FRANÇOIS, le père, était un amoureux de la beauté et un collectionneur passionné. Jacques, le fils, continua son œuvre. En 1995, il décida d’enrichir avec une dation puis une donation, non le Louvre ou tout autre musée qui aurait sans doute accepté avec joie des objets de si grande valeur, mais le musée du service de santé des armées, geste rappelant que son père servit en tant que pharmacien major pendant la Grande Guerre. Instruments de médecine et de pharmacie, mortiers et céramiques, en particulier de splendides majoliques italiennes, forment un ensemble cohérent, réuni par un homme que l’on devine exigeant, érudit et esthète. Chaque objet est d’une beauté différente et notre œil s’en trouve définitivement attiré. Tout s’éclaire un peu plus à chaque pas : les grands centres de production de pots de pharmacie sont représentés, ainsi qu’une apothicairerie reconstituée sur le modèle de celle des Invalides, hôpital militaire de la royauté où une charge d’apothicaire avait été instituée, dès 1674, par Louis XIV. On se prend alors à voyager de vitrine en vitrine, d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre…
Les mortiers.
Les mortiers sont en bronze, en fonte, en pierre, en ivoire, en albâtre, en verre, en porphyre, en marbre, en basalte et même en bois de gaïac, bois imputrescible et autolubrifiant qui servait notamment dans la marine pour les bateaux. Ils proviennent d’Italie, d’Espagne, de France, d’Allemagne, des Pays-Bas ou d’Angleterre mais aussi du Maghreb, de la région du Khorassan en Iran et d’Égypte. Leur large datation procure à la collection toute son importance et montre l’évolution du mortier à travers les âges, de l’Égypte antique pour ceux en albâtre jusqu’au XXe siècle pour un mortier en bronze réalisé pour François Debat.
Ils sont nombreux et constituent, dit-on, une des plus grandes collections au monde de mortiers. Sur l’un d’entre eux, une inscription résume leur caractère indispensable pour le pharmacien demeurant dans le secret des dieux : « Du ciel, le Seigneur a donné les médicaments qui viennent de la terre, l’homme expérimenté ne s’en détournera pas ».
Les pots.
Les majoliques italiennes de la Renaissance constituent la majeure partie de la collection. Albarelli, chevrettes, bouteilles, piluliers provenant des ateliers de Faenza, Urbino et Deruta, mais aussi de Montelupo - dont un magnifique pichet aux armes Médicis du pape Léon X ou une plaque aux armoiries de l’hôpital Santa Maria Novella de Florence (armoiries avec une béquille également sur des pots conservés au Louvre*) - de Venise, de Naples, de Rome, de Savone ou de Sicile sont tous ornés de riches décors polychromes mythologiques ou bibliques et de phylactères avec des inscriptions diverses de médicaments : R Mandragore (racine de mandragore), S de papavero (sirop de pavot), Mostarda f. (moutarde fine), G de cavallo (graisse de cheval) Rad gentinae (racine de gentiane)…
De même sont présentes les plus grandes manufactures françaises actives au XVIIIe et XIXe siècles : Paris - avec notamment une série originale de pots au décor dit « retour d’Égypte » datée de 1818-1829 de la fabrique Deroche - Nevers, Rouen, Sceaux, Saint-Cloud et la région du sud-ouest. La collection continue de s’étendre avec quelques pots aux Pays-Bas et à l’Espagne. Son fleuron nous fait même voyager jusqu’en Chine avec un pot et une chevrette exceptionnels, ornés de l’aigle héraldique russe, provenant d’une série commandée par le tzar Pierre le Grand à la compagnie des Indes au début du XVIIIe siècle.
Les pharmacies portatives.
En parlant de voyage, on s’attarde aussi à regarder de raffinées trousses d’apothicaires que ceux-ci emportaient pour des rendez-vous à l’extérieur, dont une magnifique, d’Allemagne, en placage d’ébène, avec une huile sur cuivre représentant une apothicairerie. Elles étaient également utilisées par les pharmaciens des armées lors des conflits ou des grandes expéditions maritimes qui permirent d’étudier les richesses de la planète. René Primevère Lesson, par exemple, pharmacien en chef de la Marine, ramena de son voyage sur la corvette « La Coquille », en 1825, de précieuses collections géologiques, zoologiques et botaniques. À son tour, le pharmacien Gaudichaut-Beaupré embarqua sur la corvette « La Bonite » en 1835 et rapporta son recueil du « Voyage autour du Monde » avec 156 planches (dans la collection permanente du musée) décrivant plus de deux cents espèces alors inconnues. Ainsi, la pharmacie militaire apporta beaucoup à la science pharmaceutique à travers recherche scientifique et expéditions et plus d’un professeur du Val-de-Grâce siégea à l’Académie nationale de pharmacie.
On comprend pourquoi les Debat confièrent leur collection au musée du service de santé des armées et pourquoi François Debat intégra une autre Académie, celle des Beaux-Arts.
Musée du Service de Santé des Armées au Val-de-Grâce
1, place Alphonse Laveran, Paris 5e
Mardi, mercredi, samedi, dimanche : 12 heures - 18 heures
Tel : 01 40 51 51 92
Exposition temporaire :
« Le musée sort de ses réserves » jusqu’au 31 janvier 2010 (prolongée jusqu’en mars).
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