence de Rouen furent acquis par les anciens élèves de l’école de médecine de Rouen, en 1901, pour constituer le premier fonds du musée. L’apothicairerie du musée fut ensuite complétée par de nombreux dons. Ils forment aujourd’hui un ensemble riche de deux cents pièces prestigieuses comme les belles faïences italiennes et françaises qui rappellent la formule du célèbre apothicaire rouennais, Nicolas Lémery, dans sa Pharmacopée Universelle (1697) : « On préfère la fayance aux autres terres chez les apothicaires à cause de sa beauté et de sa netteté. » Et l’on repense aussi à un autre apothicaire de Rouen, Pierre Dubosc, qui commanda, au XVIe siècle, une coquette série de 4 152 pots au céramiste Masséot Abaquesne, connu pour être le premier faïencier français et pour avoir contribué à la renommée de la manufacture de Rouen. L’apothicairerie du musée nous emmène ainsi sur les traces des faïences et des officines rouennaises.
Les grilles de l’ancienne pharmacie Mésaize, données en 1947 au musée par le Dr Pierre Derocque, permettent en effet d’imaginer ce que pouvait être la devanture de l’officine. Placées en imposte au-dessus de la vitrine, ces grilles originales en fer forgé figuraient, aux yeux de tous, les symboles des métaux dans la tradition d’une pharmacie alchimique : l’or, l’argent, le mercure, le fer, l’étain, le plomb, le bismuth et l’antimoine font partie d’une pratique de la pharmacie utilisée depuis la Renaissance intégrant l’usage des métaux et indiquant combien la science du pharmacien est puissante. Au-delà de la devanture, les objets pharmaceutiques du musée nous invitent aussi à découvrir l’intérieur, souvent surprenant, des anciennes officines.
Les objets rares et insolites.
Notre curiosité est éveillée par un amusant jouet pharmaceutique représentant un apprenti apothicaire actionnant son pilon, un mâche-bouchon en forme de crocodile, un vieux clystère d’époque Louis XIV encore enrobé de son étui de cuir à côté d’un beau clystère « soi-même », ou encore un drôle de perchoir à sangsues en verre soufflé, « objet très rare », confirme la conservatrice du musée, Arlette Dubois, et témoin précieux d’un siècle, le XIXe, qui fit une si grande consommation de sangsues (41 millions en 1833) que les étangs français finirent par se dépeupler ! On voit aussi une presse à laudanum qui servait à écraser l’écorce de pavot. Elle provient de la tisanerie de l’Hôtel-Dieu qui, fait exceptionnel, est toujours conservée avec ses cuivres dans les bâtiments de l’hôtel-Dieu, désormais siège de la préfecture de Rouen. Aux murs, quelques-unes des phrases du Dictionnaire des idées reçues de Flaubert rappellent que nous sommes dans la maison de l’écrivain, juge sévère et cassant de la médecine de son époque : « Médecine. S’en moquer quand on se porte bien », « Illisible. Une ordonnance de médecin doit l’être ».
Flaubert et la médecine.
« On me purge, on me saigne, on me met des sangsues. La bonne chaire m’est interdite, le vin m’est défendu, je suis un homme mort. Je ribote avec de l’eau de fleur d’oranger, je me fous des bosses de pilules, je me fais socratiser par la seringue, et j’ai un hausse-col sous la peau ; quelle existence voluptueuse ! Ah que je m’emmerde ! », écrit Flaubert à son ami Ernest Chevalier en 1844. Syphilitique et épileptique, Flaubert devait se soigner sans cesse. Que ce soit les pots à onguent napolitain, cet onguent à base de mercure qui servait à soigner le « mal napolitain » (c’est ainsi que les Français appelaient la syphilis depuis les guerres d’Italie, tandis que les Italiens parlaient du « mal français »), ou que ce soit l’encyclopédie de Lémery, chaque objet de l’apothicairerie du musée fait revivre l’œuvre et l’enfance de Flaubert sur lesquelles revient l’exposition actuelle du musée, « Elevé dans les coulisses d’Esculape ».
L’apothicairerie du musée Flaubert et d’histoire de la médecine de Rouen conserve ce charme qui fait sourire aujourd’hui d’une pratique pharmaceutique incertaine, entre science et charlatanisme, quand il y avait encore à l’entrée des officines un flacon de cristal jaune dans lequel les malades se voyaient la mine blafarde tandis qu’à la sortie, un fier flacon rouge leur faisait reprendre des couleurs.
51 rue Lecat, Rouen.
Tél. 02.35.15.59.95.
Mardi : 10h-18h – Mercredi - samedi : 10h-12h et 14h-18h
Exposition Dans les coulisses d’Esculape, jusqu’au 30 octobre 2010.
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