« NOUS vint la maladie de l’armée, qui était telle que la chair de nos jambes séchait toute, et la peau de nos jambes devenait tachetée de noir et terreuse comme vieille chausse, venait la chair pourrie aux gencives… » : saisissante description que nous légua, en 1249, un Croisé, Jean de Joinville. Cette maladie, décrite dès l’Antiquité, nous impressionne encore par les ravages qu’elle occasionna sitôt que les expéditions maritimes, à la fin du XVe siècle, ne se limitèrent plus à du cabotage. Si Colomb mit à peine plus d’un mois pour toucher Cuba, Vasco de Gama navigua onze mois avant de gagner les Indes Orientales par le cap de Bonne Espérance : sa course coûta la vie à 100 marins sur 160, victimes de la mystérieuse maladie. L’expédition de Magellan se solda par le décès de 247 des 265 hommes embarqués trois ans auparavant…
Les longues traversées sans escales donnaient toutes lieu au même spectacle : les gencives des marins enflaient considérablement, leurs dents se déchaussaient, leur palais se gonflait d’abcès infectés, leur peau se couvrait d’ecchymoses et ils mouraient de faim et d’asthénie, victimes d’effroyables douleurs. Pourtant, on savait à la fin du XVIe siècle que la guérison était rapide dès qu’une escale offrait des végétaux frais. Cette maladie fut nommée en 1556 « scorbutus » par un danois, Johann Echthius - « scorbut » en français et « scurvy » en anglais.
L’Anglais James Cook (1728-1779) fut le premier à naviguer sans risque : il avait lu l’ouvrage (« Treatise of the Scurvy », 1753) d’un chirurgien de la marine, James Lind (1716-1794) codifiant un traitement simple du scorbut : des fruits et des légumes frais. Cook quitta l’Europe avec de nombreux tonneaux de choucroute et des oignons dont il imposa la consommation aux équipages, et embarqua à chaque escale agrumes et légumes frais.
Dès la fin du XVIIIe siècle, cette maladie se raréfia mais il fallut attendre le milieu du XIXe siècle et l’observation de populations carencées pour comprendre que les produits frais prévenaient le scorbut. Ceci fut prouvé en 1907, lorsque deux Norvégiens, Axel Holst (1860-1931) et Theodor Frölich (1870-1947), induisirent un scorbut expérimental chez des cobayes nourris de seuls flocons d’avoine.
Les physiologistes imaginèrent alors que béribéri, pellagre ou… scorbut avaient probablement pour origine des carences en facteurs alimentaires inconnus. Ils furent appelés « vitamines » en 1912 par le biochimiste polonais Kazimierz Funk (1884-1967) qui les indexa par ordre alphabétique : la vitamine dont la carence expliquait le scorbut fut la « C ».
Vers 1918, deux biochimistes anglais, Sir Arthur Harden (1865-1940) et Sylvester Solomon Zilva, cherchèrent la fraction antiscorbutique du citron. En 1927, le physiologiste hongrois Albert Szent-Györgyi (1893-1986), alors en Angleterre, isola un acide hexuronique des surrénales du cobaye. En 1931, le biochimiste américain Charles Glen King (1886-1988) isola du citron l’acide ascorbique que Joseph L. Sviberly identifia comme l’acide hexuronique isolé par Szent-Györgyi… Rapidement alors, des physiologistes prouvèrent que l’acide ascorbique était la fameuse vitamine C de Funk. La boucle était bouclée !
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